Nouvelles syndicales et professionnelles

Projet OPUS-AP

moins d’antipsychotiques dans les CHSLD

Nathalie Vallerand  |  2018-03-22

Au Québec, de 40 % à 60 % des résidents de 65 ans et plus hébergés en CHSLD prennent des antipsychotiques. C’est le taux le plus élevé au pays. Et c’est beaucoup trop, selon le Dr Jacques Ricard, directeur principal du projet OPUS-AP (Optimiser les pratiques, les usages, les soins et les services – Antipsychotiques). « Quand un résident atteint de démence est agité ou a des comportements perturbateurs, le réflexe est souvent de lui prescrire des antipsychotiques. Il faut renverser cette tendance, car les effets indésirables de ces médicaments dépassent largement leurs avantages ».

Dr Marcel Arcand

Lancé en septembre dernier dans vingt-quatre CHSLD de la province, ce projet vise à réduire la prise d’antipsychotiques par les aînés qui n’ont pas de maladie psychiatrique pour favoriser plutôt une approche non pharmacologique. Il est financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé (FCASS).

Pourquoi moins d’antipsychotiques ? « Ils sont peu efficaces dans les cas de résistance aux soins, d’errance dans les corridors, de cris, d’agitation ou d’autres comportements difficiles, affirme le Dr Marcel Arcand, expert de contenu pour OPUS-AP et chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement de Sherbrooke. Ils “éteignent” aussi la personne. Mais surtout, ils entraînent d’autres problèmes, comme des chutes. »

Les antipsychotiques sont en effet associés à une augmentation du risque de parkinsonisme, d’accidents vasculaires cérébraux et d’insuffisance cardiaque. Confusion, constipation, vision brouillée, somnolence et gain de poids figurent aussi au nombre des effets notés.

En 2014 et 2015, la FCASS a aidé cinquante-six établissements de soins de longue durée au pays à retirer les antipsychotiques donnés aux résidents qui n’en avaient pas vraiment besoin ou à en réduire la dose chez d’autres. Résultats ? Une diminution de 20 % du nombre de chutes, de 33 % de la violence verbale, de 18 % de la violence physique, de 26 % des comportements socialement inacceptables et de 22 % de la résistance aux soins.

Miser sur le passé de la personne

Mais comment traiter les symptômes de la démence ? « En essayant de comprendre ce qui se cache derrière le comportement dérangeant, répond le Dr Arcand. Le résident a-t-il une douleur qu’il est incapable d’exprimer verbalement ? Un déséquilibre biochimique ? Est-il constipé ? A-t-il de la difficulté à dormir ? S’ennuie-t-il ? » Dans la démarche OPUS-AP, une évaluation médicale et une révision du profil pharmacologique de la personne sont effectuées, de même qu’une évaluation par une infirmière.

Médecins, pharmaciens, infirmières, préposés aux bénéficiaires, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, etc., toute l’équipe du CHSLD travaille en interdisciplinarité. Pour chaque résident chez qui une réduction des antipsychotiques est souhaitable, elle discute des meilleures façons de communiquer avec lui et des activités à lui proposer (musicothérapie, petites tâches manuelles, exercice, etc.). La famille du résident est évidemment consultée dès le début de la démarche et y joue d’ailleurs un rôle central.

« Les gens souffrant de démence ont perdu beaucoup, mais il reste encore des tiroirs dans leur tête, souligne le Dr Ricard. Si on réussit à ouvrir ces tiroirs, on peut trouver de bons souvenirs sur lesquels bâtir les interventions. »

Il donne l’exemple d’une résidente qui faisait de l’errance et était agressive avec autrui. Il suffit maintenant de la ramener doucement à sa chambre et de lui mettre de la musique de Nathalie Choquette pour qu’elle se calme. Dans un autre cas, un résident s’opposait fortement à son bain. Ses proches ont dit au personnel qu’il écrivait de la poésie. Un préposé a alors mémorisé ses poèmes pour les lui réciter lors du bain. Les crises ont cessé.

D’ici mai 2020, presque tous les CHSLD auront entrepris la démarche OPUS-AP. « Ce projet change profondément les pratiques cliniques des omnipraticiens et des équipes soignantes travaillant auprès des personnes atteintes de démence », affirme le Dr Ricard.

Vous êtes médecin en CHSLD ou avez une clientèle de personnes âgées ? Un webinaire sur l’usage approprié des antipsychotiques chez un patient atteint de démence sera offert prochainement sur Caducée, le portail de la formation en ligne de la FMOQ. //