Nous avons traité des services non assurés et des frais accessoires. Reste à aborder les pouvoirs de récupération de la RAMQ. C’est justement le sujet de notre chronique.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
C’est au paragraphe 22.0.1 de la Loi sur l’assurance maladie que les modifications les plus importantes ont été apportées. Ce paragraphe énonce les pouvoirs de la RAMQ lorsqu’un professionnel ou un tiers réclame un paiement d’une personne assurée pour des services assurés ou en contravention de la loi.
D’abord, la RAMQ doit aviser par écrit le tiers ou le professionnel en cause, l’informer des modalités de recouvrement envisagées, indiquer s’il y aura une sanction administrative pécuniaire et accorder un délai de 30 jours au tiers ou au professionnel pour faire ses observations (encadré 1). Après ce délai, elle avise le tiers ou le professionnel de sa décision, la motive et rembourse la personne assurée dans la mesure où cette dernière a fourni à la RAMQ une preuve écrite du paiement du montant. Cette preuve doit viser un service rendu depuis moins de cinq ans. Toutefois, comme la loi prévoyait antérieurement un délai d’un an et qu’elle est présumée ne pas avoir de portée rétroactive, le nouveau délai de cinq ans s’applique seulement aux services qui ont été rendus moins d’un an avant le 7 décembre 2016. Les services rendus avant cette date ne sont donc pas visés.
Reste la question de la récupération du paiement. À cet égard, il y a aussi des changements. La loi prévoit que la RAMQ peut activement solliciter des demandes de remboursement de personnes assurées en publiant des avis sur son site Internet ou dans des journaux de la localité où exerce le professionnel. Elle peut également récupérer les montants perçus contrairement à la loi, même si aucune demande de remboursement ne lui a été formulée par un assuré (dans ce cas spécifique, la RAMQ ne peut exercer son recours plus de cinq ans après la date du paiement). Enfin, elle peut imposer une sanction administrative pécuniaire de 15 % du montant en cause au tiers ou au professionnel fautif.
Par le passé, il est arrivé que la RAMQ rembourse des patients après une demande de leur part, mais sans immédiatement en informer le médecin en cause. Lorsqu’elle finissait par s’adresser au médecin, le montant exigé pouvait être très important, sans que le médecin de bonne foi ait eu l’occasion de modifier sa pratique. La RAMQ pourra toutefois tarder à traiter des demandes de remboursement avec un effet comparable. Heureusement, de telles situations ne se présenteront plus. Par ailleurs, vous comprendrez qu’après avoir été informé d’un premier remboursement, le médecin s’expose à une vérification plus poussée par la RAMQ, question d’établir le montant de l’ensemble des frais ainsi perçus de façon non conforme, et potentiellement à des sanctions administratives pécuniaires. Un premier avis de récupération lié à un service doit donc être pris au sérieux.
Comme le médecin peut être tenu responsable des frais perçus par l’exploitant d’une clinique où il exerce (voir le point suivant), il est malheureux que rien n’oblige la RAMQ à lui remettre une copie de l’avis transmis à un exploitant si elle ne veut pas récupérer le montant du médecin. Si la RAMQ se contente simplement d’informer l’exploitant, le médecin pourra ignorer le problème et n’en apprendre l’ampleur qu’au moment de la « réclamation élargie » de la RAMQ. Afin de se protéger, les médecins devraient exiger, par mesure de prudence, une clause dans leur bail qui prévoie que l’exploitant doit informer le médecin locataire de tout avis de la RAMQ visant la récupération des frais et qu’à défaut, ce dernier peut réduire son loyer des montants qui lui sont réclamés pour des sommes perçus sans droit par l’exploitant.
Enfin, lorsque le tiers qui a reçu le paiement est l’exploitant d’un cabinet privé où exerce le professionnel concerné ou lorsqu’il s’occupe de la gestion des affaires du professionnel, la RAMQ peut récupérer la somme en cause auprès du professionnel, pourvu qu’elle lui transmette l’avis préliminaire de même que l’avis final. Cependant, la sanction administrative pécuniaire ne peut être imposée au professionnel. C’est le tiers qui a perçu les montants qui l’assumera.
