Nouvelles syndicales et professionnelles

Des CLSC devenus GMF

Une transition qui satisfait médecins… et patients

Claudine Hébert  |  2018-02-28

Comment assurer sa survie lorsque l’environnement administratif et législatif devient de plus en plus hostile ? Certains CLSC ont trouvé une réponse : la formule GMF.

Dr Hébert

À Saint-Donat, dans Lanaudière, depuis déjà 2004 que le CLSC est passé en mode GMF. Et le Dr Jean-Marc Hébert, qui a amorcé ce virage, ne le regrette pas. « À l’époque, une atmosphère de fusion très centralisatrice commençait à régner. Afin de conserver notre autonomie locale et d’avoir droit, nous aussi, aux avantages – dont un budget bonifié – du nouveau cadre de collaboration entre médecins et infirmières, j’ai demandé qu’on nous accorde le statut de GMF », raconte le médecin, responsable du GMF Saint-Donat.

Le CLSC Saint-Donat est ainsi devenu le GMF Saint-Donat et s’est transformé, en 2011, en un GMF mixte après le recrutement de la Clinique médicale du village. En 2012, le CLSC de Chertsey s’est joint au groupe. Aujourd’hui, le GMF Saint-Donat compte neuf médecins, dont six en CLSC et trois en cabinet.

De multiples avantages

« Grâce à la création du GMF mixte Saint-Donat, le nombre de professionnels de la santé auquel notre population peut recourir a quadruplé », indique le Dr Hébert. Elle a ainsi à sa disposition inhalothérapeute, orthésiste, infirmière de soins de pieds, nutritionniste, psychologue, ostéopathe. Le GMF Saint-Donat a même pu embaucher un kinésiologue pour les patients atteints d’obésité, de douleurs chroniques et de maladies cardiaques. « Autant de services que le CLSC, sous sa forme traditionnelle, n’aurait pu offrir à la population faute de budget et de droit de pratique », précise le médecin qui compte près de 35 ans d’expérience.

Outre ces services issus du cadre GMF, la population de Saint-Donat continue d’avoir accès aux programmes du CLSC qui incluent des soins à domicile, des soins en santé mentale, des soins palliatifs et une clinique jeunesse. Autre avantage de la formule, le GMF Saint-Donat est ouvert sept jours sur sept de 8 h 30 à 16 h 30.

Les week-ends, tous les médecins du GMF pratiquent à tour de rôle au service de consultation sans rendez-vous offert en CLSC, y compris les trois omnipraticiens de cabinet. Un service très apprécié par les quelque 10 000 villégiateurs et touristes qui fréquentent Saint-Donat chaque année, notamment pour ses deux stations de ski et ses deux grands lacs. D’ailleurs, plus de la moitié des consultations sans rendez-vous en semaine et le week-end sont pour des patients non inscrits sur le territoire, observe le Dr Hébert.

« Autre avantage de la formule, nous appliquons une pratique de groupe. Cela vient régler le problème du taux d’assiduité », soutient le médecin Hébert.

Plus d’équipement

Jeune médecin fraîchement recruté par le GMF Saint-Donat, il y a deux ans, pour redynamiser et gérer la Clinique médicale du village, le Dr Philippe Melanson, 28 ans, adore la formule GMF mixte. « Nos patients ont accès à plusieurs plateaux techniques du CLSC, notamment un appareil de radiographie, un échographe, une lampe à fente ainsi qu’un électrocardiographe et un défibrillateur. Ces appareils permettent d’effectuer des examens sur place sans que le patient n’ait à se rendre à l’hôpital de Joliette ou de Sainte-Agathe-des-Monts », souligne l’omnipraticien. Ce sont des plateaux fournis par le Centre intégré de santé et services sociaux de Lanaudière qu’une clinique pourrait difficilement s’offrir, reconnaît-il.

