des outils qui peuvent changer votre pratique
Des outils, déjà utilisés dans le Canada anglais, peuvent donner au médecin de précieuses informations sur sa pratique à partir des données de son DME. Par exemple, le pourcentage de ses patients qui atteignent les cibles recommandées.
Il y a deux ans, à Toronto, la Dre Michelle Greiver et son équipe se sont aperçues, en lisant le dernier rapport sur leur clientèle, que la pression artérielle moyenne de leurs patients diabétiques était trop élevée. « Plus de 50 % dépassaient 130 mmHg/80 mmHg. Ce n’était pas acceptable », se souvient l’omnipraticienne affiliée à l’Hôpital général de North York.
L’infirmière de l’équipe a alors proposé de revoir tous les dossiers des patients concernés et d’y mettre une alerte. Il fallait vérifier s’ils prenaient bien leurs médicaments et, au besoin, leur proposer un antihypertenseur additionnel. « Dans le rapport suivant, les résultats étaient meilleurs », précise la Dre Greiver.
Deux fois par année, l’omnipraticienne reçoit du Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) différentes données sur sa pratique (figure). Cet organisme, qui compte quelque 1200 médecins sentinelles dans tout le Canada, répartis dans plus de 200 cliniques, met à la disposition de ses membres un outil qui extrait les données de leur DME et en ressort des informations-clés.
Le rapport semestriel dresse non seulement le profil de la clientèle (âge, sexe), mais indique également le pourcentage de patients atteints de huit maladies chroniques que le RCSSSP surveille : l’hypertension, le diabète, la dépression, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’arthrose, la démence, l’épilepsie et la maladie de Parkinson.
Le document fournit même au médecin des indicateurs de qualité pour deux maladies : le diabète et l’hypertension. Il révèle ainsi le pourcentage de patients diabétiques dont l’hémoglobine glyquée, la pression artérielle et le taux de cholestérol LDL atteignent les valeurs cibles. Le rapport donne aussi au clinicien le nombre de ses patients hypertendus et le pourcentage de ceux dont les pressions systoliques et diastoliques sont revenues à la normale.
Le rapport du RCSSSP offre par ailleurs la possibilité de se comparer. À Gatineau, quand le Dr Gilles Brousseau a lu son premier rapport dans le cadre d’un projet pilote, il a été rassuré. Ses résultats étaient semblables à ceux des autres médecins de famille.
« Souvent, on se dit : “Mon Dieu ! J’ai de la difficulté à maîtriser la pression artérielle d’une partie de ma clientèle ou le diabète de certains de mes patients, malgré toutes mes interventions”. Mais dans le rapport, on voit que les autres médecins ont autant de problèmes. »
Le document du RCSSSP donne les résultats de la moyenne des médecins sentinelles du Canada, de la province, de la région et de la clinique. Des données qui permettent de mettre en perspective sa propre pratique. « Si, par exemple, 70 % de mes patients diabétiques atteignent la cible d’hémoglobine glyquée, mais que 80 % de ceux de mes collègues y parviennent, je dois me poser des questions », indique la Dre Marie-Thérèse Lussier, responsable de la section québécoise du RCSSSP et directrice du Réseau de recherche en soins primaires de l’Université de Montréal.
Mais comment ces rapports sont-ils produits ? Avec l’accord du médecin, qui devient alors une sentinelle, le RCSSSP extrait tous les trois mois du serveur du clinicien les données anonymisées de son dossier médical électronique (DME). Le consentement des patients doit toutefois être obtenu au préalable. Les informations sont ensuite envoyées dans la base de données centrale située à l’Université Queen's, en Ontario. Grâce à ces informations, le RCSSSP produit des rapports que le praticien reçoit deux fois par année.
Le système du RCSSSP, doté d’un ensemble de logiciels, offre l’avantage de traiter les données. Pour commencer, il les standardise pour qu’elles soient comparables d’un type de DME à l’autre. Il extrait ensuite les informations du dossier et les dénominalise. Dans le cas des huit maladies chroniques surveillées, le RCSSSP nettoie les données de tous les champs et cherche la confirmation du diagnostic en croisant les renseignements inscrits dans plusieurs endroits du DME.
« Comme médecin, on ne consigne pas toujours les informations de manière uniforme, indique la Dre Lussier. Parfois, on inscrit l’hypertension dans le DME en écrivant “HTA” tandis que d’autres fois, on tape le mot avec des majuscules ou encore avec des minuscules ou on met “haute pression”. Le système va donc, grâce à différents algorithmes, vérifier dans les différents champs du DME, que ce soit les médicaments, les valeurs de pression artérielle, la liste de problèmes, la raison de consultation, qu’on a suffisamment d’informations pour s’assurer que le patient est véritablement hypertendu », explique la Dre Lussier. Le programme peut ainsi repérer et dénombrer de manière fiable les patients atteints de la maladie.
