Dossiers spéciaux

Communiquer en 2018

comment s’organisent la FMOQ et ses associations régionales ?

Claudine Hébert  |  2018-07-30

Les besoins de communication et d’information n’ont jamais été aussi palpables au sein de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Et avec la présente campagne électorale qui culminera le 1er octobre prochain, ces besoins pourraient atteindre de nouveaux sommets.

J-P Dion

Jean-Pierre Dion se souvient très bien de sa première année comme directeur des Communications à la FMOQ. « À mon arrivée, en 2009, nous recevions une ou deux demandes média par mois. C’était presque un événement au bureau lorsqu’une telle demande nous était formulée », souligne-t-il.

En quelques années, tout a basculé. Si l’intérêt médiatique s’est mis à augmenter progressivement à partir de 2010, notamment en raison de la campagne publicitaire Diagnostic et des confrontations épisodiques avec Gaétan Barrette (alors président de la FMSQ) tout au long de 2010, 2011 et 2012, ce n’était tout de même qu’un avant-goût de ce qui allait suivre. Depuis 2015, il ne se passe pas une journée sans que la FMOQ ne soit interpellée par un journaliste ou un recherchiste d’une émission d’affaires publiques à la radio ou à la télévision qui veuille faire le point sur les positions de la Fédération. Et c’est parfois plus d’une dizaine de demandes par jour avec lesquelles doit composer la FMOQ lorsqu’un sujet très délicat fait la « une » d’un quotidien national.

Un tremblement de terre dévastateur

Que s’est-il passé ? D’abord, une élection provinciale en 2014, puis l’arrivée d’un ministre de la Santé et des Services sociaux dont le comportement imprévisible évoque le personnage du roman L’étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde, de l’auteur Robert Louis Stevenson, ajoute M. Dion. « Nous savions que la nomination du Dr Gaétan Barrette à la tête du ministère produirait un tremblement de terre. Nous ne nous attendions pas toutefois à ce qu’il atteigne une magnitude de 10 sur l’échelle de Richter », soutient Jean-Pierre Dion.

La venue de ce politicien hors mesure, qui a voulu instaurer de nouvelles règles et de nouvelles lois, a complètement chamboulé l’univers des communications de la FMOQ et de ses associations affiliées dans la province. « Du coup, l’intérêt des médecins de famille pour l’activité syndicale est passé du simple au double », souligne de son côté Marie Ruel, conseillère aux Communications à la Fédération.

Parallèlement, les attentes en matière de communication ont explosé. D’autres canaux de diffusion, frappés par l’émergence des médias sociaux comme Facebook, YouTube et Twitter, se sont ajoutés. « Qui aurait cru qu’un président américain communiquerait aujourd’hui ses politiques (et ses états d’âme) sur Twitter ? », rappelle aussi le directeur des Communications de la FMOQ.

Par conséquent, le traditionnel bulletin papier de la FMOQ envoyé aux membres tous les trois mois ne suffisait plus. « Déstabilisés par les mesures coercitives présentées par le ministre, les membres de la FMOQ se sont sentis attaqués, et avec raison, ce qui a suscité un soudain besoin de la part des médecins d’être informés instantanément de ce qui se passait. Les membres voulaient savoir quels étaient leurs outils de défense face à de nouveaux projets de loi et à des réformes qui venaient ébranler la façon de pratiquer leur profession. Ils voulaient également être tenus au courant de la position de la FMOQ et de leur association respective par rapport aux attaques constantes du ministre Barrette », raconte M. Dion.

Pour combler ces besoins d’information, la FMOQ a augmenté la fréquence de ses infolettres, qu’elle diffuse désormais toutes les deux semaines. Le site Web a également été revu, et l’utilisation de Facebook et de Twitter a été maximisée. Le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, a aussi multiplié les rencontres régionales pour rassurer les troupes sur place. « Le Dr Godin, soutient Jean-Pierre Dion, s’est toujours tenu debout dans la tempête. Plusieurs membres auraient aimé que la FMOQ réplique au ministre Barrette de la même façon et sur le même ton qu’il a traité les médecins et les différents acteurs du réseau de la santé depuis son arrivée en poste. Mais avec le recul, notre attitude à défendre nos positions d’une manière ferme, mais polie et diplomate, montre que nous avons bien réagi. Non seulement les lois 20 et 130 ne sont pas appliquées, mais la cote du ministre Barrette est au plus bas dans l’opinion publique. »