Un autre avantage demeure le partage de l’espace entre les points de service du GMF Saint-Donat. « Certains professionnels de la santé du GMF peuvent utiliser les locaux du CLSC et ceux du cabinet selon les disponibilités. La clinique n’a donc pas à assumer les frais de loyer pour certains professionnels présents une à deux journées par semaine. »

Plus de temps pour les patients

La formule GMF mixte suscite également beaucoup d’enthousiasme dans la MRC du Val-Saint-François, où cinq cliniques privées (à Richmond, à Valcourt, à Stoke et deux à Windsor) et trois CLSC (à Richmond, à Valcourt et à Windsor) forment une même équipe depuis 2010. « Un des plus grands avantages pour nous, médecins de CLSC, demeure l’accès aux professionnels de la santé pour nos patients », soutient la Dre Natacha Vincent, qui pratique depuis 22 ans au CLSC de Richmond.

« Je n’ai plus à m’occuper du suivi de mes patients aux prises avec une maladie chronique comme le diabète. Ce sont désormais les infirmières du GMF qui prennent le relais. Pendant ce temps, je peux inscrire davantage de patients », indique-t-elle. L’omnipraticienne affirme avoir pris en charge une bonne centaine de patients par an au cours des deux dernières années.

Ce sont les médecins des cliniques de la région qui ont approché le CLSC de Richmond pour lui proposer la création d’un GMF mixte. « Ils souhaitaient que l’on regroupe nos expertises respectives », précise la Dre Vincent. Ce partenariat, qui rassemble une vingtaine d’omnipraticiens, permet aujourd’hui à la population d’avoir accès à un médecin du lundi au jeudi entre 8 h et 20 h, ainsi que le samedi matin.

Outre l’accès à des infirmières cliniciennes pour des problèmes de santé chronique, pour une première visite de grossesse et pour certains problèmes de santé bénins, le GMF mixte permet un partenariat plus étroit avec les travailleuses sociales. De plus, souligne la Dre Vincent, la population continue de bénéficier des programmes du CLSC, tels que le soutien à domicile, les soins palliatifs, les soins en santé mentale ainsi que le suivi des bébés, dont la vaccination.

Un financement complexe… avec plus d’options

Le financement de la formule du GMF mixte est un peu plus complexe que celui des GMF ordinaires. Mais il a l’avantage d’offrir beaucoup plus d’options. « Cela demeure à mes yeux le meilleur des deux mondes », soutient le Dr Hébert. Dans les GMF non mixtes, tout est géré par le cabinet médical, que ce soit le salaire du personnel, celui des professionnels de la santé, le loyer, les comptes, les taxes, etc. En formule mixte, le cabinet continue de gérer ses propres frais. « Mais toutes les subventions liées au cadre GMF sont versées dans un compte au nom du centre intégré de santé et service sociaux (CISSS) à l’usage exclusif du GMF. Chez nous, bien que ce soit le CISSS de Lanaudière qui gère le compte, le médecin responsable du GMF donne les instructions sur son utilisation. Cela nous a permis d’obtenir des professionnels de la santé et de l’équipement axé sur les besoins de notre clientèle. »

Et le recrutement ?

Les CLSC peinent à l’heure actuelle à recruter de nouveaux médecins. La formule du GMF mixte peut-elle contribuer à renverser la vapeur ? La Dre Natacha Vincent en doute. « Les trois lettres GMF ont actuellement un effet magique sur les jeunes médecins qui les associent à une médecine familiale très polyvalente », indique-t-elle. Depuis deux ans, le CLSC de Windsor, qui fait partie du GMF Val-Saint-François, recherche activement, mais sans succès, un médecin spécialisé en soins à domicile.

Le Dr Hébert, lui, voit la situation autrement. « Ce ne sont pas tous les omnipraticiens qui veulent aller en cabinet et avoir la responsabilité de payer leurs frais de cabinet. » La formule du GMF mixte a, par ailleurs, donné un bon coup de pouce jusqu’ici aux deux CLSC du GMF Saint-Donat. Depuis quatre ans, quatre médecins leur ont proposé leurs services.

L’un de ces omnipraticiens, le Dr Philippe Melanson, estime que les CLSC ont justement tout à gagner à former des GMF mixtes. « Les jeunes médecins ne disent pas non aux soins palliatifs, aux soins en santé mentale et aux autres programmes des CLSC. La plupart ne veulent cependant pas faire que ça. Ma pratique en GMF mixte est beaucoup plus stimulante parce que je peux exercer dans les programmes des CLSC, en plus de travailler à l’urgence et au service de consultation avec rendez-vous. » //