La Dre Greiver affectionne particulièrement un autre outil du RCSSSP : le moteur d’extraction des données (MED). Il lui permet d’interroger elle-même les informations contenues dans son DME.
Tous les deux mois, la Dre Greiver et son équipe se réunissent et regardent le rapport qu’a imprimé la clinicienne. L’objectif : améliorer les soins. « Souvent, c’est un membre du groupe qui a proposé le sujet de la recherche que j’ai faite. Ce peut être l’infirmière qui a l’impression que la clientèle a des problèmes de cholestérol. On peut aussi se demander combien de patients souffrent d’asthme. Combien ont un plan de traitement ? On regarde le rapport et on décide ensemble quoi faire », dit l’omnipraticienne qui pratique au sein de la North York Family Health Team, un réseau de dix-sept cliniques.
Ces recherches ont changé la pratique de l’omnipraticienne. « Si on sait ce qui se passe dans notre clientèle, on peut agir. Sinon, il n’y a pas moyen d’augmenter la qualité des soins », souligne-t-elle.
Les rapports produits avec le MED sont également utilisés tous les six mois lors de la grande réunion des 85 médecins de la North York Family Health Team qui, à eux tous, suivent plus de 85 000 patients. « Cela permet de faire des plans d’amélioration de la qualité des soins. On s’est servi de ces rapports entre autres pour diminuer la surconsommation de médicaments comme les inhibiteurs de la pompe à protons ou encore pour réduire la prise de benzodiazépines chez les personnes âgées. »
L’emploi du MED est simple. « Il s’agit d’une interface Web permettant d’avoir accès à ses informations et de faire des comparaisons, explique la Dre Lussier. Le médecin y a un accès sécurisé et, en cliquant dans les différentes boîtes, il peut poser des “questions’’ et obtenir une réponse. » Si, par exemple, un clinicien désire savoir combien il a de patients diabétiques dont la dernière valeur d’hémoglobine glyquée est supérieure à 7 %, il n’a qu’à cliquer sur la case diabète, inscrire le nom du test « HBA1C » et marquer « . 7 » dans la case résultat.
Le clinicien peut faire des recherches sur des sujets qui vont au-delà des huit maladies chroniques. Les résultats obtenus, cependant, ne sont plus aussi fiables. « Il n’y a plus d’algorithmes de validation, d’épuration et de nettoyage, précise M. Claude Richard, collaborateur de la Dre Lussier et chercheur associé à l’Équipe de recherche en soins de première ligne du CISSS de Laval. Les données restent telles qu’elles ont été saisies par le médecin. » La fiabilité de l’information dépendra donc de la façon dont elle a été saisie.
Le Dr Brousseau voit tout le potentiel du MED quand il le compare aux rapports généraux qu’il a reçus du RCSSSP. Le nouvel outil pourrait lui fournir, par exemple, le pourcentage moyen d’hémoglobine glyquée de ses patients diabétiques de 30 à 50 ans. « Contrairement aux rapports globaux, qui donnent la moyenne de l’ensemble de mes patients diabétiques, le moteur d’extraction me permettra de savoir si je dois intervenir plus vigoureusement chez les jeunes. Les médicaments sont plus efficaces chez eux et préviennent davantage les complications à long terme. »
Le Dr Brousseau pourrait même obtenir la liste de ces patients. Le MED est capable de renominaliser les données anonymisées par le système. « Le médecin sentinelle ne peut consulter que ses données, précise M. Richard. S’il est le “champion” de sa clinique, il peut avoir accès à l’ensemble des données du groupe, mais ne peut les transmettre à l’extérieur. »
La Dre Greiver, elle, a recouru au MED pour obtenir entre autres la liste de ses patientes de 16 à 25 ans. Elle a mis une alerte dans leur dossier pour leur proposer un test de détection de la chlamydiose à leur prochaine consultation. « Cette infection est plus fréquente à ces âges-là. Auparavant, on en faisait le dépistage en même temps que le test Pap, mais ce dernier est dorénavant effectué beaucoup moins fréquemment. »
Dans le réseau de la North York Family Health Team, les médecins ont par ailleurs tous reçu la liste de leurs patients diabétiques dont le rapport albumine-créatinine était supérieur à 2 et qui n’avaient pas de prescription d’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ni d’antagoniste des récepteurs de l’angiotensine. Une recherche avec le MED avait révélé que seuls 33 % des diabétiques ayant un rapport trop élevé prenaient ces médicaments. Il fallait revoir individuellement le cas de tous les autres1.
