Éditorial

Autoritarisme, précipitation et déni

Louis Godin  |  2017-12-15

L’année 2017 aura pris fin, pour le réseau de la santé, sous un blizzard, qui a pris la forme d’initiatives ministérielles précipitées ou mal avisées ou encore de critiques quasi unanimes envers le ministre de la Santé. Revenons d’abord sur deux des initiatives du gouvernement, avant de conclure sur l’attitude maintes fois dénoncée du ministre actuel de la Santé.

Loi 130

Cette loi, dans laquelle le ministre de la Santé s’est ac­cordé des pouvoirs inédits, notamment en ce qui a trait à l’octroi et au renouvellement des privilèges en établissement, a été adoptée le 25 octobre dernier, malgré le fait que pratiquement rien ne semble en justifier le bien-fondé par rapport aux médecins de famille. Nous avions déjà donné le mandat à nos procureurs d’analyser en profondeur le contenu de cette nouvelle pièce législative coercitive. Toutefois, sur les conseils de nos avocats, de manière à prévenir certaines tentatives de coups de force du sous-ministre et de certains établissements, nous avons dû écrire formellement au ministre et au sous-ministre responsable le 8 décembre pour les inviter à respecter et à interpréter correctement leur propre loi ! À défaut de quoi, bien évidemment, la Fédération se réserve le droit d’entreprendre tous les recours légaux appropriés. L’abus de pouvoir dans le secteur de la santé a assez duré au Québec. Tous en conviendront.

Rendez-vous Santé Québec (RVSQ)

L’annonce de la disponibilité de la plateforme RVSQ par la RAMQ, une missive ministérielle transmise aux chefs de DRMG en novembre et les sorties médiatiques du ministre de la Santé ont, avec raison, suscité beaucoup d’appréhension chez les médecins de famille. D’ailleurs, partageant ces appréhensions, les membres du Conseil général de la Fédération, réunis le 9 décembre, ont adopté à l’unanimité une résolution demandant à la FMOQ de prendre tous les moyens appropriés pour défendre le libre choix pour les médecins de famille d’adhérer ou non au système de prise de rendez-vous électronique de leur choix. En conséquence, il va de soi que la FMOQ entend défendre âprement le principe suivant : l’utilisation de la plateforme Rendez-vous Santé Québec doit être volontaire, et non obligatoire pour tous les médecins de famille. Cela dit, nous croyons qu’il est de notre devoir, selon certaines conditions, de collaborer avec les respon­sables du projet de manière à proposer des modèles compatibles avec les différents modes de pratique. Et c’est ce que nous ferons. Après tout, un système de prise de rendez-vous efficace répondant aux attentes et aux besoins des patients et des médecins suscitera naturellement l’adhésion de tous.

Pour conclure, impossible de ne pas revenir sur la dé­nonciation des tactiques ministérielles auxquelles nous faisons face depuis bientôt quatre ans : dénigrement gratuit d’autrui, abus de pouvoir par rapport à l’encadrement législatif existant, confrontation perpétuelle et annonces précipitées, entre autres. Résultat ? Des milliers de professionnels de la santé, bien qu’ils soient toujours extrêmement dévoués et engagés, sont aujourd’hui fortement découragés, pour ne pas dire parfois carrément désemparés. À cet égard, la forte augmentation des demandes au Programme d’aide des médecins du Québec (PAMQ) est un exemple éloquent d’une détresse palpable et bien établie.

Dans ce contexte, on serait en droit de s’attendre à ce que le gestionnaire ultime du système de santé prenne acte de cette détresse et tente de mettre en place des condi­tions pour y faire face et y remédier. Une telle attitude serait après tout responsable, empathique et empreinte de gros bon sens. Mais non. On y va plutôt d’explications qui ne tiennent pas la route pour minimiser la détresse des professionnels soignants et rejeter toute responsabilité du gouvernement dans ce constat ! C’est ce qu’on appelle être « décisif », paraît-il. N’empêche que lorsque le fait d’être « décisif » semble être davantage valorisé et important aux yeux de certains qu’être avisé, visionnaire, empathique, respectueux, logique et rassembleur, on a, me semble-t-il, comme société, un gros problème.

Le 15 décembre 2017

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Le président, Dr Louis Godin