Quand les associations s’en mêlent

Pour mieux contrer le tsunami Barrette, certaines associations ont décidé d’être proactives. Le tiers d’entre elles se sont ainsi dotées d’un plan de communication et d’une personne responsable, autre qu’un médecin, pour gérer ce volet d’information destiné aux membres. L’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM) a justement fait figure de pionnière à cette fin. « Lorsque j’ai joint l’équipe administrative de l’AMOM, c’était la panique », raconte Catherine Vachon qui occupe le poste de conseillère aux communications à l’AMOM depuis 2015. Bachelière en communication de l’Université Concordia, à Montréal, Catherine est très au fait des préoccupations des médecins de famille, car ses parents sont tous les deux médecins.

Catherine Vachon

L’AMOM, qui compte plus de 1850 membres, était débordée d’appels et de courriels de la part de médecins inquiets qui souhaitaient mieux comprendre les répercussions du projet de loi 20 que voulait mettre en place le ministre Barrette, se souvient la conseillère. « Les messages de la population affluaient également sur les réseaux sociaux », souligne-t-elle.

Une de ses premières actions a donc été de procéder à la refonte du site Web de l’AMOM qui n’avait pas été revu depuis 2011. « Nous avons établi une collaboration avec un fournisseur Web afin de demeurer propriétaire de notre site. Nous voulions ainsi être en mesure d’en ajuster les fonctionnalités selon nos besoins, ce qui nous permet aujourd’hui de réagir beaucoup plus rapidement par l’ajout de nouveaux onglets et d’être plus efficaces dans la divulgation d’informations », fait savoir Mme Vachon.

« L’objectif, ajoute le Dr Michel Vachon, était que nos membres puissent développer le réflexe de consulter notre site Web pour se tenir informé de la situation. Ils devaient donc être en mesure d’y trouver facilement l’information qu’ils cherchaient. Nous avions toujours été réactifs dans nos communications. Il fallait désormais être proactifs. »

En parlant du site Web

Remarquez, trois ans après sa refonte, le site Web de l’AMOM passe de nouveau, ces jours-ci, sous le bistouri. Un entretien qui est d’ailleurs fortement recommandé par les experts en communication interne et externe. « Il n’y a pas de date de péremption comme telle pour un site Web. Une organisation doit néanmoins s’assurer que l’outil réponde aux besoins des utilisateurs pour ne pas susciter de l’insatisfaction », recommande Simon Éthier, directeur stratégie chez Adviso. Cette firme de consultations et de services en performance numérique collabore avec des centaines d’organisations un peu partout au Canada.

Évidemment, dit-il, un site Web doit tenir compte des nouvelles technologies. « Il y a dix ans, à peine 5 % des utilisateurs consultaient un site Web à l’aide d’un appareil autre qu’un ordinateur. Aujourd’hui, c’est plus d’un sur deux. Un phénomène qui ne cesse de s’accentuer depuis cinq ans », explique M. Éthier.

« En fait, indique ce stratège, voyez votre site Web comme la réception de votre clinique médicale. C’est votre image, votre réputation. Il s’agit davantage d’un vecteur de services que de communication. Les utilisateurs qui y accèdent recherchent de l’information. Et cette information doit être facile à trouver et à lire en tout temps. »

Céline Martel

Pourquoi pas une revue de presse ?

