Difficile de ne pas revenir sur la controverse de l’heure au Québec, soit la plus récente entente conclue entre la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) et le gouvernement sur les conditions de travail et de rémunération de nos collègues spécialistes. Si tous ont droit à leur opinion au sujet de la rémunération des médecins et sont tout à fait libres de l’exprimer, force est de reconnaître que nous assistons depuis la mi-février à un regrettable lynchage public de la profession médicale, où la démagogie et les dérapages sont nombreux.
D’abord, réglons une chose : oui, les médecins au Québec gagnent en général très bien leur vie. Une fois notre longue formation terminée, nous sommes des privilégiés sur le plan économique, comme les médecins ailleurs au Canada et en Occident. Toutefois, cela vient, faut-il le rappeler, avec une formation et des responsabilités uniques et difficilement comparables. Notre rémunération, comme médecins de famille, qui est loin d’être hors norme en ce qui nous concerne, nous l’assumons. Et nous sommes fiers d’offrir des services de grande qualité en grande quantité en retour. En étant quotidiennement sur la première ligne de front du système de santé, nous sommes pleinement conscients des responsabilités individuelles et collectives qui sont les nôtres.
Cela dit, est-ce possible, si ce n’est trop demander, de faire la distinction entre les revenus des médecins omnipraticiens et ceux des spécialistes ? Certains journalistes, chroniqueurs et politiciens y arrivent, mais beaucoup s’abstiennent de le faire, ce qui cause inévitablement un préjudice aux médecins omnipraticiens. En effet, on parle de deux mondes en quelque sorte, puisqu’au Québec, selon la méthode de calcul utilisée, il subsiste un écart de rémunération entre les deux groupes de 67 % à 87 % ! De plus, si la rémunération de nos collègues spécialistes a surpassé celle de leurs collègues ontariens, de l’avis de certains analystes, ce n’est nullement le cas de la rémunération des médecins omnipraticiens québécois. Peu importe la source et la méthode de calcul, les médecins de famille ont toujours un revenu moyen de 20 % inférieur à celui de leurs collègues de la province voisine. Il ne nous appartient pas, comme représentant des omnipraticiens, de qualifier la rémunération de nos collègues spécialistes et les ententes négociées par leur fédération. Cependant, nous invitons simplement les commentateurs de toutes sortes et les politiciens à faire les distinctions qui s’imposent.
Dans la même veine, il serait de mise que ces commentateurs et politiciens cessent de prétendre qu’il n’y a pas eu d’amélioration dans l’accès aux soins au cours des dernières années. En ce qui a trait à la première ligne et à l’offre de services des médecins de famille, cette affirmation est rigoureusement et indiscutablement fausse ! Au-delà d’un million de Québécois de plus ont maintenant un médecin de famille, la proportion étant passée de 67 % à 80 % en près de trois ans. Les omnipraticiens se rendent accessibles plus que jamais pour leurs patients, avec un taux d’assiduité avoisinant 84 % ! Si, en plus, on prend en compte la charge de travail unique des médecins de famille québécois en établissement (urgence, obstétrique, soins de courte et de longue durée, etc.), on parle d’un tour de force carrément inédit. Pas besoin de fleurs, mais est-ce trop demander que de vouloir simplement la vérité et la reconnaissance des faits ?
Enfin, deux petits rappels pour ceux qui seraient un peu découragés par la couverture médiatique des dernières semaines. De un, ceux pour qui nous travaillons – les patients – savent généralement faire la part des choses et gardent énormément d’estime pour leur médecin. De deux, dans le cadre du plus récent baromètre des professions de la firme Léger (2016), les médecins de famille bénéficiaient d’un taux de confiance de 94 %, les journalistes de 55 % et les députés et ministres de... 24 % !
Le 21 février 2018
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Le président, Dr Louis Godin |