Le printemps aura été, encore une fois, le théâtre de la politisation extrême des enjeux liés au secteur de la santé au Québec avec son lot d’effets négatifs. Bien qu’une certaine vision motivée par le bien commun devrait guider les élus lorsqu’ils doivent se prononcer sur les enjeux liés à la santé, force est de constater que le « spin » médiatique a souvent beaucoup plus de poids quand vient le temps de prendre des décisions ou de se positionner politiquement. Disons que la vérité et les faits sont fréquemment laissés sur la touche.
Le gouvernement prend donc des décisions soudaines uniquement pour répondre à une crise « politique » créée par un reportage médiatique pendant que l’opposition, dans le seul but d’embarrasser le gouvernement, colporte des légendes urbaines contredites par les faits et les chiffres. Voici des exemples tout simples qui devraient justifier à eux seuls une réflexion en profondeur au Québec sur une nécessaire « dépolitisation » de la gestion de notre système de santé.
Les médias s’intéressent au temps d’attente dans les urgences et décrètent que l’amélioration souhaitée n’est pas au rendez-vous. Quelle est la réponse du gouvernement ? Un ultimatum aux gestionnaires pour qu’ils règlent en une semaine des problèmes structurels qu’on tente de résoudre depuis des années ! S’ensuit automatiquement une série d’effets indésirables qui, à moyen et à long terme, n’auront que des conséquences néfastes, tout en améliorant peu la situation réelle : chambardements brusques pour certains patients et leurs familles, pression indue sur les professionnels de la santé, surcharge de travail pour les médecins à l’urgence et sur les étages qui augmente le risque d’erreurs médicales, tensions entre gestionnaires et personnel soignant, démotivation et découragement des équipes de soins, etc. Et le plus ironique dans tout cela, c’est que les véritables solutions sont connues et que d’incessantes demandes provenant du personnel soignant visant à apporter les correctifs nécessaires pour permettre un meilleur accès aux soins ont bien souvent été ignorées dans les semaines et les mois précédents.
Difficile de passer sous silence les affirmations de certains élus de l’opposition sur l’accès aux médecins de famille, aberrations pourtant contredites par des données facilement accessibles. On a par exemple entendu la critique de l’opposition officielle en santé mentionner que 12 000 Québécois de plus de 80 ans étaient stationnés dans le GAMF en attente d’un médecin de famille. Pourtant, seulement 7505 Québécois de plus de 80 ans ne sont présentement pas inscrits auprès d’un médecin de famille ! Quand on sait en plus qu’une forte proportion de ces 7505 Québécois sont probablement en CHSLD et ne peuvent donc pas actuellement être inscrits par leur médecin traitant, une telle déclaration a de quoi choquer. La même députée a aussi maintes fois répété que les médecins de famille prennent surtout en charge les personnes en bonne santé plutôt que celles qui sont malades et vulnérables. On peut parler ici d’une affirmation non seulement erronée, mais carrément outrancière. En effet, les données indiquent que sur près d’un million de patients pris en charge depuis 2013, 73 % étaient vulnérables ! Et à un degré moindre, le deuxième parti d’opposition n’est pas en reste lorsqu’il prône, comme solution à tous les problèmes d’accès aux soins médicaux, la fin de la rémunération à l’acte au profit d’une rémunération à forfait. Il omet dans le même souffle de mentionner que près de 40 % de la rémunération des médecins de famille prend déjà une autre forme que l’acte.
Avec de tels exemples, force est de constater qu’il faut faire preuve d’une imagination certaine pour voir une valeur ajoutée à la mainmise de nos élus sur le réseau de la santé. Un changement de culture à cet égard est non seulement souhaitable, mais essentiel à nos yeux.
Le 17 mai 2017
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Le président, Dr Louis Godin |