Le MED peut également permettre de trouver les fumeurs atteints de diabète ou de BPCO, les personnes de 65 ans et plus qui n’ont pas été vaccinées contre la pneumonie ou les patients que l’on doit suivre après la prescription de certains médicaments. Des exemples que donne la clinicienne et ses collaborateurs dans un de leurs articles sur le nouvel outil de recherche2.
Le Dr Brousseau, qui est vice-doyen adjoint à l’Université McGill pour la région de l’Outaouais, a reçu trois rapports du RCSSSP, dont le dernier en décembre 2015. Depuis, les médecins de la Clinique médicale Saint-Alexandre, où il pratiquait jusqu’en septembre dernier, n’en ont plus eu. Comme ils ont changé de DME pour Medesync, le RCSSSP a dû mettre au point un extracteur de données pour leur nouveau dossier, un long processus.
« En ce moment, nous avons un extracteur pour le dossier électronique Purkinje et pour Medesync », précise la Dre Lussier. La quarantaine de médecins sentinelles québécois, qui ont tous adopté le DME Medesync, devraient recommencer à recevoir un rapport semestriel cet été. Certains, après une courte formation, pourront même employer le MED.
Mais comment se fait-il que les médecins du reste du Canada, eux, disposent de ces outils depuis des années ? « Cela été plus long au Québec, parce qu’on avait un certain retard sur le plan de l’informatisation, explique la Dre Lussier. De plus, les exigences légales et éthiques pour l’accès aux données de dossiers sont plus strictes ici. »
Au Québec, les patients, qui doivent être informés de l’extraction des données de leur dossier, ont à donner un consentement explicite lorsqu’ils fréquentent une clinique. Dans les unités de médecine familiale (UMF), le processus est plus simple. « Dans les établissements de santé, le Dossier Santé Québec peut permettre l’extraction des données du DME, à certaines conditions bien définies par la loi, lorsque les patients ont été informés du projet et qu’ils ont eu la possibilité de refuser d’y participer », précise l’omnipraticienne.
« Dans les UMF, on peut mettre une affiche dans la salle d’attente, et seuls les patients qui ne désirent pas participer au projet doivent être signalés, indique le Dr Brousseau. Dans une clinique, c’est différent. Dans celle où j’exerçais, tous les patients devaient lire le formulaire de consentement et le signer. On devait en garder une copie et mettre une note au dossier. » Pendant deux étés, la clinique Saint-Alexandre a engagé un étudiant pour expliquer le projet aux patients et obtenir leur assentiment. Ensuite, les médecins ont dû faire ce travail eux-mêmes. « Ils trouvaient cela un peu lourd. »
Les extracteurs de données de DME sont en train de modifier l’exercice de la médecine familiale (voir également l’article Reflet p. 9). Une approche populationnelle est dorénavant possible, indique la Dre Lussier. « Comme médecin de famille, nous soignons bien nos patients, mais c’est au cas par cas. Il était très difficile d’avoir un regard d’ensemble. Je sais comment va Monsieur X qui est diabétique, mais qu’en est-il de l’ensemble de mes diabétiques et de l’ensemble de ceux de la clinique ? Avec les nouveaux outils, c’est une autre fenêtre qui s’ouvre sur sa propre pratique, celle de sa clinique et celle des omnipraticiens du reste du Canada. Ces instruments nous permettent de prendre du recul à l’égard des traitements que nous mettons en place, des approches thérapeutiques que nous adoptons et des services que nous offrons. »
Le médecin pourra également mieux percevoir l’évolution de sa clientèle et mesurer le fruit de ses efforts. « D’un rapport à l’autre, on pourra constater les progrès de nos patients. Est-ce que je peux, après quelques mois ou quelques années, réduire le taux de tabagisme de ma clientèle ? Est-ce que le tour de taille de mes patients s’améliore ? On sera capable de mieux cibler les problèmes et de mieux intervenir », affirme le Dr Brousseau.
La Dre Greiver, elle, est privilégiée d’avoir depuis plusieurs années ces outils à sa disposition. « Cela devrait être normal. Je crois que tous les médecins devraient y avoir accès. C’est comme ça que l’on devrait pratiquer la médecine familiale. »
Pour plus d’informations : rcsssp.ca et info@rrspum.ca //
1. Greiver M, Wintemute K, Griffis S et coll. Using evidence for the care of practice team populations. Can Fam Physician 2014 ; 60 (3) : 223.
