Cela fait maintenant neuf ans que le bitcoin existe à titre de monnaie virtuelle que l’on désigne aussi comme cryptomonnaie. Sa valeur fluctue sans cesse en fonction des résultats de complexes calculs informatisés qui recensent en continu chacune des transactions dont il fait l’objet. C’est ce qu’on appelle un système de pair à pair, totalement indépendant qui ne relève d’aucune autorité monétaire ou gouvernementale.
Au départ, le bitcoin était l’affaire de quelques initiés qui étaient les seuls à comprendre l’intérêt et la pertinence de créer une monnaie d’échange dont la valeur allait être réactualisée à tout moment par des programmes informatiques en fonction de l’offre et de la demande.
La forte et folle valorisation que cette nouvelle monnaie virtuelle a enregistrée au cours de la dernière année a toutefois amené de nombreux investisseurs de partout dans le monde à s’intéresser au bitcoin, mais aussi à vouloir s’enrichir avec cet actif dont la valeur a été multipliée par 19 fois en l’espace d’un an, en passant de 1 000 $US au début de 2017 à 19 000 $US en décembre de la même année.
Il faut préciser ici que l’intention derrière la création du bitcoin relève de la vision du monde que défendent les adeptes du libertarianisme, c’est-à-dire des gens qui aspirent à obtenir le maximum de libertés individuelles et qui militent pour l’absence totale, sinon le moins d’interventions régulatrices possibles des autorités gouvernementales ou paragouvernementales.
L’idée derrière le bitcoin était donc de créer une monnaie d’échange libre de toute contrainte réglementaire, une monnaie qui échapperait au contrôle des banques centrales et dont la valeur serait le reflet du consensus de ses utilisateurs, en fonction de l’offre et de la demande, le tout calculé à partir de chacune des transactions réalisées grâce à la technologie des chaînes de blocs.
Cette technologie informatique est à la base du système du bitcoin. Chaque transaction réalisée en bitcoin est vérifiée, sécurisée et enregistrée par des systèmes disséminés partout à travers la planète et qui fonctionnent en parallèle pour assurer la transparence du système et mettre sans cesse à jour la valeur de la devise.
Ce sont les utilisateurs du bitcoin qui mettent à contribution leurs systèmes informatiques pour assurer les mises à jour de la valeur de la devise et ils sont rémunérés en bitcoins (en fractions de bitcoin, plus précisément) nouvellement créés lorsque leur arsenal informatique a été mis à contribution.
Il faut comprendre ici que les partisans du bitcoin s’opposent farouchement à ce que ce soit les banques centrales qui utilisent leurs pouvoirs pour imposer leur agenda sur l’ensemble de l’activité économique.
Depuis la crise financière de 2007, la Réserve fédérale américaine a joué un rôle capital et déterminant pour sortir les États-Unis de la pire crise à survenir depuis la grande dépression des années 30.
En réduisant à zéro les taux d’intérêt, la Fed a fait marcher à fond de train la planche à imprimer des billets verts et a injecté des milliards de liquidités dans le système pour que les Américains dépensent plus et que les entreprises réinvestissent pour remettre l’économie sur les rails.
Lorsqu’un pays affiche une trop forte activité économique qui risque de faire augmenter l’inflation, la banque centrale va alors hausser les taux d’intérêt pour réduire l’accès au crédit et forcer le refroidissement de l’activité économique.
Il n’en reste pas moins qu’une catégorie d’actifs qui réussit en l’espace de quelques mois à multiplier par 19 sa valeur sur le marché ne peut faire autrement que susciter l’envie de tous ceux qui rêvent d’améliorer leurs vieux jours…
Devant un phénomène financier aussi spectaculaire, le premier réflexe de beaucoup d’investisseurs sera de se poser la question si ça ne vaudrait pas la peine de consacrer une portion de la partie plus à risque de son portefeuille dans ce qui semble être une véritable mine d’or. La question est légitime, mais la démarche en vaut-elle vraiment le coup pour autant ?
