Questions... de bonne entente

Modification de l’approche de la RAMQ lors de visites d’inspection

Michel Desrosiers  |  2018-08-27

Au mois de mai, la RAMQ a informé la Fédération que la plupart des visites d’inspection qu’elle effectuait concernant les frais perçus auprès des personnes assurées étaient dorénavant de nature pénale, et non administrative. Ce changement a des répercussions sur l’ensemble des médecins. Par conséquent, mieux vaut connaître les différences entre les deux types d’inspections et leurs conséquences possibles.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

La RAMQ s’adresse fréquemment à des professionnels pour demander des informations sur une facture ou des copies de facture ou encore pour prendre rendez-vous afin d’effectuer une visite préventive relative aux frais facturés aux personnes assurées. Jusqu’à présent, de telles demandes pouvaient obliger le médecin à rembourser des frais ou à afficher ses tarifs ou à produire des factures ou des reçus conformes. Il n’en découlait toutefois pas de sanctions additionnelles.

Impératifs de l’inspection pénale

Une inspection administrative ne débouche pas sur l’im­position d’une amende au médecin (ou à la clinique), et le processus demeure privé. La RAMQ avait l’im­pres­sion que ces inspections ne dissuadaient pas les contre­venants, perception alimentée par la persistance des problèmes constatés. Et selon la RAMQ, de tels problèmes (facturation de frais pour des médicaments, défaut d’affichage, absence de factures ou de reçus et absence de l’avis sur le recours possible à la RAMQ sur les factures ou reçus) sont notés fréquemment lors des visites d’inspection. Trop fréquemment pour que la RAMQ continue de les tolérer.

La RAMQ compte donc sur deux moyens pour dissuader les médecins de donner dans la non-conformité : les avis publiés dans les médias locaux pour appeler le public à lui transmettre des demandes de remboursement et l’imposition de sanctions pénales (d’amendes) pour dissuader les médecins de commettre une infraction qui ne donne pas lieu à une récupération pécuniaire par la RAMQ. En ce qui a trait à l’appel au public, la RAMQ détient le pouvoir de le faire depuis le 7 décembre 2016. À la suite d’une demande de remboursement ou d’un constat de perception de frais interdits, elle compte en informer la collectivité et encourager les personnes qui auraient payé de tels frais à se manifester.

En ce qui a trait aux amendes, elle disposait déjà du pouvoir de les imposer. Toutefois, les montants ont été majorés en décembre 2016. Pour pouvoir donner une amende, la RAMQ doit respecter certains droits fondamentaux du médecin, en particulier le fait de ne pas l’obliger à s’incriminer. De ce fait, elle doit procéder autrement qu’elle le fait dans le cadre des inspections administratives.



La RAMQ impose plus fréquemment des amendes pour dissuader les médecins de commettre des infractions qui n’ont pas de valeur pécuniaire et elle peut faire un appel public dans les médias locaux pour demander aux patients de lui transmettre des demandes de remboursement liées à une non-conformité constatée dans un milieu spécifique.

D’abord, la RAMQ doit obtenir la preuve de l’infraction sans y contraindre le médecin. Dans une démarche administrative, elle peut exiger la production de plusieurs documents, et le médecin ne peut refuser de les lui fournir. Dans le cas d’un processus pénal, elle peut s’adresser au professionnel tant qu’elle l’informe des conséquences possibles découlant de l’information fournie, de la possibilité pour lui de refuser et du fait que l’information pourrait être utilisée « contre » lui. S’il est bien informé, on peut s’attendre à ce qu’un médecin refuse de fournir l’information demandée. Et s’il le faisait, il pourrait toujours par la suite prétendre que c’était parce qu’il n’avait pas été informé adéquatement par la RAMQ lors de la demande et ainsi contester l’utilisation de la preuve recueillie. Bref, pour éviter de tels problèmes, la RAMQ a choisi de ne pas faire appel au médecin, autrement que lorsqu’elle est munie d’un mandat. Elle cherchera donc plus souvent à recueillir la preuve de façon autonome (par exemple, en prenant des photos de la salle d’attente pour montrer l’absence d’affiche). Elle pourra aussi s’adresser plus souvent à des tiers pour obtenir l’information requise, quoique selon la RAMQ cette pratique soit plus fréquente dans le cadre d’enquêtes que d’inspections.