Une autre initiative de l’AMOM a été la création d’une revue de presse. Tous les jours (même en vacances), Catherine Vachon demeure à l’affût de l’actualité. Elle recense tous les articles et toutes les entrevues qui concernent le ministre Barrette et la réaction des partis d’opposition, les lois et les ententes qui visent la FMOQ, le secteur de la santé et les médecins du territoire montréalais. Facebook (seulement les groupes publics, précise-t-elle) et Twitter font aussi partie de son survol médiatique quotidien. « Lorsque j’ai commencé cette revue de presse quotidienne il y a deux ans, elle n’était destinée qu’aux membres du conseil d’administration de l’AMOM. Depuis 2017, elle est envoyée à tous les délégués de l’Association aux environs de 18 h », indique-t-elle. Jusqu’à maintenant, ces bulletins quotidiens obtiennent un large succès auprès des délégués. « Il est rare que le document soit ignoré. La plupart des médecins, constate Catherine Vachon, vont le lire le jour même ou le conserver pour la lecture du weekend. »

Le Dr Vachon signale que le bureau de l’AMOM évaluera prochainement la possibilité de rendre cette revue accessible à tous les membres de l’Association dans une section réservée à leur attention. En attendant, dit-il, nos membres peuvent trouver les nouvelles les plus médiatisées sur notre site Web dans la section accessible à tous.

En poste depuis septembre 2017, Céline Martel, relationniste pour l’Association des médecins omnipraticiens d’Yamaska (AMOY), effectue, elle aussi, une revue de presse quotidienne matinale. Les stations de radio et de télévision locales ainsi que les deux principaux quotidiens de la région (La Voix de l’Est et La Tribune), tous ces médias sont passés au peigne fin avant 8 h chaque matin. Ce document est destiné à l’attention du Dr Jacques Bergeron, président de l’AMOY, dit-elle. Les nouvelles pertinentes sont par la suite relayées dans une infolettre aux membres, publiée de quatre à six fois par année.

Selon Chantal Dauray, une spécialiste en communication in­terne qui offre des conférences et des ateliers à plusieurs orga­nisations, la revue de presse constitue une mine d’or que devraient exploiter davantage les milieux professionnels qui disposent d’un fort lien avec le public. « Cette synthèse d’informations donne le pouls des préoccupations des patients et de leurs perceptions de la pratique médicale. Elle peut être grandement utile, particulièrement en période électorale, afin de recadrer une impression, corriger une rumeur et éclairer un patient qui entre dans votre cabinet en disant : “ Il paraît que... ” ou “ On sait bien, vous, les médecins... ”. »

Simon Ste-Marie

Bien se connaître avant de communiquer

Dans d’autres associations où des initiatives en communication ont vu le jour, notamment dans Laurentides-Lanaudière et Laval, des sondages ont été menés auprès des membres pour établir leurs besoins d’information. « Deux groupes de discussions ont d’ailleurs été organisés au printemps dernier afin de mieux comprendre et d’évaluer les attentes des quelque 329 médecins de la région de Laval », souligne Simon Ste-Marie, agent de communication à l’Association des médecins omnipraticiens de Laval. Grâce aux réponses obtenues lors de ces discussions, un sondage sera mené auprès des membres. Des mesures, dit-il, seront prises avec le nouveau président de l’AMOLL dont l’élection est prévue cet automne.

À l’Association des médecins omnipraticiens de Laurentides-Lanaudière (AMOLL), un exercice de révision de la gouvernance s’est ajouté au processus. « La représentation de notre CA était déjà bien diversifiée. Nous nous sommes toutefois rendu compte que les quatorze représentants n’étaient pas suffisamment connus de nos membres, ce qui pouvait entraîner une mauvaise perception de leur part. Nous avons corrigé le tir depuis bientôt deux ans en produisant un bulletin de communication qui présente régulièrement les activités de chacun », souligne le Dr Marc-André Amyot, président de l’AMOLL.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’organisation a, pour sa part, fait l’objet d’une analyse complète. L’image de marque, le logo, la mission de l’organisation, tout est en voie d’être revu par les membres du CA en compagnie de la conseillère en communication embauchée l’hiver dernier. « Après la crise issue des réformes du ministre Barrette, nos médecins étaient paniqués. Ils voulaient être mieux informés », fait savoir le Dr Olivier Gagnon, président de l’Association des médecins omnipraticiens du Saguenay–Lac–Saint-Jean (AMOSL).

Mais il n’était pas question, poursuit le Dr Gagnon, que leur experte en communication se limite à rédiger des infolettres. « Nous voulions une personne qui fasse partie de notre association, une collaboratrice qui s’intègre à nos activités syndicales. Nous voulions travailler avec une personne que les membres reconnaissent. C’est ainsi que notre conseillère, Élisabeth Lévesque, est devenue une partenaire de notre conseil d’administration. C’est une précieuse collaboratrice qui coordonne nos activités, en plus de nous aider à revoir notre site Web et nos modes de communication », expli­que le Dr Gagnon.