Le tiers ou le professionnel qui reçoit une notification de la décision de la RAMQ peut la contester dans les soixante jours. Toutefois, il doit faire la preuve que la décision de la RAMQ n’est pas fondée. En l’absence de contestation, la RAMQ procède par compensation. Si elle ne peut pas le faire, elle produit un certificat qu’elle dépose à la Cour et qui acquiert alors les effets d’une décision finale et sans appel de la Cour. La RAMQ peut par la suite procéder à la saisie si le tiers ou le professionnel ne paie pas.
Un médecin locataire au sein d’un cabinet ne peut donc pas tolérer que l’exploitant réclame des frais non conformes, car il risquerait alors de devoir rembourser les frais en cause exigés à ses patients. Dans une telle situation, le médecin devrait exposer la situation à l’exploitant et lui faire modifier son fonctionnement. S’il refuse, le médecin devra décider s’il veut provoquer une confrontation en dénonçant la situation à la RAMQ ou simplement déménager.
Si le bail d’un médecin ne prévoit pas déjà une clause de résiliation lorsque l’exploitant ne respecte pas les obligations de la Loi sur l’assurance maladie, ce nouveau pouvoir de la RAMQ pourrait en amener plusieurs à exiger une telle clause ou un droit de réduire le loyer du montant des frais non conformes demandés à ses patients.
De longue date, les médecins se plaignent de la disproportion entre le délai qui leur est accordé pour réclamer leurs honoraires (quatre-vingt-dix jours de la date du service) et le délai dont dispose la RAMQ pour les contester (anciennement de trois ans). Depuis les modifications apportées, lorsque la RAMQ est d’avis qu’un service a été fourni de façon non conforme à ce qu’exige l’Entente, elle dispose de soixante mois (soit cinq ans) pour récupérer les honoraires du professionnel qui les a réclamés ou reçus (encadrés 2 et 3).
Lorsque la RAMQ détermine, à la suite d’une enquête, qu’il s’agit de services qui n’ont pas été rendus, qui sont faussement décrits, qui n’ont pas été rendus par le professionnel lui-même ou qui ne sont pas assurés, la RAMQ dispose de dix ans pour récupérer les sommes en cause du professionnel.
Dans les deux cas, la RAMQ peut imposer des sanctions administratives pécuniaires au professionnel, en plus du montant de la récupération. Dans le premier cas (non conforme), la sanction est alors de 10 % du montant en cause ; dans le deuxième, de 15 %. Avant de rendre sa décision, la RAMQ doit aviser le professionnel par écrit du montant réclamé et des sanctions qui y seront ajoutées et lui donner au moins trente jours pour faire ses observations.
Le médecin qui veut contester la décision de la RAMQ doit démontrer qu’elle n’est pas fondée. Il doit intenter son recours à cette fin dans les soixante jours de la décision de la RAMQ. La loi prévoit dorénavant expressément que la RAMQ peut établir le montant à récupérer par inférence statistique en utilisant exclusivement un échantillon des services rendus par le professionnel, pourvu que la méthode respecte les pratiques généralement reconnues.
Si le professionnel ne conteste pas et que la RAMQ ne peut pas récupérer les montants par compensation, elle peut déposer un certificat à la Cour, qui acquiert alors les effets d’un jugement définitif. La RAMQ peut par la suite procéder à une saisie au besoin.
Lorsque la RAMQ entame une enquête avant que le délai maximal de cinq ou de dix ans ait été atteint, le délai est suspendu pour la durée de l’enquête (jusqu’à la production du rapport) ou pour au plus un an, selon ce qui est le plus court.