Les deux approches décrites peuvent donner lieu à des ques­tions de la part des patients ou des tiers contactés par la RAMQ. Ces personnes peuvent s’interroger sur l’intégrité du médecin ayant fait l’objet d’une inspection ou d’une enquête du fait des moyens déployés. Les médecins nous indiquent déjà qu’ils ont l’impression, lors d’inspections administratives, d’être critiqués et qu’on doute de leur honnêteté. La RAMQ nous affirme prendre des mesures pour réduire ces impressions, mais comme nous sommes justement dans le domaine des perceptions, l’inspection pénale ne risque guère d’être vue plus favorablement.

De plus, lorsque la RAMQ s’adressera au médecin directement, comme nous venons de le voir, c’est qu’elle aura un mandat. Même s’il comprend pourquoi la RAMQ agit de la sorte, le médecin pourra se croire sur le banc des accusés.

Le but de tous ces processus n’est pas simplement de documen­ter l’infraction, mais bien de détenir une preuve qui peut être soumise à un juge afin d’imposer une amende. Il va de soi que le médecin aura alors l’occasion de contester les prétentions de la RAMQ.



L’imposition d’une amende peut devenir publique et donner lieu à une couverture dans les médias.

Une fois le processus terminé, si l’infraction est confirmée, le médecin pourra se faire signifier le montant de l’amende. Et la décision rendue entre alors dans le domaine public. Si le jugement fait l’objet de commentaires dans les médias, les patients du médecin pourront poser des questions sur la « condamnation ». Mis à part l’inconfort de devoir échanger à ce sujet avec les patients, cette situation risque d’amener les patients à remettre en question plus activement l’ensemble des frais perçus par le médecin ou la clinique. Il va de soi que la meilleure façon d’éviter de vivre ces situations inconfortables est de respecter les exigences de la RAMQ.

Inspection administrative ou pénale

Lorsque la RAMQ s’adressera à vous, l’inspecteur ne vous précisera pas nécessairement s’il agit dans le cadre d’une inspection administrative ou pénale. Il s’identifiera simplement comme inspecteur. Mais il vous donnera l’information pour comprendre la portée de son inspection ou pourra vous faire signer un document confirmant qu’il vous a donné l’occasion de consulter un avocat avant de lui répondre. Portez-y attention !

S’il s’agit d’une demande écrite de transmission des documents, sans plus de mises en garde, il s’agira généralement d’une inspection administrative. Toutefois, lorsqu’un inspecteur se présente sur place, écoutez attentivement les informations qu’il vous donne sur son mandat. Sans vous lire l’avertissement donné par les policiers dans les séries télévisées (vous avez le droit de ne pas répondre, mais si vous choisissez de le faire, les informations seront notées et pourraient servir contre vous lors d’un procès.), l’inspecteur vous indiquera que les renseignements recueillis pourraient servir contre vous. Si vous n’êtes pas certain, demandez-lui des précisions.

Comme une inspection administrative peut changer de nature et devenir pénale, lorsqu’il y a un changement du personnel qui traite avec vous, demandez-lui le cadre de son ins­pec­tion. Sa réponse pourra être différente de celle des pre­miers intervenants.

Certaines personnes se présenteront comme « enquêteurs ». Tenez alors d’emblée pour acquis que le processus pourra entraîner des sanctions pénales.

Il est malheureux que la RAMQ ait choisi d’utiliser ses inspecteurs à la fois pour des inspections administratives et pénales. Par le passé, la RAMQ effectuait des inspections administratives et des enquêtes (pouvant déboucher sur des sanctions pénales). Le fait de faire participer les inspecteurs au processus pénal découle de la modification des pouvoirs des inspecteurs en décembre 2016. Depuis cette date, les inspecteurs ont les mêmes pouvoirs que les enquêteurs (droit de pénétrer à toute heure raisonnable, droit d’exiger la production de certaines informations, immunité contre les poursuites). Ce dédoublement de rôle exige donc que le médecin porte une attention particulière lorsqu’il fait affaire avec un inspecteur du fait de la confusion possible des rôles.

Espérons que ces informations vous permettront de poser les bonnes questions en cas d’inspection de la RAMQ, d’être conscient des risques que vous courez en ne respectant pas les exigences de la loi ou en vous informant insuffisamment pour vous assurer de respecter ces exigences. À la prochaine ! //