Éditorial

L’accès aux soins et la joute électorale

Louis Godin  |  2018-09-21

Au sortir de la campagne électorale, force est de constater que, comme nous l’appréhendions, il s’est malheureusement dit peu de choses prometteuses sur la santé et l’accès aux soins. N’empêche, il est de notre devoir de nous attarder aux principaux engagements électoraux des partis politiques aspirant à gouverner le Québec à compter d’octo­bre 2018, même si notre analyse nous amènera fort probablement à conclure que les propositions de nos po­li­ticiens constituent davantage du marketing élec­toral que de réelles solutions porteuses.

D’abord, nous ne pouvons que constater que le Parti libéral du Québec semble demeurer prisonnier de l’em­prise de Gaétan Barrette en ce qui a trait à l’accès aux soins, car les promesses qu’il a faites dans cette campagne semblaient s’aligner vers quatre au­tres années du même régime. Coercition envers les mé­de­cins de famille, obsession d’une atteinte d’objec­tifs statistiques à tout prix et, surtout, menace de recourir à l’infâme loi 20. La promesse la plus farfelue est sans conteste l’objectif d’assiduité de 95 %. On devrait probablement carrément interdire aux patients de consulter dans une autre clinique ou à l’urgence pour l’atteindre. Quant à la loi 20, soyons clairs : jamais les médecins de famille et leur fédération n’accepteront l’application de cette loi discriminatoire. Si nous continuons de donner en toute circonstance les meilleurs soins à nos concitoyens, nous utiliserons tous les recours et tous les moyens à notre disposition pour empêcher l’application d’une loi injuste et discriminatoire. Cela dit, il ne nous est pas interdit d’espérer qu’un nouveau leadership au ministère de la Santé, si le Parti libéral était reporté au pouvoir, se rendra rapidement compte du cul-de-sac associé à l’approche coercitive et préférera travailler de concert avec les soignants plutôt que de les affronter.

Du côté de la Coalition Avenir Québec (CAQ), tout l’accès aux soins médicaux est axé sur la rémunération. La CAQ parle en gros de diminuer la rémunération des mé­­decins spécialistes et de seulement modifier la forme de celle des médecins omnipraticiens en aug­mentant sensiblement la part de capitation et en diminuant la rémunération à l’acte. Si la Fédéra­tion demeure ouverte à discuter de ces questions, nous devons tout de même rappeler deux éléments de base. D’abord, contrairement à la croyance répandue, une part déjà considérable de la rémunération des omnipra­ticiens (plus du tiers) est versée sous une forme for­faitaire. Ensuite, les médecins de famille travaillent déjà extrêmement fort et sont généralement rapidement accessibles pour leurs patients. Dans ce contexte, promettre une révolution de l’accès à la première ligne par de simples changements des formes de rémunération est peu réaliste, d’autant plus que le nombre de professionnels y travaillant de concert avec les médecins y est grandement insuffisant.

Enfin, c’est à regret que nous percevons une forme de mépris de la part du Parti québécois pour la for­mation médicale et que nous trouvons ses propositions illusoires. Quand le chef d’un parti affirme que des infirmières peuvent régler 95 % des cas vus par les médecins de famille en clinique et base son programme sur une telle perception erronée qui ne repose sur rien, c’est assez grave ! Ledit programme consiste en gros à confier en partie le travail médical aux infirmières dont la trop forte pénurie les empêche déjà de répondre à la demande de soins infirmiers ! Idem quand ce chef prétend que chaque médecin reçoit une « cote » de 60 000 $ pour le travail effectué par une IPS, ce qui est évidemment faux. C’est même diffamatoire quand on sait que cette somme sert à couvrir le coût du loyer, du personnel et de l’équipement et à rémunérer un groupe de médecins pour du travail interprofessionnel. Difficile d’être enthousiaste quand on lit ou entend de telles choses, tous en conviendront.

Le 19 septembre 2018

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Le président, Dr Louis Godin