Depuis bientôt deux ans, l’encadrement législatif des services assurés a beaucoup changé. Plus particulièrement, les nouveaux pouvoirs attribués à la RAMQ le 7 décembre dernier ont donné lieu à plusieurs questions. Êtes-vous au courant ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Les changements de décembre font jaser. Les médecins se sentent visés. Maigre consolation pour eux, ils ne sont pas seuls. Les autres professionnels rémunérés par la RAMQ et même les patients, qui peuvent faussement obtenir des services auxquels ils n’ont pas droit, le sont aussi. Mais concentrons-nous sur ce qui pourrait toucher les médecins.
Les changements sont multiples. Dans l’ordre qu’ils apparaissent dans la loi, du point de vue du médecin, les premières modifications portent sur les obligations relatives à la carte d’assurance maladie et à son obtention, les deuxièmes imposent des obligations de dénonciation à la RAMQ de fautes qui peuvent nécessiter des soins payés par la RAMQ et les suivantes touchent le cœur de la relation du médecin avec la RAMQ, soit l’encadrement des honoraires et des frais accessoires et les services non assurés. Le tout se termine par un chapitre qui prévoit des pénalités particulières.
De longue date, il est interdit de détenir une carte d’assurance maladie qui ne correspond pas à son identité ou d’encourager, en connaissance de cause, une personne à fournir de faux renseignements pour obtenir une carte d’assurance maladie ou de donner de faux renseignements aux mêmes fins (articles 9.1.1, 9.2, 9.3 de la Loi sur l’assurance maladie). Une amende de 200 $ à 1000 $ était prévue pour de telles offenses. L’amende est maintenant de 500 $ à 5000 $.
L’amende a été majorée de la même façon pour la personne qui refuse de rendre sa carte à la RAMQ ou qui s’en sert pour obtenir des services lorsqu’elle n’y a plus droit (article 9.4).
Notez enfin qu’il est interdit d’inscrire sur une carte d’assurance maladie des informations ou d’y apposer une matière ou un objet non prévu au règlement sans l’autorisation de la RAMQ. L’amende est dorénavant de 250 $ à 2500 $ pour une première infraction et de 500 $ à 5000 $ pour une récidive. Le fait de mettre un collant au dos des cartes d’assurance maladie pour y indiquer le numéro de dossier de la clinique peut donc poser problème.
La personne qui utilise une carte pour obtenir des services auxquels elle n’est plus admissible est depuis longtemps tenue de restituer le coût des services reçus. Depuis décembre, il en va de même des personnes qui obtiennent des services avec une carte confiée, vendue, prêtée ou volée. Cette obligation n’est pas imposée au seul utilisateur, mais aussi à la personne qui lui a confié, vendu, prêté ou donné la carte ou qui l’a encouragée à fournir de fausses informations pour obtenir une carte. Cette obligation est prescrite cinq ans après la date du service ou, dans le cas d’une carte obtenue à la suite d’une fausse déclaration, cinq ans après que la RAMQ a pris connaissance que la personne n’était pas admissible. Toutefois, ce délai ne peut dépasser dix ans à partir de la date du service.
Il doit être excessivement rare que des médecins soient complices de telles manœuvres de leurs patients. Mis à part l’interdiction d’apposer des collants sur une carte, ces éléments risquent surtout de toucher le public.