2. Williamson T, Natarajan N, Barber D et coll. Caring for the whole practice – The future of primary care / Voir la pratique dans son intégralité : L’avenir des soins primaires. Canadian Family Physician. Le Médecin de famille canadien. 2013 ; 50 (7) : 800.
Grâce à ses réseaux de médecins de famille qui utilisent un dossier médical électronique (DME), le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) dispose d’une énorme base de données : 1,5 million de patients traités dans plus de 200 cliniques situées dans sept provinces différentes et un territoire. Grâce à ces informations, hébergées à l’Université Queen's, à Kingston, le RCSSSP peut non seulement fournir aux médecins des renseignements sur leur pratique, mais aussi effectuer la surveillance de maladies chroniques et offrir une mine d’or aux chercheurs.
Les données du RCSSSP rendent possibles toute une variété de recherches. Elles ont permis de découvrir, par exemple, que dans les cliniques de médecine générale un patient sur cinq présente une dyslipidémie mixte. Les chercheurs disposaient des résultats de quelque 112 000 patients suivis selon les lignes directrices canadiennes. Les scientifiques se sont également aperçus d’un autre fait troublant : les 16 000 sujets recevant des statines étaient, par rapport à ceux qui n’en prenaient pas, plus nombreux à présenter un taux anormal de cholestérol HDL (20 % contre 12 %) et de triglycérides (12 % contre 7 %). « Ces données doivent être prises en considération dans les cliniques et éventuellement utilisées pour réviser les lignes directrices actuelles sur le traitement et la prévention des maladies cardiovasculaires », estiment les chercheurs1.
Les données tirées des DME peuvent par ailleurs mettre en lumière des faiblesses possibles dans la pratique des médecins de famille. Ainsi, des chercheurs de Terre-Neuve ont découvert qu’une grande proportion de patients présentant un fort risque de problèmes cardiovasculaires avaient un trop haut taux de cholestérol LDL et n’étaient pas traités pour ce problème2. Autre lacune potentielle : chez les jeunes dont une mesure de la pression artérielle s’est révélée trop élevée, il n’y a souvent pas de suivi au cours des six mois suivants3.
Les données du RCSSSP permettent également de suivre l’évolution de huit maladies chroniques. Les chercheurs en ont déterminé la prévalence, qui va de 0,8 % pour l’épilepsie jusqu’à 22,8 % pour l’hypertension. La prévalence de l’obésité, qui a aussi été mesurée, atteint 31 %4.
Mais on peut faire plus avec les données du RCSSSP. Par exemple, créer de nouveaux outils. Il serait ainsi utile de pouvoir prédire aux patients leur risque de devenir diabétiques dans cinq ans, comme on le fait pour les maladies cardiovasculaires. « À l’aide des données longitudinales, les chercheurs du RCSSSP sont en mesure de dégager des variables associées au développement du diabète, comme l’augmentation de l’hémoglobine A1c à des taux qui ne sont pas encore anormaux, des changements pondéraux et les schémas de prescription. Ces variables pourraient servir à leur tour à élaborer des alertes informatisées ou des rappels dans le coin d’un DME qui signaleraient le risque à cinq ans du patient de développer le diabète », écrivent le Dr David Barber, de l’Université Queen's, et ses collaborateurs5.
Les données du RCSSSP permettent également d’évaluer, sur une population canadienne, des modèles de scores de risque, comme celui de Framingham pour le diabète. Des chercheurs ont ainsi analysé les dossiers de plus de 550 000 patients et calculé leur risque à partir du modèle. Ils ont ensuite regardé le nombre de ceux qui étaient devenus diabétiques au cours des huit années suivantes. L’outil a une capacité de discrimination honnête, estiment les chercheurs. Néanmoins, ces derniers recommandent fortement de créer un modèle plus précis fondé sur les caractéristiques des patients canadiens6.
Les données du RCSSSP, grâce à leur importance, ouvrent ainsi un monde de possibilités. //
1. Asghari S, Aref-Eshghi E, Godwin M et coll. Single and mixed dyslipidaemia in Canadian primary care settings: findings from the Canadian primary care sentinel surveillance network database. BMJ Open 2015 ; 5 : e007954.
2. Aref-Eshghi E, Leung J, Godwin M et coll. Low density lipoprotein cholesterol control status among Canadians at risk for cardiovascular disease: findings from the Canadian Primary Care Sentinel Surveillance Network database. Lipids Health Disease 2015 ; 14 : 60.