La spectaculaire valorisation récente du bitcoin contient en elle tous les éléments que l’on a associés dans le passé à la création de bulles spéculatives. À chaque fois, il s’agissait d’un nouveau concept ou produit pour lequel tout le monde était prêt à payer plus cher que la veille.
Cela fut le cas au 17e siècle lorsqu’éclata la crise des tulipes hollandaises. On a vu un phénomène semblable se reproduire lors du grand krach de 1929, lorsque beaucoup de petits investisseurs se sont rués pour acheter des titres boursiers, convaincus d’un enrichissement rapide et automatique.
Plus récemment, la bulle des titres technologiques de la fin des années 90 a elle aussi été nourrie par la cupidité et l’exubérance irrationnelle. Tout le monde achetait des actions d’entreprises de la nouvelle économie parce qu’elles enregistraient des valorisations phénoménales en un temps record et tout le monde était convaincu qu’il s’agissait d’un mouvement qui allait durer.
Ce qui s’est avéré jusqu’au moment du retentissant krach d’avril 2000, qu’on a décrit avec raison comme l’éclatement de la bulle technologique, qui a fait chuter l’indice Nasdaq — à prédominance technologique — de 78 % sur deux ans. Il faudra attendre 16 ans avant que l’indice Nasdaq ne retrouve son niveau d’avant krach de mars 2000 à 5130 points.
Il est difficile de préciser où se situe exactement le bitcoin dans la chaîne de développement de ce qu’on définit comme une bulle spéculative, mais une chose est certaine, lorsqu’un actif qui valait moins d’un dollar américain lors de sa création, en 2009, se transige, presque neuf ans plus tard, à plus de 19 000 $US, on convient qu’une telle valorisation arrive en fin de parcours.
La limite physique d’émission de nouvelles pièces de monnaie virtuelle à 21 millions d’exemplaires a avantagé la forte progression du bitcoin, en favorisant l’effet de rareté et la surenchère qui s’en est suivie. Il y a présentement 18 millions de bitcoins en circulation et c’est à coup de millièmes de fractions de pièces que l’on émet de nouveaux exemplaires, essentiellement pour rétribuer les participants qui mettent leur puissance informatique à la disposition de la monnaie virtuelle.
L’idée maîtresse derrière le bitcoin, c’est qu’il s’agit d’une monnaie sécuritaire puisque tous les participants à la chaîne de blocs valident chacune des transactions qui s’ajoutent à la chaîne. Plus la chaîne allonge plus la validation de chacune des transactions se complexifie et c’est pourquoi des spéculateurs construisent d’immenses fermes de serveurs pour les mettre à la disposition du calcul en vue de sans cesse actualiser la valeur du bitcoin, 24 heures par jour, sept jours par semaine.
La consommation d’énergie requise par la mobilisation des millions d’ordinateurs qui servent exclusivement à la mise à jour des transactions du bitcoin est tout simplement effarante et tout à fait contraire aux promesses de développement durable que sous-tendait l’avènement de l’économie numérique.
Construire des mines d’or et les exploiter quotidiennement aux quatre coins du monde coûte une fortune aux sociétés qui font l’exploitation de cette ressource naturelle qui joue encore son rôle de valeur refuge. Les ordinateurs qui maintiennent en vie le réseau bitcoin consomment chaque jour une quantité phénoménale d’électricité. Une étude récente du Forum économique mondial nous apprend qu’au rythme de croissance actuel, ce n’est rien de moins que l’équivalent de toute la production annuelle d’électricité aux États-Unis qui ira aux bitcoins d’ici la fin de 2019.
En maintenant toujours le même rythme de croissance, c’est l’équivalent de la consommation mondiale d’électricité qui pourrait être requise pour soutenir les transactions quotidiennes du bitcoin, et ce, dès 2020. On le voit, malgré ses promesses, le bitcoin n’est pas en soi un modèle de développement durable. Il porte en lui les limites évidentes de son expansion future.
D’ailleurs, on recense aujourd’hui plus de 1 300 cryptomonnaies qui cherchent à se tailler une place équivalant à celle du bitcoin. Est-ce que la planète a les moyens de servir de telles ambitions ? La question mérite d’être posée. //
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.