Enfin, lorsque la RAMQ récupère des honoraires liés à une contravention des règles concernant l’affichage des tarifs, à la conformité des services prévus à l’Entente ou le fait d’avoir rendu les services, des frais de récupération du 10 % s’ajoutent aux honoraires réclamés (mais non aux sanctions administratives pécuniaires) à partir de la date à laquelle la RAMQ doit procéder par compensation ou par dépôt d’un certificat.
Maigre protection, des sanctions administratives pécuniaires ne peuvent pas être imposées à une personne pour une contravention à la Loi sur l’assurance maladie lorsqu’un constat d’infraction lui a été remis pour une contravention à la même disposition survenue le même jour et fondée sur les mêmes faits. C’est donc dire que le professionnel pourra devoir payer une amende ou la sanction, mais non les deux, du moins pour la même situation. On peut supposer qu’en cas de contraventions répétées, la RAMQ optera pour l’approche qui est la plus pénalisante pour le professionnel.
Enfin, les décisions de la RAMQ relatives à la contravention des obligations d’affichage et des services non rendus sont publiques (mis à part l’identité du patient à qui les services ont été rendus), et le Collège en est informé. La RAMQ peut les afficher sur son site Internet. On peut supposer qu’elle pourrait même les publier dans un journal qui circule dans la localité d’exercice du médecin.
La RAMQ peut toujours avoir recours à un comité de révision lorsqu’elle est d’avis qu’un professionnel a rendu des services qui n’étaient pas requis ou qu’il les a rendus plus fréquemment que nécessaire. Tout comme pour les autres situations décrites précédemment, le délai passe de trois à cinq ans, et l’instauration d’une enquête avant d’avoir atteint ce délai suspend la prescription pendant la durée de l’enquête ou pendant au plus un an.
La loi prévoit de plus la possibilité pour la RAMQ d’imposer une sanction administrative pécuniaire de 15 % des honoraires en cause, en plus des honoraires récupérés. Les sanctions peuvent seulement être ajoutées lorsque la décision de la RAMQ est conforme à la recommandation du comité de révision, mais non si elle est différente. L’avis de la RAMQ au professionnel doit en faire état. Le professionnel a soixante jours pour contester la décision de la RAMQ. Il a le fardeau de démontrer que la décision de la RAMQ est mal fondée si elle est conforme à la recommandation du comité de révision. Autrement, c’est la RAMQ qui porte le fardeau de la preuve. À défaut pour le professionnel de contester la décision, la RAMQ peut déposer un certificat auprès du tribunal, qui acquiert alors les effets d’un jugement exécutoire.
Vous comprendrez que la RAMQ applique généralement la recommandation du comité de révision. Il faut donc s’assurer de faire valoir ses arguments dans ce forum, le cas échéant, car il sera plus difficile de le faire en appel.
D’autres modifications visent à élargir le droit de partage d’information de la RAMQ avec le ministère de la Santé et des Services sociaux de même qu’une obligation d’aviser le Collège du fait que le médecin contrevient à la loi. De plus, la RAMQ peut désormais exiger que certains relevés d’honoraires professionnels soient transmis par voie informatique.
La Loi sur l’assurance maladie contient dorénavant une protection pour les employés qui dénonceraient le non-respect des exigences de la loi. Il est interdit de les menacer, de leur imposer des sanctions disciplinaires ou de les congédier sous peine d’amendes de 2000 $ à 20 000 $ pour une personne physique et de 10 000 $ à 250 000 $ pour une personne morale.
Une règle générale est aussi ajoutée. En effet, une poursuite pénale pour la contravention de la Loi sur l’assurance maladie doit être intentée dans un délai d’un an de la connaissance par le poursuivant, mais pas plus de cinq ans à partir de la date de sa perpétration.
Ces informations devraient vous aider à juger des ajustements que vous devez apporter à votre pratique et à vos moyens de contrôle administratif, question d’éviter les problèmes avec la RAMQ ou les réclamations surprises. À la prochaine ! //