47 médecins prennent en charge 350 patients
Des cliniciens de l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest ont organisé une grande journée d’inscription afin de permettre à 350 nouveaux patients d’avoir un médecin de famille.
Le samedi 17 juin, une grande opération d’inscription s’est déroulée dans la Montérégie-Ouest et dans l’ouest de Montréal. En tout, 47 médecins de famille ont consacré une partie de leur journée à prendre en charge de nouveaux patients. Répartis dans 16 cliniques différentes, ils avaient donné rendez-vous à près de 350 personnes inscrites au guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF).
Ce jour-là, à la Clinique médicale des Trois Lacs, à Vaudreuil-Dorion, neuf médecins rencontrent tour à tour, pendant au moins 30 minutes, leurs nouveaux patients. Ils comptent en avoir inscrit 55 à la fin de la journée.
Assis dans la salle d’attente, M. Pierre Boucher s’apprête à rencontrer le Dr Sylvain Dufresne. Il va enfin avoir un médecin de famille. « J’ai quelques troubles de santé. Je suis suivi par un gastro-entérologue depuis l’âge de 35 ans, mais ça faisait 10 ans que je n’avais pas de médecin de famille », explique l’homme de 46 ans. Inscrit au GAMF depuis un an et demi, M. Boucher a reçu un appel il y a deux semaines. Une secrétaire lui donnait son premier rendez-vous. « J’ai été surpris que ce soit un samedi. C’est rare. Cela m’a fait très plaisir que ce soit la fin de semaine. »
Dans la salle d’attente, où les patients se succèdent, M. Martin Côté, un camionneur de 51 ans, est lui aussi heureux d’avoir sa première consultation un samedi. « Sinon j’aurais été obligé de manquer une journée complète de travail. Comme je suis sur la route, je ne peux pas arrêter ma journée à 11 h. »
C’est pour ce type de patients qu’a été lancée cette journée d’inscription. « L’idée était de prendre en charge surtout des gens qui ont de la difficulté à venir dans la semaine », explique le Dr Serge Lalonde, président de l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest (AMOSO) qui a supervisé l’événement. Les gens en bonne santé ou peu malades, classés dans les catégories E et D, représentent à eux seuls 88,5 % des patients qu’il reste à inscrire dans le guichet d’accès de Vaudreuil-Soulanges. « C’est dans cette catégorie qu’on retrouve le plus de personnes qui refusent un rendez-vous ou qui ne se présentent pas, parce que c’est trop pénalisant pour eux de venir durant la semaine », indique le clinicien, également coordonnateur du GAMF de la région.
Les enfants ne sont pas laissés pour compte. Des médecins de la clinique des Trois Lacs les prennent aussi en charge. C’est ainsi que Mme Michèle Côté et son conjoint M. Jeffrey Wood ont pu avoir un médecin de famille pour Amber et Brandon. Les enfants étaient suivis jusque-là par une pédiatre, dont le cabinet était trop loin de chez eux. Ils avaient donc été mis sur la liste d’attente en janvier. « Je suis contente que cela ait été aussi rapide. Moi, j'avais dû attendre deux ans avant d’avoir un médecin de famille », se souvient Mme Côté.
M. Alexander Wenzl, qui accompagne sa fille Megan, 14 ans, se réjouit lui aussi que sa fille ait maintenant un médecin de famille. « Quand on n’a pas de médecin de famille, on va dans une clinique et on voit n’importe quel médecin. Il n’y a pas vraiment de suivi. On n’a pas affaire à une seule personne qui connaît notre dossier. »
Pendant ce temps, au GMF de Vaudreuil-Soulanges — un CLSC —, quatre médecins et une infirmière praticienne spécialisée (IPS) participent eux aussi à la journée d’inscription. Ils vont prendre en charge 20 patients. « Nous voulions participer à ce projet, parce qu’on voit l’importance d’offrir des services aux patients qui travaillent la semaine. On offre ainsi plus de services à la clientèle. Et en même temps, on participe à l’effort collectif d’inscrire les patients », affirme la Dre Sylvie Dufresne, médecin responsable du GMF.
