Questions... de bonne entente

Gestion des rendez-vous non respectés

Michel Desrosiers  |  2018-03-02

Monsieur Tremblay n’est pas là ! C’est le troisième rendez-vous de suite auquel il ne se présente pas. Est-ce qu’il a appelé pour annuler au moins ? Non ! Ça ne peut plus durer. Il faut faire quelque chose. Vous reconnaissez le scénario ? Vous aurez donc eu l’occasion de réfléchir à la suite.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

La direction des Affaires professionnelles reçoit souvent des appels concernant les recours possibles du médecin lorsqu’un patient ne respecte pas son rendez-vous sans l’annuler au préalable. Plusieurs se tournent spontanément vers des sanctions financières, sans toujours en comprendre les limites ni envisager d’autres approches. C’est le sujet de notre chronique. Regardons différentes explications et solutions possibles.

Ignorance et insouciance

La cause la plus fréquente est probablement l’ignorance de la part du patient. Pas de l’heure de son rendez-vous, mais bien des répercussions de ne pas le respecter. Nous avons tous des horaires chargés, et il est assez facile d’oublier un rendez-vous chez le médecin, surtout quand il s’ajoute à des imprévus au travail, aux obligations familiales ou à l’entretien de la voiture familiale. D’autres patients, lorsqu’ils constatent qu’ils ne pourront pas respecter leur rendez-vous, ne pensent simplement pas à l’annuler.

Des problèmes administratifs

Il est possible que les rendez-vous que vous propo­sez à une partie de votre clientèle ne lui conviennent pas. Du fait d’un horaire particulier, de l’absence de journées de maladies payées ou de problèmes de transport, ces patients acceptent le rendez-vous, faute de pouvoir faire mieux, en se disant qu’ils tenteront de s’organiser. Lorsqu’ils constatent qu’ils ne peuvent pas se présenter, ils ne vont pas toujours penser à annuler, possiblement pour ne pas avouer qu’ils ont ce genre de problème.

D’autres patients essaient de vous indiquer qu’ils ne pour­ront pas respecter leur rendez-vous, mais ne par­­vien­nent pas à vous joindre facilement. Vous avez bien sûr un service de secrétariat, mais est-ce que vos pa­tients sont capables d’avoir la ligne sans devoir appeler dix fois ? Si l’expérience antérieure des patients est qu’il faut mettre des efforts disproportionnés pour obtenir, modifier ou annuler un rendez-vous, ce ne serait pas surprenant qu’ils ne perdent plus leur temps à le faire.

Ce problème à joindre la réception peut influencer le comportement des patients lorsque vous leur propo­sez un rendez-vous qui ne leur convient pas. Il augmente les risques qu’ils l’acceptent malgré tout, plutôt que de rappeler pour tenter d’en prendre un qui leur convient mieux une fois qu’ils auront pu vérifier leur horaire, se seront arrangés avec leur conjoint ou auront obtenu la permission de leur employeur.

Problème de confiance ou de relation

Certains patients contestent votre approche de traitement. Ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent vous voir aussi souvent pour leur diabète, par exemple. Leur raisonnement est simple. Pour leur voiture ils sont libres de respecter ou non les recommandations d’entretien du manufacturier. Pourquoi il n’en serait pas de même pour leur corps ? Ils prennent les pilules que vous leur prescrivez. Ça devrait suffire.



Des problèmes à joindre la réception peuvent accroître le risque que le patient n’annule pas son rendez-vous en augmentant le nombre de rendez-vous attribués qui ne conviennent pas aux patients et en nuisant aux efforts pour annuler les rendez-vous.

« Patient problème »

Une autre explication plus rare est que le patient souf­fre d’un problème de santé mentale, comme un trouble de personnalité limite. Ce genre de patient n’accepte pas les contraintes ni la responsabilité de ses agissements. Il pourra avoir toute sorte de raisons de ne pas respecter son rendez-vous, dont le fait d’être en état d’arrestation. Comme la situation est liée à la nature de son problème de santé, ce type de patient exige une approche particulière.

Encadré 1

Solutions possibles

Sanction : pénalité en cas d’absence sans annulation

La solution qui vient spontanément à l’esprit, nous l’avons évo­quée, est celle d’imposer une « amende » aux patients, question de les responsabiliser par rapport au respect de leur rendez-vous. C’est possible, mais il y a plusieurs conditions préalables avant d’y avoir recours, conditions fixées par le Collège des médecins du Québec et par la loi en vigueur (encadré 1).

