Le guichet d’accès à un médecin de famille fait la manchette par les temps qui courent ! Bien que les règlements de la loi 20 pour la médecine de famille ne seront pas appliqués, l’objectif visant à ce que tous les Québécois en attente d’un médecin de famille sur le GAMF soient inscrits n’est lui, pas encore atteint. Depuis la création du guichet en 2011 jusqu’à aujourd’hui, des efforts louables ont été faits dans l’inscription de patients. Il reste toutefois à susciter une mobilisation de tous les médecins pour atteindre l’objectif et décrocher définitivement l’épée de Damoclès suspendue au-dessus du corps médical.
Mme Isabelle Paré est conseillère en politique de santé et chercheuse à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Elle est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en science politique. |
L’entente visant les guichets d’accès à un médecin de famille a connu moult changements depuis sa signature en novembre 2011. Des guichets d’accès manuels pour la clientèle orpheline (GACO) au GAMF électronique, sept ans plus tard, la manière d’aller chercher des patients diffère même si la fin est la même : inscrire les patients. Le tableau illustre l’évolution du nombre de patients inscrits auprès des médecins de famille.
En six ans, les médecins ont inscrit 1 540 124 patients. Ces nouveaux patients inscrits représentent un gain de 32 % d’inscription. Certaines régions ont réussi à inscrire des patients au-delà de la moyenne provinciale. Il s’agit de Montréal (51 %), de l’Outaouais (43 %), de la Côte-Nord (34 %), du Nord-du-Québec (36 %), de Laval (40 %), de Lanaudière (36 %) et des Laurentides (37 %). Sans avoir le monopole de la pénurie d’effectifs médicaux, le CISSS de l’Est-de-l’Île de Montréal affiche des indices de besoin criants en effectifs médicaux (RAMQ – Données transmises à la FMOQ et au CISSS-CIUSSS du Québec), mais a tout de même contribué à ce que le taux de progression des inscriptions régionales fasse un bond important. Il reste du travail à faire pour atteindre le taux d’inscription de 85 %. Sept régions du Québec ont atteint cette cible d’inscription, soit le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Mauricie–Centre-du-Québec, l’Estrie, le Nord-du-Québec, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et Chaudière-Appalaches.
En 2016, les médecins détenteurs d’un PREM n’avaient d’autre option que de s’engager à faire de la prise en charge pendant deux ans comme activité médicale particulière (AMP). Concrètement, il s’agissait d’une AMP de douze heures en prise en charge, soit l’équivalent de 500 patients. En 2017, les AMP ont été assouplies avec la disponibilité des AMP mixtes, associant ainsi la prise en charge aux activités hospitalières. En 2018, retour à la normale qui reflète l’entente, et où la prise en charge n’est plus obligatoire.
Ces contraintes réglementaires, ajoutées à la menace de coupures financières des règlements de la loi 20 sur la médecine de famille en l’absence de 500 patients inscrits, ont incité les médecins à une plus grande participation en première ligne. Différents comportements ont été observés, notamment des changements dans la pratique de médecins d’expérience qui ont ajouté à leur pratique hospitalière jusqu’ici exclusive une pratique de prise en charge en cabinet.
Bien que les AMP exclusives en première ligne aient eu des effets négatifs sur certains secteurs de pratique, notamment en CHSLD et à l’urgence, force est de constater les retombées positives et concrètes en première ligne avec l’augmentation du nombre de patients inscrits.
L’objectif attendu du taux d’inscription provincial est de 85 %. À l’heure actuelle, moins de la moitié des régions ont atteint ce seuil (43 %). Différentes ententes visant à faciliter l’inscription des patients orphelins ont été signées au cours des dernières années. En voici un rapide survol.
