En fin... la facturation

Mode mixte et situations pouvant poser des problèmes

Michel Desrosiers  |  2018-05-02

Le grand chantier des modes mixtes tire à sa fin. Il a fallu fixer des règles pour baliser les liens avec d’autres ententes particulières. Toutefois, certaines situations problématiques persistent. Êtes-vous au courant ?

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ.

La conception des différents modes mixtes ne s’est pas toujours faite de la même façon. Le cadre général est le même : forfaits horaires auxquels s’ajoutent des suppléments d’honoraires et règles uniformes régissant les heures d’application. Cependant, les actes sous-jacents sont parfois facturables autant à l’acte qu’en mode mixte et d’autres fois seulement dans le cadre du mode mixte lui-même. De plus, il existe des formes de rémunération hybrides qui ne font pas partie des secteurs du mode mixte, bien que plusieurs médecins croient qu’ils le sont.

Il a donc fallu baliser l’interaction de ces situations multiples entre elles. Certains problèmes persistent, prenant leur origine dans des différences fondamentales entre les divers modes. Illustrons nos propos.

Gériatrie, soins palliatifs, soins psychiatriques

Interaction avec l’Entente particulière sur le malade hospitalisé

Le médecin qui exerce en gériatrie, en soins palliatifs ou en soins psychiatriques peut être rétribué selon quatre modes différents : l’acte, le tarif horaire, les honoraires fixes et le mode mixte. À l’acte, la rémunération de chaque service peut être 100 % à l’acte ou selon les modalités de l’Entente particulière sur le malade admis (forfait quotidien plus pourcentage des services rendus durant la journée). Certains incluent à tort cette dernière situation dans le mode mixte.

Pour compliquer les choses, certains médecins peuvent avoir choisi d’être rétribués à tarif horaire ou selon le mode mixte dans ces secteurs. Parfois, ils peuvent aussi voir certains patients de ces secteurs dans le cadre d’une tournée générale pour laquelle ils sont payés selon l’Entente particulière sur le malade admis.

Normalement, l’adhésion au tarif horaire pour un secteur d’activité est exclusive. En dehors de la garde en disponibilité, un médecin ne peut donc être rémunéré autrement qu’à tarif horaire pour donner des soins aux patients visés. Et lorsqu’il rend des services dans le cadre de l’Entente particulière pour le malade admis, il ne peut facturer qu’à l’acte.

Lors de la mise en vigueur du mode mixte en soins palliatifs, les parties négociantes ont prévu une règle pour couvrir ce genre de situation (paragraphe 4.06.02 de l’entente parti­culière). L’état de faits décrits semble survenir le plus souvent aux soins palliatifs. Lorsqu’un médecin exerce dans le cadre de l’Entente particulière pour le malade admis, c’est-à-dire qu’il assure une tournée générale pour laquelle il reçoit un forfait quotidien et qu’il rend des services dans une unité où il est normalement rétribué à tarif horaire, à honoraires fixes ou selon le mode mixte, il est alors rémunéré selon l’Entente particulière, nonobstant ces nominations. Le résultat est d’éviter la contradiction décrite précédemment.

Différence entre tarif à l’acte et tarif horaire

Dans la situation décrite précédemment, notez que lorsque ce médecin rendra des services à l’unité des soins palliatifs, il utilisera la tarification de niveau B. À l’acte, la tarification applicable dépend du lieu où se trouve le patient. À tarif horaire, l’adhésion est fonction de la nature de l’activité.

Concrètement, ça veut dire que le médecin qui donne des soins palliatifs à tarif horaire sera payé selon ce mode autant dans l’unité de soins palliatifs que lorsqu’il en sortira pour effectuer des consultations en soins palliatifs sur un étage général ou pour y prodiguer des soins à des patients qui ne sont pas admis à l’unité. Le même médecin qui serait rémunéré à l’acte utiliserait la tarification de niveau B pour les soins à l’unité, y compris à la clinique de consultation externe en soins palliatifs, et la tarification de niveau A pour les services rendus hors de l’unité. Cette différence de « couverture » explique en partie la faible adhésion au mode mixte dans ces secteurs.

En effet, en gériatrie ou en soins palliatifs, le médecin qui a opté pour le mode mixte doit se servir des codes de visite, selon la localisation de sa clientèle. Or, les codes de visite de niveau A ne sont pas visés par le mode mixte dans ces secteurs. Le médecin rétribué selon le mode mixte dans un de ces secteurs doit donc varier sa facturation. Lorsqu’il est dans l’unité de gériatrie ou à sa clinique de consultation externe, il utilisera le mode mixte et réclamera un pourcentage de la rémunération de niveau B pour les services rendus. Lorsqu’il verra des patients à l’extérieur de l’unité, sauf exception, il facturera 100 % du tarif de niveau A pour les services, sans réclamer le forfait horaire.

Lors de la conception du mode mixte dans ces secteurs, nous avons tenté d’éviter ce problème en prévoyant que l’ensemble des services rendus en gériatrie (ou aux soins palliatifs ou en psychiatrie) seraient visés par le mode mixte et par la tarification de niveau B. Il n’a malheureusement pas été possible de convenir d’une telle application. Ce problème persiste donc toujours. On espère pouvoir le régler lors d’une évaluation de l’expérience du mode mixte.

Heureusement, ce problème n’existe pas pour les soins physi­ques en psychiatrie, du moins dans les trois établissements psychia­tri­­ques désignés où le médecin couvre à la fois l’urgence et les ser­vices aux patients hospitalisés. Dans ce cas d’exception, il a été possible de prévoir que l’ensemble des services étaient rémunérés de la même façon dans le mode mixte. La règle est décrite au paragraphe 6 de l’Annexe C-3 de l’Annexe XXIII.

Mode mixte et recours hors du secteur

Certains services « existent » seulement à l’intérieur du mode mixte, bien que, dans d’autres cas, un service comparable existe à l’extérieur du mode mixte. Ce qui peut paraître un simple choix de disposition a des conséquences pratiques sur la facturation.

En CHSLD, la nomenclature du tarif à l’acte, dans le Préambule gé­né­ral du Manuel de facturation, prévoit un tarif pour le médecin qui répond à un appel du personnel du milieu, du moins entre 8 h et 18 h en semaine (code 15622). Un tel appel doit survenir lorsque le médecin n’est pas dans le CHSLD. C’est une condition pour s’en prévaloir. Le médecin ne sera donc pas rémunéré selon le mode mixte lors de son utilisation (s’il est au mode mixte en CHSLD) et le réclamera à l’acte à 100 %.

Le mode mixte du maintien à domicile en CLSC prévoit aussi un tel tarif pour les appels du personnel du programme (code 15910). Toutefois, on ne retrouve pas le code en dehors du mode mixte, ce qui veut dire que le médecin peut seulement s’en servir dans le cadre de ses activités de maintien à domicile en mode mixte, comme un déplacement entre deux visites à domicile. Il ne peut pas l’utiliser à l’extérieur de ce programme, lorsqu’il est en cabinet, par exemple, ou même lorsqu’il est en CLSC à donner des services courants, sans égard à son mode pour ces activités.

Il s’agit d’un accident de conception qui découle du choix de prévoir les services dans le mode mixte même. On espère qu’il sera corrigé au fil du temps.

Espérons que ces informations vous permettent de mieux sai­sir ce que vous pouvez réclamer et d’éclairer vos choix en ce qui a trait à votre mode de rémunération. D’ici le mois prochain, bonne facturation ! //