Nouvelles syndicales et professionnelles

Assemblée générale de Montréal

ces patients vulnérables qui n’auront plus de médecin de famille

Emmanuèle Garnier  |  2019-12-20

Montréal compte de nombreux médecins de 60 ans et plus. Leur retraite risque de provoquer une crise, a prévenu le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal à l’assemblée générale de l’organisme, le 22 novembre dernier.

AMOM - assemblée

 

Dr Vachon

À Montréal, ils sont près de 700 médecins de famille à avoir 60 ans et plus et à suivre des patients. Ils représentent 35 % des omnipraticiens de l’île et ont pris en charge 38 % des personnes inscrites dans la métropole. En outre, ils s’occupent de 45 % des patients vulnérables.

Parmi ces cliniciens, le groupe le plus âgé est tout aussi étonnant. « Deux cent trente ont 70 ans et plus. Ils constituent 11 % des omnipraticiens montréalais et, à eux seuls, suivent 12 % des patients inscrits à Montréal (figure) », a expliqué le Dr Michel Vachon, président de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM), aux quelque 85 médecins présents à l’assemblée générale annuelle.

À Montréal, le vieillissement des effectifs médicaux est devenu critique. L’âge moyen des omnipraticiens pratiquant en première ligne est de 57 ans chez les hommes et de 47 ans chez les femmes. Que se passera-t-il lorsque les médecins de famille les plus âgés prendront leur retraite ? La situation sera difficile. « De façon générale, les médecins de 55 ans et plus ont une proportion plus élevée de patients vulnérables dans leur clientèle. L’âge des patients augmente avec celui du médecin », a indiqué le Dr Vachon. Par comparaison, dans le reste de la province, l’âge moyen des médecins inscrivant des patients est de 49 ans.

Un taux d’inscription de 86 %

Même si leur moyenne d’âge est élevée, les médecins de famille montréalais ont continué à inscrire des patients. « Le 1er novembre, ils suivaient 1,6 million de patients. Si tous leurs patients habitaient Montréal, les médecins de la métropole auraient un taux d’inscription de 86 % », a souligné le Dr Vachon.

Le problème, c’est que plus de 20 % des patients inscrits par les omnipraticiens montréalais proviennent de l’extérieur de la ville. Ce qui fait chuter le taux d’inscription de la population métropolitaine. « Cela donne donc un taux de 69 %. »

Mais pour le président de l’AMOM, seul le taux de 86 % compte. « L’année dernière, à la même date, il était de 84 %. La vérité, c’est que les médecins de famille de Montréal travaillent fort. »

Cependant, malgré ces efforts, il reste 138 484 patients dans le guichet d’accès à un médecin de famille de Montréal. Toutefois, 81 % sont classés D et E. Ce sont des gens faciles à prendre en charge, a indiqué à ses membres le Dr Vachon. « Les patients D et E ne veulent pas nécessairement voir un médecin de famille. Ils veulent avoir un endroit où aller s’ils sont malades et être sûrs d’être vus. »

Le président aimerait que la métropole obtienne plus de nouveaux médecins. « Sinon, un très grand nombre de patients, dont les plus âgés et les plus vulnérables, vont bientôt se retrouver sans médecin de famille. Dans plusieurs régions du Québec, mais surtout à Montréal, nous savons depuis des années qu’une vague de retraites nous attend », explique le Dr Vachon. Le président est toutefois conscient que d’autres villes connaissent une pénurie pire que celle de la métropole.

Figure - amom

Les demandes du gouvernement

Depuis un an, les relations entre le gouvernement et les omnipraticiens se sont grandement améliorées. « Il y a maintenant un climat de collaboration et d’écoute, a indiqué le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, aux médecins présents. Mais il ne faut pas penser que ce gouvernement n’a pas aussi des objectifs précis. »

Les demandes du ministère de la Santé ne vont d’ailleurs pas sans difficulté. « Le gouvernement a des attentes, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins alors qu’une pénurie très importante de médecins de famille s’est réinstallée. Il y a un déficit de médecins de famille de probablement 700 à 800 médecins. Et cela pèse très lourd. »

En 2019, le ministère de la Santé souhaitait l’inscription de 175 000 nouveaux patients. « Au cours des neuf premiers mois de l’année, presque 100 000 personnes de plus ont été prises en charge. Il faut donc continuer. » La priorité du gouvernement est, de manière plus particulière, la prise en charge des patients des guichets d’accès à un médecin de famille.

Dr Godin

La capitation d’ici deux ans ?

Le ministère de la Santé et la FMOQ travaillent également ensemble à créer un nouveau mode de rémunération pour les médecins de famille. Un modèle qui comportera une large part de capitation.

« La capitation, c’est un peu comme une entente de services », a expliqué à ses membres le Dr Godin. Le médecin s’engage, en échange d’une certaine somme, à s’occuper de son patient. « Il n’est plus obligé de le rencontrer pour être rémunéré. Cela amène une tout autre façon de travailler. Le médecin peut communiquer avec son patient par téléphone, lui écrire, le faire voir par un autre professionnel. »

La modification sera radicale. « Ce sera probablement la plus importante depuis le début du régime de l’assurance maladie. » Mais comme le nouveau mode comporte de nombreuses inconnues, la Fédération compte demander des garanties au gouvernement. Elle veut s’assurer que ses membres ne courront aucun risque.

Le cadre général du nouveau modèle devrait être établi dans les prochains mois. Toutefois, il ne sera pas proposé au moins avant de 18 à 24 mois. « Tout devra être clairement défini avant que l’on commence », a affirmé le Dr Godin. //