De longue date, il est prévu que la RAMQ puisse récupérer le coût des services assurés dont une personne aura besoin à la suite de la faute d’un tiers (article 18). À cette fin, la personne qui intentait un recours était tenue de fournir à la RAMQ l’information requise pour établir la faute du tiers et pour estimer la somme à récupérer. Ces éléments n’ont pas changé, mais y ont été ajoutés :
h l’obligation de la RAMQ d’aviser le tiers du montant exigé ;
h l’obligation de tout professionnel de la santé (ou fournisseur de services de santé) de remettre à la RAMQ, sur demande, les documents requis se trouvant dans le dossier de la personne pour établir la faute et la nature des services qui en découlent ;
h l’obligation du professionnel ou du fournisseur d’informer la personne touchée par la faute, dans un délai raisonnable, avant de transmettre les informations à la RAMQ, de la nature des informations qui seront communiquées à la RAMQ ;
h l’obligation de la personne assurée (ici un médecin qui serait fautif) d’aviser la RAMQ, dans les cinq jours de la présentation de la demande, de tout recours exercé contre lui dans le but d’obtenir compensation pour le préjudice qu’il aurait causé ;
h le droit de la RAMQ d’intervenir dans toute demande sur simple avis au tribunal ;
h l’obligation de l’assureur (ou de la personne ou du regroupement de personnes offrant des services comparables) d’aviser la RAMQ par écrit dès qu’il a connaissance d’un événement ayant occasionné un préjudice physique ou psychologique pouvant entraîner le paiement de services assurés.
Certaines de ces obligations soulèvent de sérieuses questions. Le médecin ne devrait toutefois pas avoir peur de consulter son assureur ou l’ACPM au besoin. S’il a des craintes lors d’un appel à l’ACPM du fait des obligations imposées à celle-ci, il peut en discuter avec ses représentants au début de l’appel avant d’exposer sa situation.
C’est l’article 22 de la Loi sur l’assurance maladie qui encadre les rapports des professionnels avec la RAMQ. On y retrouve plusieurs obligations et interdictions pour les médecins participants, soit spécifiquement l’interdiction :
h de réclamer un montant supérieur au tarif prévu à l’entente ;
h de recevoir d’un établissement de l’argent ou un avantage direct ou indirect en considération de la prestation de services assurés ;
h de réclamer un paiement de la RAMQ pour un service non assuré ;
h d’accepter ou de permettre que les honoraires pour les services qu’il rend soient réclamés par un autre professionnel ou que les honoraires pour les services rendus par un autre professionnel soient réclamés à son nom.
Ces interdictions ne changent pas, mais les amendes associées augementent et seront dorénavant de 5000 $ à 50 000 $ et, en cas de récidive, de 10 000$ à 100 000 $.
Il peut être difficile d’établir avec certitude si certains services sont assurés ou non. Même en s’adressant à la RAMQ, la réponse pourra être incertaine ou le délai de réponse de la RAMQ pourrait faire en sorte que le professionnel aura déjà décidé s’il offre le service ou s’il perçoit des frais. On peut espérer que la RAMQ tienne compte de ces difficultés dans son application et n’impose pas systématiquement des amendes dans de telles situations. Si le médecin, croyant qu’un service n’est pas assuré, a réclamé des honoraires à un patient qui s’adresse par la suite à la RAMQ, cette dernière va récupérer le montant perçu auprès du médecin, mais devrait lui donner l’occasion de facturer le service en cause à la RAMQ s’il a eu lieu il y a moins de trois ans. Si la RAMQ constate qu’un service non assuré lui a été réclamé, elle récupérera aussi les honoraires en cause (si les délais le permettent), mais il est peu probable que le médecin puisse alors se faire payer rétroactivement par le patient. Dans une certaine mesure, le médecin n’a pas droit à l’erreur à ce sujet.
Il existe d’autres interdictions pour les médecins participants ou désengagés, soit spécifiquement celles :
h de réclamer ou de recevoir un paiement d’une personne assurée pour des frais engagés pour la prestation d’un service assuré, y compris ceux qui sont liés :
h de rendre, directement ou indirectement, l’accès à des services assurés conditionnels au paiement d’un montant par une personne assurée ou de lui donner un accès privilégié à de tels services moyennant paiement.
Les amendes associées à ces interdictions varieront dorénavant de 5000 $ à 50 000 $ pour les personnes physiques et de 15 000 $ à 150 000 $ pour les personnes morales (cliniques ou médecins constitués en société par actions). En cas de récidive, les amendes sont doublées.
