Éditorial

Désinformation et incompréhension

Louis Godin  |  2018-03-23

La rémunération des médecins au Québec aura, encore une fois, occupé une place prépondérante dans l’actualité au cours des dernières semaines. Cette fois, c’est une étude sur les modes de rémunération des médecins, principalement menée par M. Damien Contandriopoulos, anciennement professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, qui a fait les manchettes.

L’analyse en question, qui s’intéresse à la période couvrant les années 2006 à 2015, reprend essentiellement, comme nous l’appréhendions, et ce, sans les nuances nécessaires, les opinions émises par le chercheur principal au cours des dernières années voulant que les médecins québécois travaillent de moins en moins, que la rémunération à l’acte soit condamnable et que l’accès aux soins ne s’améliore pas. Comment M. Contandriopoulos justifie-t-il ce point de vue ? En se basant presque uniquement sur le nombre d’actes facturés. C’est un non-sens, aux yeux de la Fédération, en raison de la lourdeur des cas rencontrés en 2018, de la valorisation du travail interprofessionnel, des changements récents aux nomenclatures et de la proportion sans cesse grandissante de la rémunération forfaitaire dans le cas des médecins omnipraticiens. Évidemment, dans le contexte actuel, il n’en fallait pas plus pour que les machines médiatiques et politiques s’emballent et que les interprétations souvent douteuses et sans appui factuel soient reprises comme des faits.

Disons que l’étude en question reprend beaucoup les jugements et les préjugés de l’auteur principal. Elle sous-entend, par exemple, que les cas lourds ne sont pas pris en charge. Pourtant, un très faible pourcentage des gens encore inscrits au GAMF sont considérés comme vulnérables, et près de 90 % des Québécois de 50 ans et plus ont un médecin de famille. L’étude dit aussi que l’assiduité a diminué alors que, dans les faits, le taux d’assiduité des médecins de famille n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années, pour atteindre aujourd’hui 84 %. Autre exemple de jugement purement suggestif, l’étude affirme, sans faits à l’appui, que les jeunes médecins ont le bien-être de leurs patients à cœur, mais que les plus expérimentés ou plus âgés sont, eux, plus intéressés par les questions financières ! Ce ne sont là que quelques exemples qui montrent les carences de cette étude sur beaucoup de plans ainsi que les préjugés de ses auteurs, qui souvent ne basent leurs conclusions que sur des anecdotes.

Malheureusement, à l’ère de l’information instantanée, où tout doit être digéré et commenté rapidement, les analyses à courte vue et les « faits alternatifs » ont souvent préséance sur les véritables faits. Et les politiciens jouent le jeu, en reprenant à leur compte de l’information contraire aux faits. Comme cette idée nullement démontrée qu’il y aurait au Québec des patients « non rentables » laissés pour compte pour des raisons financières ou encore cette légende urbaine selon laquelle les médecins de famille toucheraient 60 000 $ pour simplement superviser une infirmière praticienne spécialisée (IPS), alors que ce montant sert plutôt à assurer le coût de la location d’un bureau pour l’IPS en question et à rémunérer un groupe de médecins pour du travail interprofessionnel. La simple vérité étant peu spectaculaire et un peu trop synonyme de gros bon sens, pourquoi s’en embarrasser après tout.

Cela dit, même si on a le droit d’être découragés individuellement devant le traitement médiatique actuel, nous avons toutes les raisons, comme médecins de famille, d’être fiers de notre engagement. Et la désinformation suscitant naturellement l’incompréhension, la Fédération, armée de solides arguments, tant sur les plans de l’amélioration notable de l’accès que sur les conditions de travail de ses membres, entend continuer à se montrer disponible pour les médias et à participer au débat public. Les faits, la rigueur et notre engagement méritent aussi d’être reconnus et entendus. Nous poursuivrons le combat pour que ce soit le cas.

Le 22 mars 2018

 

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Le président, Dr Louis Godin