la formule pour vider le GACO
L’Assemblée générale annuelle de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal a eu lieu le 24 novembre dernier. La prise en charge des patients du guichet d’accès restait une priorité.
Quelle est la formule pour vider le Guichet d’accès pour la clientèle orpheline (GACO) de Montréal ? 11 ABC + 45 DE. « Si tous les médecins qui inscrivent des patients à Montréal prenaient juste onze patients de catégories A, B ou C ainsi que 45 de la catégorie D ou E, le guichet serait vide », a expliqué le Dr Michel Vachon, président de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM) au cours de son assemblée générale annuelle (AGA).
Il reste encore 111 500 personnes dans le GACO. « Cela représente 56 patients par médecin. C’est tout ce qu’il faut pour éliminer la loi 20* une fois pour toutes », a affirmé le président.
Qu’en est-il du taux d’inscription ? Il est de 64,8 %. Ce chiffre un peu décevant ne rend pas justice aux efforts des médecins de famille montréalais. « Il faut savoir que 19,7 % des patients qu’ils ont inscrits proviennent de l’extérieur de la ville. On constate que de plus en plus de personnes qui demeurent en dehors de la métropole se font suivre à Montréal. On peut supposer que bien des jeunes familles qui quittent la région du 514 gardent leur médecin de famille à Montréal », a précisé le Dr Vachon.
Jusqu’à présent, les médecins montréalais ont inscrit 1,5 million de patients. Cependant, seulement 1,2 million faisait partie de la population de presque 1,9 million de Montréalais. Si les 300 000 personnes de l’extérieur inscrites étaient des résidents de Montréal, le taux d’inscription serait alors de 81 %.
« Les médecins montréalais travaillent très fort », a soutenu le Dr Vachon. En 2011, le taux d’inscription n’était que de 45 %. Depuis, il a fait un bond de 20 % de manière absolue. Dès le départ, le défi des médecins de famille de Montréal était grand : prendre en charge 23 % des quelque 8 millions de patients à inscrire dans la province.
Le président de l’AMOM a encouragé ses membres à participer à l’opération « Vidons le GACO ». Le nouveau processus d’inscription sans visite médicale va leur faciliter la tâche. « C’est notre dernière chance », a indiqué le Dr Vachon qui demande aux médecins un ultime effort. Inscrire 56 patients.
* Le nom exact de la loi est : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.
Sur la place publique, l’image que l’on renvoie aux médecins d’eux-mêmes n’est pas toujours agréable. Il en va ainsi de cette publicité du gouvernement du Québec qui leur dit : « Accélérez le rythme ». « Un dernier SPRINT... pour équilibrer votre pratique », recommande-t-elle aux cliniciens. Publiée dans la presse écrite, elle leur suggère d’avoir une pratique « confortable » de 36 h par semaine comprenant au moins 20 consultations par jour, 42 semaines par année et de suivre une clientèle comptant 30 % de patients vulnérables.
« Ce message est vu comme un affront par les médecins sur le terrain. Ce sont des médecins qui font le travail, qui commencent d’ailleurs à souffrir d’écœurement et de plus en plus d’essoufflement aussi » , a indiqué le Dr Vachon à l’AGA. Le modèle de pratique proposé par le gouvernement n’est par ailleurs pas aussi « confortable » qu’il l’estime. « Il a oublié qu’on a des dossiers à suivre, des patients à rappeler, des appels à faire aux spécialistes, de la garde sur place à effectuer. Cela demande beaucoup plus d’heures que le nombre qui est suggéré. »
Les critiques viennent également des médias et des partis d’opposition. « On nous reproche de ne pas faire le travail qui doit être effectué, d’être beaucoup trop payés, de ne pas être accessibles. Certains disent que c’est impossible d’avoir un médecin de famille et que lorsqu’une personne en a un, elle n’est jamais capable de le voir. C’est curieux, mais ce n’est pas ce que montrent les chiffres. Les médecins de famille ont pris depuis deux ans 900 000 patients, et notre taux d’assiduité dépasse 83 % », a souligné le président de l’AMOM.