Le nouvel encadrement des frais accessoires est en vigueur depuis le 10 novembre 2015*. Seules les amendes en cas de contravention ont été modifiées en décembre dernier. La RAMQ n’a fait aucune publicité sur les nouvelles règles avant 2017. Elle serait mal placée, en cas de demande de remboursement visant de tels montants réclamés pour des services rendus avant la publication du règlement abolissant les frais accessoires le 26 janvier 2017, d’imposer des amendes pour des frais qui étaient permis antérieurement et qui sont devenus non conformes à la suite des modifications de novembre 2015.
Enfin, une réclamation supplémentaire est venue s’ajouter, soit l’infraction commise par la personne qui s’occupe de la gestion des affaires d’un professionnel faisant une fausse déclaration à l’occasion d’une demande de paiement à la RAMQ. L’amende prévue est alors de 5000 $ à 50 000 $ pour les personnes physiques et de 10 000 $ à 100 000 $ pour les autres. En cas de récidive, ces montants sont doublés.
La RAMQ ne devrait pas imposer une amende pour la simple erreur de saisie lors de la facturation (inversion de chiffres du code d’un service, par exemple). La notion de « fausse déclaration » présuppose que la personne sait que la déclaration est fausse. Le médecin est déjà tenu de ne réclamer que les services qu’il a rendus. On comprend que le législateur a voulu motiver les personnes qui travaillent de près avec des médecins à ne pas « fermer les yeux » sur des situations non conformes en leur faisant partager les conséquences négatives d’être complices.
L’article 22.0.0.1 de la Loi sur l’assurance maladie prévoit depuis quelques années qu’un médecin doit afficher, dans sa salle d’attente, les tarifs des frais qu’il perçoit (autant ceux qui sont fixés par règlement que les services non assurés) et remettre une facture détaillée à chaque personne assurée dont il perçoit des frais. Cette facture doit de plus indiquer au patient qu’il peut s’adresser à la RAMQ pour en demander le remboursement s’il s’agit de frais non permis. La contravention de chacune de ces trois obligations par un médecin participant ou désengagé peut donner lieu à une amende de 2500 $ à 25 000 $ ou, en cas de récidive, du double.
Lors des inspections aléatoires en cabinet pour s’assurer de la conformité du médecin à la loi, les enquêteurs de la RAMQ vérifient systématiquement que le médecin respecte ces exigences. Lors de la visite, ils recherchent les affiches et en mesurent les dimensions. Ils demandent à voir des copies des factures pour s’assurer que tous les services facturés au patient y sont inscrits et que l’avis relatif au recours possible du patient à la RAMQ est présent. La direction reçoit encore à l’occasion des appels de médecins qui apprennent, lors d’une première visite d’inspection, qu’ils doivent respecter ces obligations. Lorsque la bonne foi du médecin est manifeste, on ne s’attend pas à ce que le médecin se fasse imposer une amende. Cependant, il doit rester peu de médecins qui n’ont jamais fait l’objet d’une telle visite. Les contraventions persistantes, malgré des avertissements de la part de la RAMQ, mettent de toute évidence le professionnel à risque.
De plus, il est interdit de réclamer en cabinet privé à une personne assurée une somme d’argent différente de celle qui est affichée. La contravention de cette interdiction constitue une infraction et est passible d’une amende de 5000 $ à 50 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 15 000 $ à 150 000 $ dans les autres cas. En cas de récidive, les amendes sont doublées.
Par le passé, la RAMQ nous a indiqué que la perception d’une somme moindre ne posait pas de problème. Le médecin ne devrait toutefois pas demander des montants supérieurs. S’il veut augmenter ses tarifs, il doit auparavant ajuster en conséquence la grille qu’il affiche.
Reste à traiter des pouvoirs de récupération de la RAMQ et de certaines sanctions pécuniaires. Ça sera l’objet de l’article suivant. À la prochaine ! //