Dans la salle d’attente du CLSC, Gabriel, 18 ans, lui, est content de ne pas avoir eu à rater une journée de travail. Sa mère, Mme Karine Cicchino, qui l’accompagne en même temps que son frère de 21 ans, est soulagée : ses deux fils seront suivis par un omnipraticien. « J’étais préoccupée. Je me demandais s’ils allaient être capables de se trouver un médecin de famille après avoir eu leur pédiatre pendant 18 ans. »
Quelque 40 km plus loin, au GMF-U Jardins-Roussillon qui jouxte l’hôpital Anna-Laberge, la Dre Dominique Archambault est elle aussi très enthousiasmée par le marathon d’inscriptions. « Quand on m’a approchée pour me proposer de participer à cette journée-là, j’ai tout de suite pensé que c’était une bonne chose. Je me disais que c’est une bonne façon de montrer aux gens qu’on est là pour eux. Que l’on veut prendre soin d’eux. » Elle et six autres de ses collègues se sont donnés comme objectif d’inscrire 40 patients. « C’est sûr que c’est une goutte dans l’océan de patients qu’il reste à inscrire dans notre région. »
Un peu plus au sud, à la clinique médicale Mercier, cinq médecins ont offert des rendez-vous de 8 h 30 à 15 h à 25 patients. « Nous voulions montrer notre volonté, en tant que médecins de famille, d’être disponibles pour les patients même la fin de semaine. Moi, c’est quelque chose que je fais déjà », indique la Dre Cristiana Tanasie. La jeune clinicienne, qui pratique à l’urgence et à la clinique, prend en charge et suit des patients entre autres deux jours de semaine par mois.
« On travaille tous certaines fins de semaine, que ce soit à l’hôpital, à l’urgence, dans les cliniques de consultation sans rendez-vous », précise la Dre Archambault. Pour sa part, ce samedi constituait sa treizième journée d’affilée de travail.
En tout, dans la Montérégie-Ouest, douze cliniques ont participé à la journée d’inscription. Ce samedi-là, plus de 270 patients ont eu l’occasion d’avoir un médecin de famille.
L’ouest de Montréal s’est aussi joint au mouvement. Là, quatre cliniques ont ouvert leurs portes à 75 nouveaux patients. Cinq médecins, deux IPS et quatre infirmières auxiliaires les ont pris en charge.
Étrangement, il arrive que les patients à la recherche d’un médecin de famille ne viennent pas à leur premier rendez-vous. Au cours de la journée d’inscription, le Dr Gaétan Drolet, de la Clinique médicale des Trois Lacs, ne verra que six des neuf personnes qu’il devait rencontrer. Deux ont annulé leur rendez-vous et une avait mal noté l’heure de la consultation. « Quand j’inscris des patients durant la semaine, c’est facilement un patient sur trois qui ne se présente pas. Aujourd’hui, j’ai à peu près la même moyenne », mentionne le médecin.
Tous les médecins connaissent ce problème. « J’ai déjà vu des listes de patients venant du GAMF dans lesquelles cinq patients sur 10 ne se présentaient pas. Cinquante pour cent ! J’ai reçu des courriels cette semaine qui m’indiquaient qu’il y avait, dans certaines régions, jusqu’à 80 % de patients qui n’allaient pas à leur rendez-vous de prise en charge », indique le Dr Sylvain Dufresne, collègue du Dr Drolet.
Coordonnateur du guichet de sa région, le Dr Lalonde connaît la raison la plus fréquente des patients qui refusent, annulent ou ratent un rendez-vous. « Ils nous disent : ‘’Écoutez, je n’ai pas le temps d’aller voir le médecin. Je ne veux pas manquer une journée de travail. Je ne suis pas malade. Je veux que l’on m’inscrive et quand je serai malade ou que j’en aurai besoin, je prendrai rendez-vous. Je veux cependant savoir que j’ai un médecin.’’ »
Il faudrait changer la manière de procéder, estime le président de l’AMOSO. « On pourrait aviser les patients qu’un médecin leur a été attitré et leur donner les coordonnées de celui-ci. Ils seraient alors automatiquement inscrits. Ce serait le même principe que celui sur lequel repose le transfert en bloc de patients quand un médecin prend sa retraite. Il n’est pas nécessaire que le nouveau médecin les voie pour qu’ils soient inscrits à son nom. »
C’est dans la tête de certains médecins de la Clinique médicale des Trois Lacs qu’a germé l’idée de la journée d’inscription. Le Dr Drolet, pour sa part, voulait trouver une façon de redorer l’image des omnipraticiens. « Je me suis dit que ce serait intéressant de faire un blitz d’inscriptions. On pourrait organiser une journée où tous les médecins prendraient de nouveaux patients dans une atmosphère de bonne humeur. On en ferait un événement. » Mais à quel moment le tenir ? « Pendant la semaine, les gens qu’on veut cibler travaillent. On se serait faire dire qu’on n’était pas à leur écoute. » Il fallait donc que ce soit la fin de semaine.