La lettre d’entente 321, communément appelée la Grande Inscription, vise la prise en bloc de patients inscrits au GAMF. Pour les nouveaux médecins, le nombre de patients à prendre conformément à la lettre d’entente 321 est actuellement de 850 patients. Ce nombre sera, à compter du 1er septembre 2018, de 1000 patients pondérés (650 en GMF-U). Pour les médecins comptant plus d’un an de pratique, il n’y a pas de nombre minimal de patients à prendre. Ainsi, un médecin souhaitant inscrire trente patients pourra en faire la demande au coordonnateur local du guichet.
L’avantage de la lettre d’entente 321 ? À l’instar de la lettre d’entente 304, tous les patients deviennent inscrits auprès du médecin dès que la RAMQ procède au traitement administratif. Si le transfert permet d’atteindre les 500 patients inscrits, la tarification bonifiée pourra être facturée. Il n’y a pas de délai prescrit pour voir le patient. Sachez toutefois qu’afin de recevoir les forfaits d’inscription et de vulnérabilité, le patient doit être actif. Cela suppose qu’un patient vulnérable doit être vu une fois par année. C’est la date de la première visite de prise en charge qui enclenche le délai pour déclarer un patient actif. Un patient vulnérable devra donc être vu dans les douze mois suivant cette date. Ce délai est de trente-six mois pour un patient non vulnérable. Les forfaits de patients vulnérables sont donc, notamment, comptabilisés à partir de cette date de première visite.
C’est au moment du premier examen ou de la première intervention clinique donnant lieu à la prise en charge du patient transféré lors d’une visite en rendez-vous ou en accès adapté que le médecin peut se prévaloir des suppléments liés à l’inscription du patient.
Les détails liés à la lettre d’entente.
Cette lettre d’entente évite aux patients d’un médecin qui part à la retraite, réoriente sa pratique ou change de région de devenir orphelins. Bien que cette lettre d’entente ne vise pas directement le GAMF, elle permet aux médecins concernés d’éviter que leurs patients ne se retrouvent sur le guichet et ne fassent aussi augmenter le nombre d’orphelins.
Le médecin qui part à la retraite (d’ici deux ou trois ans) à tout intérêt à tenter de trouver un ou des médecins qui accepteront de prendre en charge leurs patients. Les avantages de ce transfert sont nombreux, tant pour le patient que pour le médecin. Pour le patient, le transfert en bloc permet au patient transféré de rester dans la même clinique. Il connaît le milieu et l’organisation de la clinique. Plus important encore, sa chaîne de soins est poursuivie puisqu’un nouveau médecin lui a été désigné.
Pour le médecin, le transfert en bloc de ses patients lui permet de partir la tête en paix ! De fait, à moins d’une entente spécifique avec un collègue qui accepterait d’assurer le suivi des analyses de laboratoire et des différents tests qui continueront à entrer invariablement à la clinique après le départ du médecin, ce dernier demeure responsable du suivi à faire concernant le patient et est aussi responsable des dossiers de ses patients. Voilà donc tout l’intérêt de trouver un médecin de famille pour vos patients !
Pour le médecin qui accepte le transfert, les patients sont inscrits à son nom par la RAMQ. Si le transfert lui permet d’atteindre le seuil des 500 patients, il peut donc facturer la tarification bonifiée sur-le-champ, sans avoir vu les 500 patients puisqu’ils sont déjà inscrits à son nom.
La RAMQ procédera au transfert des patients d’un médecin à l’autre à la date de transfert souhaitée. Les patients recevront une lettre indiquant le nom de leur nouveau médecin. Dans les services en ligne, le médecin constatera l’inscription du bloc de patients à son nom. Il recevra également une lettre de la RAMQ.
En conclusion, l’effort est toujours de rigueur afin que tous les patients en attente d’un médecin de famille en aient un. Et une fois qu’ils en ont un, il faut s’assurer de votre disponibilité à les voir. Il faut aussi veiller à ce que votre personnel de secrétariat ait le nom des nouveaux patients afin qu’il puisse leur donner un rendez-vous lorsque le besoin se fera sentir. Les lettres d’entente 321 et 304 sont des outils précieux pour inscrire les patients orphelins. Utilisez-les ! //