3. Aliarzadeh B, Meaney C, Moineddin R et coll. Hypertension screening and follow-up in children and adolescents in a Canadian primary care population sample: a retrospective cohort study. CMAJ Open 2016 ; 4 (2) : E230-5.
4. Birtwhistle R, Queenan JA. Mise à jour sur le RCSSSP. Can Fam Physician 2016 ; 62 (10) : e640-1.
5. Barber D, Morkem R, Queenan JA, et coll. Harnessing the power of longitudinal data/Endiguer la puissance des données longitudinales. Can Fam Physician 2016 ; 62 (4) : 355.
6. Mashayekhi M, Prescod F, Shah B et coll. Evaluating the performance of the Framingham diabetes risk scoring model in Canadian electronic medical records. Can J Diabetes 2015 ; 39 (2) : 152-6.
Un outil québécois d’extraction des données des dossiers médicaux électroniques (DME) existe : Reflet. Encore en évolution, il est offert depuis trois ans aux médecins. Tout comme le moteur d’extraction des données (MED) du Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires, il permet de tirer des informations du DME. Plus flexible, cependant, il donne la possibilité de faire des recherches plus poussées et plus personnalisées.
Reflet ne se limite pas, par ailleurs, qu’aux données médicales. Il peut aussi fournir des indicateurs de fonctionnement de la clinique. L’un des GMF qui l’utilisent voulait, par exemple, améliorer son système d’accès adapté. « L’indicateur choisi était le nombre moyen de jours que devait attendre le patient avant d’obtenir un troisième rendez-vous. On a créé une requête pour produire cet indicateur. À partir du résultat obtenu, les médecins ont pu agir. En l’espace de 60 mois, le temps d’attente est passé de plus de 50 jours à 10 jours », affirme le Dr Pierre Tousignant, consultant à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) et l’un des concepteurs de Reflet.
Tout comme le MED, Reflet peut extraire des données sûres et nettoyées et fournir des listes de patients. Il peut créer des variables annuelles par patient, des indicateurs populationnels et permettre de trier et de filtrer les résultats.
Le médecin a la possibilité d’effectuer des recherches en rédigeant ses propres requêtes ou en utilisant celles qui ont déjà été programmées dans Reflet. « Nous avons bâti une requête, par exemple, pour suivre un indicateur de l’INESSS. Il s’agit du pourcentage des patients diabétiques dont la pression artérielle a été prise au moins deux fois par année. Les cliniciens regardent le résultat et décident de ce qu’ils font pour l’améliorer », explique le médecin spécialiste en santé publique.
Reflet nécessite cependant des connaissances en informatique ou le désir d’en acquérir. « Du moment qu’il y a une personne dans une clinique qui a un intérêt pour ce domaine, l’outil peut être installé sur le serveur. Comme le projet Reflet est relativement jeune, notre approche est de soutenir les cliniciens. Nous sommes en constante interaction avec eux. Ce sont toutefois les médecins qui font le travail. S’ils ont un problème, ils nous appellent, et on essaie de le régler avec eux », indique le Dr Tousignant.
Contrairement au projet du RCSSSP, dont les données sont envoyées en Ontario, le projet Reflet ne fait pas sortir les informations du serveur de la clinique ni de celui de son fournisseur. Le consentement des patients n’est donc pas nécessaire. « Si le médecin veut faire des recherches sur toute sa clientèle ou suivre des indicateurs dans le cadre d’une pratique réflexive, il peut le faire avec Reflet. Avec l’outil du RCSSSP, il ne peut l’effectuer que pour les patients qui ont donné leur consentement. »
Au Québec, plusieurs GMF utilisent Reflet : un à Montmagny et tous ceux du Bas-Saint-Laurent. Pour l’instant, l’outil ne peut être employé qu’avec le DME Purkinje, mais des travaux avec un autre DME sont en cours.
« Il y a quelques trop rares milieux qui bénéficient de Reflet, estime pour sa part le Dr Denis Roy, vice-président science et gouvernance clinique à l’INESSS. Il faut trouver des façons d’accroître l’étendue et la portée du service et de diminuer les exigences opérationnelles. Reflet est encore à l’étape du prototype. On veut poursuivre son développement avec Purkinje et d’autres fournisseurs de DME. »
Le Dr Roy désire le maintien du financement du projet. « L’INESSS l’a intégré dans son plan d’affaires du Collectif pour les meilleures pratiques et l’amélioration des soins et services (COMPAS1). Nous sommes en discussion avec les autorités ministérielles pour voir à la pérennité du financement dans ce cadre-là. »
Pour plus d’information sur le projet Reflet : refletpratiquereflexive.wordpress.com //