Les résultats électoraux du 1er octobre dernier ont été sans équivoque, du moins sur le plan des sièges obtenus, la Coalition avenir Québec ayant remporté une grande majorité d’entre eux. À l’évidence, les Québécois souhaitaient prendre une pause de l’équipe libérale en place, au pouvoir depuis avril 2003, sauf pour un intermède d’un peu plus de 18 mois entre 2012 et 2014. N’empêche que l’usure du pouvoir à elle seule explique difficilement l’ampleur de la défaite des libéraux. Un des éléments incontournables à considérer est l’impopularité historique du dorénavant ex-ministre de la Santé et de ses réformes centralisatrices menées trop souvent sous le signe de l’improvisation, de la coercition et du dénigrement.
Heureusement, le nouveau gouvernement, par la voix de sa nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, semble proposer autre chose et annonce clairement un changement de ton. On ne peut que s’en réjouir. D’ailleurs, à la base, les personnalités et le parcours professionnel de Mme McCann et du ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, rendent légitime l’espoir de voir un retour à une relation respectueuse entre le pouvoir politique et les acteurs du réseau de la santé, dont au premier titre les professionnels qui prodiguent les soins. Qui sait, une nouvelle ère de collaboration et de concertation pointe peut-être à l’horizon ? Cela dit, pour parler véritablement du début d’un temps nouveau, des actions concrètes et des politiques appropriées devront suivre.
Si ce gouvernement souhaite véritablement améliorer l’accès aux soins, notamment en première ligne, il doit d’abord être à l’écoute des milieux de soins et prendre en compte les spécificités locales inhérentes à un grand territoire comme le nôtre. Les contraintes de toutes sortes, la centralisation excessive et le mur-à-mur gouvernemental doivent être relégués aux oubliettes pour laisser davantage de place aux initiatives locales et à une véritable cogestion.
De plus, comme nous l’avons déjà mentionné, le gouvernement doit véritablement donner suite aux engagements contenus dans l’Entente sur l’accessibilité conclue au printemps 2015. On parle d’une contribution plus grande de nos collègues spécialistes en milieu hospitalier afin de libérer les médecins de famille d’une partie de leurs tâches en établissement, de l’ajout d’autres professionnels – notamment d’infirmières – dans les cliniques médicales, d’un soutien administratif adéquat en établissement et d’un accès simplifié et amélioré aux consultations spécialisées et aux plateaux techniques. La clé pour un meilleur accès aux soins de première ligne est là, pas ailleurs.
Enfin, et surtout, la nouvelle équipe gouvernementale devra formuler un énoncé clair en faveur de l’incontournable revalorisation de la médecine familiale. Depuis trop longtemps maintenant, l’Assemblée nationale est le théâtre d’une triste comédie dans laquelle il se casse du sucre, à coups de propos souvent erronés et de projets de loi coercitifs, sur le dos des médecins de famille même si ces derniers tentent par tous les moyens d’offrir toujours davantage de soins de qualité à leurs concitoyens. Les conséquences sont incontestables : 200 postes de résidence en médecine familiale sont demeurés vacants au cours des quatre dernières années dans les universités québécoises, les départs à la retraite anticipés sont plus élevés que prévu, et certains des médecins omnipraticiens sur le terrain sont à bout de souffle. Pour l’avenir des soins de première ligne, un changement de cap s’impose donc de manière urgente. Il reste à se souhaiter collectivement que le nouveau gouvernement prenne rapidement la mesure de la nécessité absolue d’un tel changement.
Le 22 octobre 2018
//
Le président, Dr Louis Godin |