Éditorial

Campagne électorale : les vraies solutions svp

Louis Godin  |  2018-08-24

Alors que le Québec entre en campagne électorale, il est indéniable que nous appréhendons, encore une fois, le recours par certains candidats à un discours populiste dénigrant envers l’ensemble de la profession médicale. On parle en effet ici d’un raccourci couramment utilisé depuis quelques années par certains pour tenter de marquer des points dans l’opinion publique ou encore pour masquer leurs échecs passés et l’absence de propositions crédibles pour régler des problèmes bien réels. Pourtant, les véritables solutions sont connues et mériteraient d’être mises de l’avant par les partis politiques.

Quelles sont ces solutions ? D’abord, mettre un terme de manière urgente à la grande campagne de dévalorisation de la médecine familiale qui a cours à l’Assem­blée nationale depuis 2014. L’adoption de lois contraignantes à l’extrême et les discours approximatifs et teintés de préjugés envers les médecins de famille, contredits par les faits, doivent cesser. Plus de 200 postes de résidence en médecine de famille sont demeurés vacants au cours des quatre dernières années au Québec, dont 65 seulement cette année. Dans les autres provinces canadiennes, aucun poste n’est demeuré vacant. Force est donc de constater qu’il en va carrément de l’avenir des soins de première ligne au Québec. Si le pouvoir politique n’avait pas à la fois découragé la relève médicale à choisir la médecine familiale et poussé de nombreux médecins d’expérience à la retraite, la cible de 85 % de prise en charge serait déjà atteinte. C’est une situation qui fait mal, mais qui est difficilement contestable. L’ajout net d’effectifs en médecine familiale est malheureusement très inférieur aux prévisions.

Ensuite, les partis politiques, en plus d’abandonner les mesures coercitives contre-productives, devraient s’engager impérativement à donner suite aux engagements que le gouvernement a pris au printemps 2015 dans l’Entente sur l’accessibilité et que le ministre actuel n’a pas remplis à ce jour. On parle d’une contribution plus grande de nos collègues spécialistes en milieu hospitalier afin de libérer les médecins de famille d’une partie de leurs tâches en établissement, de l’ajout d’autres professionnels (notamment d’infirmières) dans les cliniques médicales, d’un soutien administratif adéquat en établissement et d’un accès simplifié et amélioré aux consultations spécialisées et aux plateaux techniques. Pour tout politicien ayant sincèrement la volonté d’améliorer l’accès aux soins de première ligne, le programme politique à défendre est entièrement là, pas ailleurs.

S’il est vrai que rien ne peut empêcher les politi­ciens de proposer d’autres choses et de présenter ces « au­tres choses » comme des solutions miracles, nous devons émettre d’importantes réserves à titre préventif. D’abord, il y a des limites à prétendre que d’autres profession­nels peuvent faire de la médecine. Chaque professionnel a son champ d’expertise. Et c’est une solution magique encore plus farfelue quand il existe déjà pour les professionnels en question, par exemple les infirmières, une grave pénurie et que ces professionnels sont incapables de répondre aux besoins dans leur domaine ! Ensuite, par rapport à l’enjeu de la rémunération, il est important de rappeler que les médecins de famille québécois, contrairement à leurs collègues spécialistes, ont accès à une rémunération bien inférieure à celle de leurs homologues ontariens (près de 30 % inférieure) et que le tiers de cette rémunération est déjà versé sous forme forfaitaire. Dans ce contexte, promettre une révolution en ciblant la rémunération des médecins de famille relève un peu de la démagogie.

Une fois les véritables solutions identifiées et les mises en garde nécessaires faites, il ne nous reste plus qu’à souhaiter que l’exercice démocratique qui frappe à nos portes fasse en sorte que les moyens appropriés pour améliorer l’accès aux soins de première ligne trouvent écho auprès du plus grand nombre de candidats possible. Après tout, cela servirait tellement mieux le bien commun qu’une nouvelle avalanche de propositions négatives et dénuées de sens.//

Le 16 août 2018

 

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Le président, Dr Louis Godin