Ces conditions posent des problèmes lorsqu’il faut les appliquer à la pratique d’un médecin. La majorité des médecins ne respectent pas leur horaire. Ils accumulent du retard durant la journée en raison d’imprévus de toutes sortes : rendez-vous plus long que prévu, ajout d’urgences, contraintes administratives, etc. C’est donc dire qu’en l’absence d’un patient, ils en verront un autre et obtiendront une rémunération compensatrice. Ceux qui respectent leur horaire pourront remplir des formulaires en attente ou répondre à d’autres demandes qui souvent vont donner lieu à un paiement provenant d’un patient, d’un assureur ou d’un tiers.



Il est rare que le médecin subisse une perte au sens de la loi qui peut justifier une demande de compensation au patient.

Dans la mesure où vous compensez l’absence d’un patient en en voyant d’autres et que vous réduisez ainsi votre temps d’attente, le fait de tirer moins de revenus de votre journée que ce qui aurait été le cas si l’ensemble des patients s’étaient présentés ne constitue pas une perte aux yeux de la loi. Votre journée aura été moins longue, soit, mais vous n’aurez pas eu à faire du « bénévolat ».

Bref, il est rare qu’un médecin subisse une perte, au sens de la loi, justifiant une demande de compensation au patient. Ce mécanisme n’est pas un moyen de garantir son revenu quotidien ni de punir les récalcitrants.

Cependant, la majorité des médecins n’envisagent pas le recours à de tels moyens pour des raisons économiques. Leur motivation est surtout de maximiser leur disponibilité envers leur clientèle. Le rendez-vous non respecté enlève de la disponibilité pour répondre aux besoins d’autres patients. À part la préoccupation générale des médecins de répondre aux besoins de leur clientèle, dans cette époque de taux d’assiduité et de pressions pour inscrire le plus de patients, le « temps perdu » a des répercussions qui vont bien au-delà de la rémunération.

Le vrai problème est donc de rendre les patients conscients des conséquences de leurs gestes sur d’autres patients et de le réduire le plus possible. Avant de songer à d’autres formes de sanctions, il faut s’assurer d’avoir tenté d’autres moyens.

Les démarches préventives administratives et éducatives

Réduisez les occasions pour les patients de ne pas se présenter à leurs rendez-vous. Vous devrez peut-être offrir des plages de rendez-vous différentes de votre horaire habituel. Vous voudrez aussi faciliter l’accès à une réceptionniste pour la prise de rendez-vous, la modification d’un rendez-vous existant ou l’annulation.

S’il s’agit d’un changement pour vous, faites-le remarquer à vos patients et invitez-les à modifier leur comportement en conséquence. Profitez-en pour leur expliquer pourquoi vous avez apporté ce changement, soit pour maximiser votre disponibilité envers l’ensemble de votre clientèle, et que vous avez besoin de leur collaboration pour y arriver. Un des moyens d’information peut être la production d’un dépliant informatif et de sensibilisation à l’intention de votre clientèle (encadré 2).

Certains médecins iront jusqu’à confirmer les rendez-vous de chaque patient la veille, par téléphone. Certains enverront plutôt un message texte par cellulaire en demandant la confirmation de la réception du message et du rendez-vous. Cependant, ce n’est pas une norme, et peu de médecins semblent aller aussi loin. Certains qui le font constatent tout de même des absences sans annulation. Il ne s’agit donc pas d’une panacée.

Sanction : limiter l’accès aux rendez-vous

Lorsque vous avez réduit au minimum les problèmes administratifs de votre côté et que l’information et la sensibilisation ne fonctionnent pas, il faut penser à autre chose.

D’abord, assurez-vous que vous faites bien affaire avec un récidiviste endurci. En cas d’absences répétées, demandez au patient ce qui mène à ses absences et sensibilisez-le au fait qu’il oblige ainsi d’autres patients à aller au service de consultation sans rendez-vous, faute de pouvoir obtenir un rendez-vous avec vous. Documentez la teneur de la discussion au dossier. Dites-lui que si la situation persiste, vous pourriez, dans un premier temps, ne plus lui accorder de rendez-vous pendant six mois, tout en demeurant disponible au service de consultation sans rendez-vous pour répondre à ses besoins. Une fois cette période passée, après la reprise des rendez-vous, si la situation devait persister, vous pourriez l’aviser qu’il devra dorénavant se contenter de vous consulter au service de consultation sans rendez-vous. Si un tel suivi était néfaste en raison de son état, vous pourriez lui indiquer qu’il devra se trouver un autre médecin.

