Nouvelles syndicales et professionnelles

Assemblée générale du nord-ouest du Québec

suivre au moins mille patients

Emmanuèle Garnier  |  2018-09-28

Le 8 septembre, les membres de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec ont tenu leur assemblée générale annuelle à Rouyn-Noranda.

 

Dr Godin

Actuellement, 80 % de la population a un médecin de famille. Comment parvenir à hausser ce taux à 85 % d’ici la nouvelle échéance du 31 décembre prochain ? Quelles mesures prendre ?

« Nous allons cibler les médecins ayant inscrit moins de 1000 patients », a expliqué le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, à l’assemblée annuelle de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec (AMONOQ). « Nous leur présenterons les mesures que nous avons pour les aider : la lettre d’entente 304, qui porte sur le transfert de blocs de patients, et la lettre d’entente 321, qui touche l’inscription sans consultation médicale ».

La FMOQ n’imposera aucune obligation à ces médecins. « Nous allons leur indiquer leur nombre d’inscriptions et ce qui pourrait arriver si la cible de 85 % n’est pas collectivement atteinte. » Les répercussions exactes sont encore inconnues, mais il est probable que des sanctions soient imposées sur une base individuelle. « On ne veut pas qu’en janvier 2019 certains médecins soient fâchés de ne pas avoir été prévenus. »

Combien y a-t-il de médecins concernés ? Quelque 4000 om­ni­praticiens suivent moins de 1000 patients. Cependant, la plupart ne peuvent accroître leur clientèle. Beaucoup pratiquent à l’hôpital, ont d’autres activités médicales, sont en congé de maternité ou de maladie, etc. « On va essayer de repérer, avec l’aide des associations affiliées, ceux qui ont une marge de manœuvre et qui pourraient être touchés. »

La loi 20*, qui pourrait s’appliquer intégralement si le taux d’inscription n’atteint pas 85 % en 2019, constitue par ailleurs une menace pour l’ensemble de la profession. « Elle accorde des pouvoirs énormes au ministre. Elle lui permet entre autres de rouvrir les ententes. Cela signifie que toute entente que l’on signe pourrait être soumise à cette loi », a expliqué le Dr Godin.

Les omnipraticiens ont quand même réussi à inscrire plus de six millions de Québécois. « Cela représente un million de plus depuis que l’on a signé l’entente », a fait valoir le Dr Godin.

Les médecins de famille n’ont cependant pas obtenu toute l’aide promise. Dans les GMF, par exemple, le personnel qui s’absente n’est pas automatiquement remplacé. Les centres de répartition des demandes de services, eux, n’offrent pas des consultations dans les vingt-huit spécialités promises. Les spécialistes, pour leur part, n’ont pas accru le pourcentage de patients qu’ils hospitalisent.

Augmentations

Depuis le 1er septembre, les omnipraticiens bénéficient de la hausse de 3,55 % prévue dans le dernier accord-cadre. Comme cette augmentation devait débuter en avril 2017, ils auront droit à des paiements rétroactifs qu’ils recevront en :

h octobre prochain (pour la période d’avril 2017 à dé­cem­bre 2017) ;

h décembre 2018 (pour la période de janvier 2018 à mars 2018) ;

h janvier 2019 (pour la période d’avril 2018 à juin 2018).

* Le nom exact de la loi est : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

En octobre, par ailleurs, les allocations du fonds de formation devraient être majorées à :

h 702 $ par jour (un forfait) ;

h 351 $ par demi-journée (un demi-forfait).

Les allocations de ressourcement, elles, seraient haussées à 838 $ par jour et les frais de séjour, à 255 $. « En principe, ces tarifs entrent en vigueur le 1er octobre. L’entente a été paraphée, mais n’a pas encore été entérinée par le Conseil du trésor », a précisé le président de la FMOQ.

En ce qui concerne le travail effectué en première ligne et à l’urgence pendant les heures défavorables, il devrait être majoré de 3 %.