« Avant de communiquer quelque informa­tion que ce soit, une organisation doit d’abord savoir qui elle est et à qui elle s’adresse. Quelles sont ses intentions ? Quels sont les messages qu’elle veut communiquer ? Quelle est la pertinence du message ? À quelle fréquence les membres veulent-ils recevoir de l’information », enchaîne Élisabeth Lévesque qui consacre une ou deux journées par semaine à l’AMOSL. En fait, insiste-t-elle, toute organisation doit disposer d’un diagnostic clair et précis de sa structure organisationnelle avant de pouvoir établir un plan de communication efficace. Autrement, l’exercice risque d’être mené en vain et de susciter plus de frustration que de satisfaction. //

Des petits trucs de communication

1. Faites des tests

Qu’il s’agisse de la FMOQ ou des associations, les taux d’ouverture des infolettres dépassent 50 %. C’est très bien, mais ça pourrait être mieux, précisent nos experts en communication. Comment améliorer ce score ? « Soyez attentif aux moments du jour et de la semaine où les infolettres obtiennent le plus de succès. Chez nous, à Laval, l’infolettre obtient près de 10 % plus de clics lorsque les envois sont effectués entre 6 h et 7 h. Nos membres semblent apprécier la lecture matinale du document avant d’entamer leur journée de travail », observe Simon Ste-Marie, conseiller pour l’AMOL. À l’AMOM, Catherine Vachon procède actuellement à des tests de choix de mots afin de vérifier lesquels attirent davantage l’attention entre « Flash AMOM » et « Le message important du Dr Michel Vachon ».

2. Communiquez les nouvelles qui parlent des médecins de chez vous

Outre « Le mot du président », ce sont les nouvelles qui touchent les médecins de la région qui sont les plus lues, signale Céline Martel, relationniste à l’AMOY. « Notre bulletin enregistre un taux moyen d’ouverture de 57,3 %. En outre, nos membres ont apprécié de pouvoir visionner sur YouTube les vidéos de la campagne publicitaire « Prendre soin de vous » de la FMOQ. L’AMOY avait deux membres qui participaient à cette campagne. » Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, un sondage mené auprès des 370 membres a révélé que ces derniers souhaitent avoir davantage de nouvelles de leur conseil d’administration et de leurs délégués syndicaux et veulent également connaître les bons coups des médecins de famille de la région.

3. Répondez aux gens qui publient des messages sur votre page Facebook

Bien que la page Facebook de l’AMOM ne soit pas destinée au grand public, plusieurs citoyens y ont publié des demandes pour obtenir un médecin de famille. « Nous avons répondu personnellement par message privé à chacun », indique Catherine Vachon. L’AMOM, dit-elle, a pris le temps de rediriger ces citoyens vers le guichet d’accès pour la clientèle orpheline (GACO). « Si nous avions ignoré ces messages, nous aurions donné une mauvaise image de l’AMOM. Plusieurs nous ont d’ailleurs remerciés de les avoir aidés », souligne Catherine Vachon.

4. Essayez l’approche vidéo

Parmi les bons coups de l’AMOM, Catherine Vachon n’est pas peu fière de la mise en ligne d’une vidéo sur YouTube expliquant le projet de loi 20 sous tous ses angles. « Créée en collaboration avec l’équipe juridique de la FMOQ, cette vidéo de sept minutes a obtenu plus de 1500 vues. Nous souhaitons éventuellement refaire l’exercice pour présenter des messages du président », dit-elle.

5. Utilisez Google Alert

Si vous n’avez personne pour effectuer vos revues de presse, utilisez Google Alert, propose Céline Martel, relationniste à l’AMOY. Il suffit d’entrer des mots-clés dans l’outil pour recevoir tous les jours du contenu médiatique qui traite de ces sujets. Personnellement, elle utilise les mots Granby, Saint-Hyacinthe, Sherbrooke, FMOQ, Louis Godin, Gaétan Barrette, santé, CIUSSS et médecins de famille. //