Dans la majorité des cas, la perspective de « perdre leur médecin » devrait éveiller ces patients à la gravité de la situation et les amener à participer à un suivi plus adéquat et à respecter leurs rendez-vous.

Le cas particulier de la santé mentale

Certains patients posent des problèmes qui vont bien au-delà de ne pas annuler leur rendez-vous lorsqu’ils ne peuvent pas le respecter. Il peut s’agir d’appels d’une durée disproportionnée qui monopolisent votre personnel, de messages répétés laissés sur la boîte vocale de la clinique qui la rendent inaccessible pour d’autres patients ou de propos violents ou de violence envers vous ou votre personnel. Il s’agit d’exceptions liées le plus souvent à certains patients ayant des problèmes de santé mentale. Dans ces rares cas, des sanctions progressives peuvent augmenter leur frustration et mener à une escalade du comportement dérangeant.

Encadré 2

En pareille situation, un moyen utile est de leur faire signer un contrat thérapeutique comme avec les alcooliques et les toxicomanes. Un tel contrat existe toujours implicitement entre un professionnel et sa clientèle. Le patient s’attend à recevoir les services requis, tant sur le plan curatif que préventif, d’avoir accès au médecin, ou à son remplaçant, selon ses besoins et d’être respecté par le personnel. Le médecin a aussi des attentes envers ses patients : être traité sans violence, que le patient lui dise la vérité et collabore à son traitement, soit en suivant les traitements recommandés ou en lui indiquant quand et pourquoi il ne le fera pas, par exemple.



Un moyen d’informer votre clientèle des conséquences de ne pas annuler un rendez-vous est de produire un dépliant d’information et de sensibilisation à son intention.

Les « patients à problème » de ce type n’acceptent pas la responsabilité de leurs gestes ou ne font pas le lien entre vos attentes et les conséquences possibles de ne pas les respecter. Le contrat thérapeutique rend ainsi vos attentes explicites, en les mettant sur papier, et prévoit des conséquences en cas de non-respect. Il ne s’agit pas d’un véritable contrat au sens légal, car le patient n’est pas vraiment libre de le signer. Il s’agit plutôt d’un outil pédagogique pour responsabiliser le patient réfractaire.

Comme pour tout contrat, il doit être signé par les deux parties, qui doivent par la suite l’honorer. Parmi les obligations, vous pouvez prévoir le respect des rendez-vous ou de l’annulation du rendez-vous en cas d’impossibilité de se présenter (à moins d’une situation de force majeure), de ne pas laisser des messages de plus d’une certaine longueur sur votre service de messages vocaux, de ne pas appeler plus qu’à une certaine fréquence par jour ou par semaine, de ne pas proférer de menaces à votre égard ni à l’égard de votre personnel, etc.

Les conséquences d’un non-respect peuvent aller jusqu’à exclure le patient de la pratique du médecin. Toutefois, cette sanction ne devrait pas être appliquée dès la première offense, à moins de situations particulières (violence à votre personnel, par exemple). Tout comme dans les contrats thérapeutiques auprès des clientèles précitées, mis à part certaines dérogations graves, il y a généralement un nombre d’offenses seuil avec une gradation des sanctions.

Vous ne devriez avoir à recourir à une situation aussi extrême que très rarement, mais vous pourriez faire face à une telle situation quelques fois au cours de votre carrière de prise en charge et de suivi. Mieux vaut s’outiller.

Les « changements » de rendez-vous

Certains patients appellent moins de vingt-quatre heures avant leur rendez-vous pour le reporter. De telles demandes vous obligent à annuler un rendez-vous et à en accorder un nouveau. Il s’agit d’une forme de non-respect du rendez-vous. Notez, par ailleurs que vous voulez que les patients vous informent de leurs absences. Par conséquent, imposer des frais, en supposant que c’est possible, pourrait leur donner l’impression qu’ils ne gagnent rien à annuler à moins de vingt-quatre heures d’avis, et vous revenez à la case de départ. Enfin, n’oubliez pas qu’en aucun cas vous ne pouvez réclamer de « frais administratifs » pour donner ou changer un rendez-vous. Ce sont des frais accessoires interdits.

Vous devriez maintenant être mieux outillé pour faire face aux absences sans annulation. Nous discuterons sous peu de la gestion des demandes d’information en provenance d’assureurs. À la prochaine ! //



Il est possible de mettre fin unilatéralement à la relation thérapeutique avec un patient réfractaire, mais vous devriez appliquer une gradation dans les sanctions avant d’en arriver là.