Dr Jean-Yves

Comité sur l’avenir de la médecine familiale

Un comité sur l’avenir de la médecine familiale va être créé. « Il faut réfléchir à la manière dont la pratique doit s’organiser. Quels sont les défis de demain ? Les patients n’ont plus les mêmes attentes qu’avant. On ne travaille plus avec les mêmes moyens technologiques qu’avant », a indiqué le Dr Godin. Cinq médecins pour l’instant font partie du groupe de travail. Ils iront dans les différentes régions du Québec pour consulter leurs collègues.

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Pas de chasse aux sorcières

En Abitibi-Témiscamingue, 82 % de la population est inscrite. Mais de grandes disparités existent entre les régions. Deux réseaux locaux de services (RLS) sont de vrais champions : ceux de l’Abitibi-Ouest et surtout de l’Abitibi où plus de 88 % de leur population est inscrite. Deux autres RLS se rapprochent de l’objectif avec leur taux de 82 %.

Cependant, les deux derniers RLS ont plus de difficulté : moins de 79 % de leurs résidants ont un médecin de famille. « Dans toutes les régions, même dans celles où le taux d’inscription n’atteint pas 85 %, les médecins font des efforts, a expliqué le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’AMONOQ à l’assemblée générale. Certains milieux sont plus fragiles. Ils doi­vent entre autres composer avec des congés de maternité et des retraites. »

Est-ce une bonne idée de cibler les omnipraticiens qui suivent moins de mille patients pour augmenter le taux d’inscription ? « Je pense qu’on ne peut pas en demander beaucoup plus à ceux qui ont plus de 1000 patients, affirme le président. Le problème, en région, c’est que les médecins qui ont une clientèle de moins de 1000 personnes ont souvent une importante activité hospitalière. »

Comment l’AMONOQ va-t-elle alors procéder ? « Pour chaque réseau local de services, nous allons recevoir la liste des médecins et leur nombre de patients inscrits. On ne fera pas de chasse aux sorcières avec seulement un chiffre. On va analyser le profil global du médecin. Certains travaillent à l’urgence, à l’hôpital dans les unités de soins, en obstétrique ou dans un CHSLD. Il y a des médecins qui ont une marge de manœuvre, mais il y en a d’autres qui ont déjà fait un gros effort. »

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Chaque membre du bureau de l’AMONOQ approchera ensuite les médecins ciblés de sa sous-région. « Nous allons leur dire que la loi 20 existe toujours et qu’à cause de leur profil, ils pourraient être parmi ceux qui seront pénalisés. Cela reste cependant à eux de décider s’ils veulent prendre plus de patients ou non. »

Dans les guichets d’accès pour la clientèle orpheline, toutefois, le nombre de patients est encore important. « Il y a 7390 personnes en Abitibi qui attendent d’être prises en charge », a précisé le Dr Boutet. De ce nombre, 5616 font partie de la catégorie D et E.

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Regard critique sur les GMF

Dans le nord-ouest du Québec, toutes les cliniques sont depuis longtemps des GMF. Au fil des ans, la vision du Dr Boutet est plus critique. « Le programme GMF a créé une dépendance dans le milieu des cabinets », a-t-il indiqué à ses membres.

Pour un cabinet, le retour en arrière, par exemple, peut être coûteux. « Si on abandonne le programme GMF, il devient difficile de gérer une clinique. II faut donc évaluer les conséquences financières, mais aussi l’autonomie professionnelle que l’on pourrait regagner. »

Le gouvernement s’ingère de plus en plus dans la pratique et accroît ses contrôles à chaque changement, estime le président de l’AMONOQ. Le modèle, de plus, manque de souplesse, et les GMF n’ont aucun recours.

Le Dr Boutet a applaudi la création de la nouvelle Table nationale des GMF, en juin dernier. « C’est un réseau de communications qui permettra de tenir au courant les médecins et la FMOQ de la situation. L’information est un outil puissant. Il est également important de briser l’isolement et de trouver des solutions aux problèmes récurrents, tels que le non-remplacement des professionnels et la question de l’autorité fonctionnelle des médecins. » L’Abitibi a, par ailleurs, sa propre table régionale des GMF depuis plus de neuf ans. //