Entrevues

Entrevue avec le Dr Pascal Renaud, président de l’AMOQ

Les méfaits de la loi 130

2018-01-31

Nouveau président de l’Association des médecins omnipraticiens de Québec (AMOQ), le Dr Pascal Renaud dénonce certains effets de la loi 130, discute des secteurs de pratique qui bénéficieront d’augmentations particulières et présente sa future application mobile.

M.Q. – Quelles seront les répercussions de la loi 130* dans votre région ?

P.R.– La loi 130 va aggraver les problèmes que l’on a déjà. Dans la région de Québec, il y a un manque d’effectifs dans les CHSLD, et certains médecins ont décidé de cesser d’y exercer, parce qu’ils craignent de devoir couvrir, en plus de leur installation, d’autres CHSLD en pénurie. Le projet du ministre de la Santé est d’améliorer l’accès aux soins dans les CHSLD, les urgences et partout dans les établissements, mais il est en train de diminuer l’accessibilité et de réduire la couverture médicale.
Par ailleurs, la loi 130 doit être balisée par des règlements qui n’ont pas encore été rédigés. Dans les hôpitaux, les responsables nous demandent donc de signer des avis de nomination qui respecteront des règlements inconnus, ce qui est tout à fait aberrant.
L’approche qu’a choisie le gouvernement en adoptant la loi 130 n’a jamais été acceptable pour les médecins. Il se doit de la reconsidérer.

M.Q. – La rémunération dans les CHSLD pourrait être modifiée. Qu’en pensez-vous ?

P.R.– Je crois qu’une meilleure rémunération pourrait réduire les pénuries de médecins dans les CHSLD. La formule qui a été proposée est d’accorder un forfait à un groupe de médecins qui s’engageraient à donner les services médicaux nécessaires dans un CHSLD pendant un an. Cette entente pourrait être intéressante pour les GMF qui veulent augmenter leur clientèle, parce que les résidants du CHSLD seraient alors comptabilisés comme des patients inscrits. Cependant, il est possible que certaines équipes craignent de s’engager collectivement en cas de maladie ou d’absence d’un médecin.

M.Q. – La FMOQ doit décider de l’utilisation de sa nouvelle enveloppe budgétaire. En plus des CHSLD, elle compte privilégier différents secteurs. Est-ce que ceux qu’elle a retenus correspondent aux demandes de vos membres ?

P.R.– Oui. Nous avons sondé nos membres, et je suis content de voir que beaucoup de nos recommandations ont été retenues. Nous avons suggéré une majoration de la rémunération à l’urgence pendant les heures défavorables, une meilleure rémunération des tâches médico-administratives en milieu hospitalier, une hausse de la rétribution de la pratique dans les CHSLD et de la prise en charge ainsi qu’une bonification des allocations du fonds de formation.

M.Q. – Pourquoi demander une bonification de la pratique à l’urgence pendant les heures défavorables ?

P.R.– À l’urgence, la plus grande différence de rémunération entre les médecins spécialistes et les omnipraticiens vient de la rétribution pendant les heures défavorables. Nos membres qui pratiquent à l’urgence sont très heureux de voir que la réduction de cet écart est une priorité pour la Fédération. Celle-ci va accorder à cette fin des sommes supplémentaires dès la première année de l’entente.

M.Q. – L’augmentation des allocations du fonds de formation a été demandée par beaucoup d’associations affiliées.

P.R.– Dans le sondage que l’on a fait auprès de nos membres, c’est un des éléments qui est le plus ressorti. Actuellement, les allocations ne remboursent pas la totalité de ce que les omnipraticiens perdent à cause de leurs frais de cabinet et de leur absence au travail. Les spécialistes, eux, reçoivent des sommes qui sont un peu plus du double des nôtres. On demande donc 80 % de ce qu’ils obtiennent.

M.Q. – Et pour la hausse de la rémunération du travail médico-administratif ?

P.R.– Il s’agit aussi d’un problème d’équité avec les spécialistes. Dans une même réunion, ceux-ci sont rémunérés pour leur présence tandis que les omnipraticiens ne le sont pas. Cette mesure va donc être la bienvenue en établissement. Les médecins de famille pourront participer aux différents comités et être payés.

M.Q. – Beaucoup d’argent sera réservé à la prise en charge et au suivi de patients. Qu’en pensez-vous ?

P.R.– C’est normal que la somme allouée soit importante, parce que la majorité des médecins de famille font de la prise en charge. En plus, depuis deux ans, les omnipraticiens de ce secteur se battent jour après jour pour inscrire 85 % de la population et faire disparaître la loi 20. Notre association est donc très satisfaite de la décision de bien rémunérer ceux qui ont fait tous ces efforts.

M.Q. – Il y a plusieurs scénarios pour mieux rétribuer la prise en charge : rembourser davantage les frais de pratique, hausser le forfait annuel d’inscription et majorer les tarifs de la nomenclature en cabinet à partir d’un nouveau seuil de patients.

P.R.– Le scénario qui me plaît le plus est la majoration du forfait d’inscription à partir d’un certain seuil, par exemple pour les 750 premières personnes inscrites. On a vu les effets positifs de la bonification réservée aux médecins qui ont inscrit plus de 500 patients. Certains ont fait un effort pour atteindre ce niveau. Il est donc possible que les cliniciens dont le nombre de patients est près d’un second seuil acceptent de faire un effort supplémentaire. Pour moi, la priorité est de parvenir à la cible de 85 % d’inscription de la population générale. Tant que l’on n’a pas atteint cet objectif, je pense qu’on doit favoriser les mesures qui vont permettre d’y parvenir.

M.Q. – Quel est le taux d’inscription dans votre région ?

P.R.– Il était de 84 % le 10 janvier dernier. Les inscriptions sans visite ont par ailleurs déjà commencé depuis plusieurs semaines. Trente-quatre médecins ont demandé des patients en recourant à la lettre d’entente 321. Cela a permis à environ 2700 patients d’avoir un médecin de famille. Je pense que l’inscription sans consultation préalable peut être une excellente solution, mais il est encore trop tôt pour savoir si elle aura un effet important dans notre région. Les gens du guichet d’accès pour la clientèle orpheline, pour leur part, nous mentionnent qu’ils reçoivent régulièrement des demandes.

M.Q. – Quels sont les projets de votre association en 2018 ?

P.R.– Nous allons avoir une application mobile pour remplacer notre bottin papier. Le projet est officiellement lancé. Nous avons signé un contrat en décembre avec un jeune concepteur de logiciels de Québec. Le bottin que l’on avait permettait aux médecins d’avoir les numéros de téléphone de leurs collègues, des cliniques, des ressources, des centres hospitaliers, des spécialistes, etc. La nouvelle application leur donnera en plus la possibilité de faire une recherche par nom, adresse ou numéro de téléphone de la clinique.
Cette application va également nous permettre d’offrir d’autres services. Il y aura ainsi un calendrier pour indiquer aux médecins toutes les dates importantes : celles des formations, des assemblées générales et des réunions des capitaines.
Il y aura également une section « sondages et études de besoins ». L’un des buts de l’AMOQ est vraiment de se rapprocher de ses membres et de les écouter. On veut les sonder plus souvent sur les sujets d’actualité : qu’est-ce qu’ils pensent de telle question ? Quels efforts mettre dans quels dossiers ? Quelles orientations prendre ? Je pense que l’application va nous permettre d’être plus près des médecins. Ce n’est pas facile d’atteindre 800 membres. L’application va être une façon de joindre ceux que l’on ne pouvait pas atteindre avant. C’est un beau projet qui va se réaliser au cours de l’année.