Tous ces blâmes sont difficiles à accepter. Le Dr Vachon, qui pratique, le sait. « Quand on entend cela, on a envie de tout arrêter. Mais il ne faut pas lâcher. On est quasiment rendu au bout et on a tous les outils pour réussir. » Il faut penser au but : l’abolition de la loi 20. « Si elle devait s’appliquer, ce serait une catastrophe pour l’avenir de notre profession. »
Le président de l’AMOM fait par ailleurs partie d’un comité formé par la FMOQ et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). L’un des objectifs de ce groupe de travail : améliorer les échanges entre les pharmaciens et les omnipraticiens. L’une des sources de frustrations ? Les nombreuses télécopies que les pharmacies envoient aux médecins.
Pour entre autres réduire le nombre de demandes de renouvellement de prescription par télécopieur, le comité a décidé de faire une campagne de sensibilisation auprès de la population. « Le médecin de famille et le pharmacien propriétaire vont transmettre à leurs patients un message : “Le renouvellement de vos ordonnances, c’est votre responsabilité” », a mentionné le Dr Vachon. Le groupe a préparé une affiche qui peut être téléchargée en cliquant ici.
Actuellement, l’AMOM compte 1610 membres en règle. Les femmes, âgées en moyenne de 48 ans, sont plus nombreuses que les hommes, dont l’âge moyen est de 57 ans. Elles représentent 52 % des membres.
Le regroupement des omnipraticiens leur donne une force, a rappelé le Dr Vachon. « Les médecins de famille font partie des solutions qui permettront à notre système de santé d’être mieux adapté aux besoins de la population. Et rappelez-vous : la FMOQ, c’est nous. C’est plus de 9 300 médecins de famille au Québec. La force de votre fédération vient de votre engagement. »
Un dernier effort est nécessaire pour prendre en charge 85 % de la population. Le but est à portée de la main. « Quand on regarde les chiffres, on voit que l’on va y arriver probablement au cours de 2018 », a estimé le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, venu rencontrer les membres de l’AMOM.
Que se passera-t-il alors ? « Le mécanisme qui mène à l’abrogation de la loi 20, prévu dans l’entente sur l’accessibilité, sera mis en place. Actuellement, la loi 20 est mise en veilleuse, mais, par prudence, je vais vous dire qu’elle s’applique encore », a affirmé le Dr Godin.
Le processus d’inscription sans visite préalable va rendre plus aisée la dernière ligne droite à parcourir. La lettre d’entente 321 donne un nouvel outil. « On demande aux médecins de faire ce dernier petit bout. Mais, comme toujours, c’est sur une base volontaire. »
Un autre dossier préoccupe la FMOQ : la loi 130‡. On ignore quelle en est sera la portée exacte. Ses modalités seront précisées dans des règlements qui ne sont pas encore publiés. La Fédération doit être consultée auparavant, mais à la fin de novembre aucune discussion n’avait encore eu lieu.
« Le problème, c’est que, sur le terrain, certains responsables se sentent investis des pouvoirs de la loi 130. Ils disent actuellement au médecin que s’il veut obtenir des nouveaux privilèges, il doit prendre certains engagements comme celui d’éviter toute découverture dans l’établissement. »
Certains établissements sont maintenant immenses. À Montréal, il y a plusieurs CISSS sur l’île. Mais dans d’autres régions, comme la Gaspésie, le territoire d’un établissement peut être beaucoup plus vaste. « Cela fait que ce type d’obligations nous paraît abusif. On considère la loi 130 comme disproportionnée par rapport aux capacités des médecins et à leurs obligations, notamment déontologiques. Elle ne saurait s’appliquer telle qu’elle est véhiculée actuellement sur le terrain. »
Que doit alors faire un omnipraticien à qui l’on demande de signer une entente assortie de diverses conditions pour avoir le droit de pratiquer dans un établissement de soins ? La Fédération recommande maintenant d’inscrire, dans la partie « Observations du médecin » du formulaire, la mention suivante : « Mon acceptation est faite sous réserve de la légalité des conditions prévues, de leur caractère raisonnable et de la conformité déontologique des obligations se rattachant à l’exercice de mes privilèges ».
Les médecins qui ont des doutes ou des questions peuvent appeler à la Fédération. « On va vous accompagner », a affirmé le Dr Godin aux médecins présents. //