Le Dr Sylvain Dufresne, de son côté, avait entendu parler de jeunes médecins qui inscrivaient des patients la fin de semaine pour augmenter la clientèle du GMF qu’ils avaient mis sur pied. Il a trouvé cette solution intéressante. Il a donc lancé l’idée dans une réunion. « Le Dr Drolet a alors dit : ‘’On devrait faire ça pour la région’’ », indique le Dr Dufresne. Et pourquoi ne pas le faire dans toute la Montérégie-Ouest ? Le Dr Dufresne a alors parlé du projet à différents médecins dans les autres GMF, au département régional de médecine générale et à l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest.
« J’ai évidemment embarqué d’emblée dans ce projet, indique le président de l’AMOSO, le Dr Lalonde. J’ai pris la relève pour l’organisation et la logistique. J’ai communiqué avec les omnipraticiens de la région par courriel et fait les relances. » Le médecin s’est également chargé des relations avec les médias. La journée a d’ailleurs été bien couverte. Un journaliste de TVA et un de CBC sont venus interviewer patients et médecins.
Le Dr Lalonde a, par ailleurs, fait la tournée de quelques cliniques pour encourager les cliniciens. « J’ai été agréablement surpris de voir que tout se déroulait bien. Les médecins étaient motivés et les patients semblaient tous apprécier la formule. »
Les médecins de la Montérégie-Ouest arriveront-ils à inscrire 85 % de leur population d’ici le 31 décembre 2017 ? La Dre Tanasie ne le croit pas. Actuellement, seulement 74 % de la population de la Montérégie a été prise en charge. « Je crois que c’est irréaliste de penser qu’on va se rendre à 85 % d’ici à la fin de l’année. J’estime que c’est une bonne cible, mais à plus long terme », dit la jeune omnipraticienne.
La Dre Archambault est d’accord avec sa collègue. « Je pense que la première cible à atteindre pourrait être de vider le guichet. » Dans les quatre réseaux locaux de services de la Montérégie-Ouest, il reste encore quelque 11 000 patients à inscrire dans Jardins-Roussillons, 4700 dans Vaudreuil-Soulanges, 6000 dans le Suroît et 1400 dans le Haut-Saint-Laurent. La clinicienne estime cependant que la région n’a pas les atouts nécessaires pour réussir à prendre en charge tous ces patients. « Les derniers chiffres montrent qu’il manque environ 57 médecins de famille. »
Malgré tout, la Dre Archambault n’a pas l’intention de baisser les bras. « C’est sûr qu’on n’abandonnera pas. Ce n’est pas seulement pour le ministre qu’il faut atteindre la cible, mais aussi pour nos patients. On devrait être capable d’y parvenir, mais pas tout de suite. Il nous faut de nouveaux postes de médecins. En attendant, tout le monde fait d’énormes efforts. Il y a beaucoup de médecins qui prennent actuellement beaucoup de patients. On a des réunions à ce sujet. On travaille fort. »
Dans la Montérégie-Ouest :
GMF des Trois Lacs, Vaudreuil-Dorion
GMF-U Jardins-Roussillon, Châteauguay
GMF clinique médicale Mercier
GMF Vaudreuil-Soulanges (CLSC)
GMF Carrefour Santé le Saint-Laurent, Sainte-Catherine
Centre médical Ormstown
GMF Roger Laberge, Châteauguay
GMF Pincourt-Rigaud
Clinique les Jardins Châteauguay
Clinique Saint-Pierre, Saint-Constant
Centre médical Champlain, Greenfield Park
GMF du Lac Saint-François, Salaberry-de-Valleyfield
À Montréal :
Médicentre Lasalle
Clinique Mednam Lachine
Forcemedic Montréal-Ouest
Centre médical et professionnel Dorval