Questions... de bonne entente

Exercez-vous suffisamment de contrôle sur votre facturation ?

Michel Desrosiers  |  2019-12-19

Nous avons traité des moyens de contrôle dont dispose la RAMQ dans le cadre d’enquêtes ou d’inspections pour s’assurer que les médecins sont rémunérés comme le prévoit l’Entente. Mais plus récemment, la RAMQ a récupéré des sommes qu'elle avait versées en trop, sans que le médecin en soit initialement conscient. Examinons donc certaines situations, question de voir comment vous pouvez vous protéger en pareilles circonstances.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ.

La mise en place du nouveau système de facturation SYRA devait faciliter la gestion par la RAMQ de la facturation ainsi que simplifier et accélérer l’entrée en vigueur des modifications convenues. Il est difficile de juger à quel point ces objectifs ont été atteints, mais force est de constater que des erreurs peuvent toujours se produire.

Il n’est pas question ici de jeter bêtement des pierres à la RAMQ. L’Entente devient de plus en plus complexe, autant pour le médecin rémunéré à l’acte en première ligne que pour celui en établissement. En première ligne, c’est surtout à cause de la multiplication de liens avec l’entente particulière sur la prise en charge et le suivi et l’inscription qu’elle prévoit. En établissement, l’interaction entre différents modes et l’ajout de modes mixtes rendent la facturation plus complexe.

Il ne suffit plus de vérifier qu’un code d’acte peut être facturé dans le milieu indiqué par un médecin lors de sa facturation. En plus de tenir compte du lieu, des fréquences permises et des règles de l’Annexe XII, en première ligne en particulier, il faut prendre en considération l’inscription du patient, le nombre de patients inscrits auprès du médecin et parfois le mode mixte auquel le médecin a adhéré.

Les règles pour gérer ces différents éléments produisent un résultat, et c’est dorénavant la RAMQ qui détermine combien le médecin doit recevoir pour chaque service. Comme le médecin n’est pas tenu d’effectuer le calcul des honoraires réclamés, les développeurs de logiciels de facturation ne se donnent plus la peine de le faire. Le médecin ne peut donc plus valider facilement le montant calculé par la RAMQ. Si la RAMQ verse un montant trop élevé, le médecin ne s’en rendra pas compte (à moins d’être particulièrement vigilant).

Lorsque l’erreur est de portée limitée, la correction qu’apportera plus tard la RAMQ ne produira pas une récupération importante. Cependant, lorsque l’erreur touche une grande partie de la facturation du médecin ou qu’elle se répète sur une longue période, c’est différent.



Des erreurs de validation de la RAMQ se produisent plus souvent en raison de la combinaison d’une erreur dans la facturation du médecin et des règles de validation mal choisies par la RAMQ.

Quelles sont les causes des erreurs de calcul

Le point de départ des erreurs de calcul est parfois une mauvaise programmation de la RAMQ, mais il s’agit le plus souvent de la combinaison d’une erreur de facturation et d’un mauvais choix de règles de validation de la part de la RAMQ. Dans certains cas, il s’agit d’un problème lié à l’avis de service de l’établissement associé à un mauvais choix de règle de validation de la RAMQ.

En ce qui a trait aux erreurs de programmation, des médecins en santé publique dans certains milieux urbains se sont déjà vus octroyer une majoration de 5 % à laquelle ils n’avaient pas droit. Le même genre de situation s’est produit à l’égard du taux versé sur la rémunération du chef de DRMG dans certaines régions visées par l’Annexe XII–A. La RAMQ s’est rendu compte de ces erreurs assez rapidement. Par conséquent, la correction, lorsqu’elle a été apportée, était assez modeste.

Parfois, les situations se prolongent sur une plus longue période. Lorsque la RAMQ constate l’erreur de validation, ça peut alors devenir plus douloureux .

Entente particulière du malade hospitalisé

Le médecin qui exerce dans un milieu adhérant à l’entente particulière sur le malade admis en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés réclame un montant forfaitaire par jour, auquel s’additionne la rémunération pour l’ensemble des services offerts durant la journée. Le taux de rémunération de ces services est réduit d’un certain pourcentage du fait que le médecin reçoit un forfait quotidien. Il doit donc inscrire un « élément de contexte » lors de la facturation de chaque service qui indique qu’il est visé par cette entente particulière.



Lorsque la RAMQ a trop payé par erreur, bien qu’elle récupère le trop-payé en entier, elle est accommodante sur l’échéancier de récupération (elle peut accepter d’étaler la récupération de six à douze mois lorsque le montant est important), mais elle perçoit des frais d’intérêt au taux légal.

Lors de la validation de ces services, la RAMQ vérifiera entre autres que le médecin fait l’objet d’un avis de service dans l’établissement adhérant à l’entente particulière en cause. On s’attendrait à ce que la RAMQ refuse de payer le service en l’absence de l’avis requis. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait maintenant, ce qui permet au médecin de prendre connaissance du problème et de le faire corriger. Mais pendant plusieurs mois devant une telle situation, la RAMQ payait plutôt les services à 100 % du tarif.

Lorsque la situation a été corrigée et que les avis de services ont été produits correctement, la révision des services par la RAMQ a entraîné la récupération de près de 40 % des honoraires versés. Comme la période en cause était assez longue (plus d’un an), les montants pouvaient être considérables (selon la fréquence de tournée du médecin).

La RAMQ est accommodante dans de telles situations sur l’échéancier de récupération (elle peut accepter d’étaler la récupération sur de six à douze mois), mais elle perçoit des frais d’intérêt au taux légal (7 % au moment de rédiger).

Dépannage ou Entente particulière du malade hospitalisé

Des médecins dépanneurs font de l’hospitalisation dans plus d’un milieu. Dans certains milieux, les médecins locaux sont rétribués à l’acte à 100 %. D’autres installations adhèrent à l’entente parti­culière sur le malade admis en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés. Le médecin dépanneur qui exerce dans un milieu adhérant à l’entente particulière est obligatoirement rémunéré comme le prévoit l’entente particulière et doit indiquer l’élément de contexte lors de sa facturation. Cependant, dans les milieux qui n’ont pas adhéré à l’entente particulière en raison des règles du dépannage, le médecin dépanneur peut se prévaloir d’un montant forfaitaire quotidien en plus d’un pourcentage des actes. Ces sommes sont les mêmes que dans les milieux adhérant à l’entente particulière. Toutefois, dans ces situations, le médecin doit alors indiquer un élément de contexte différent, soit celui qui fait appel à la règle visant les médecins dépanneurs.

Des médecins dépanneurs ont utilisé toujours le même élément de contexte lors de leur facturation des services en dépannage à l’hospitalisation, notamment dans des milieux adhérant à l’entente particulière sur le malade hospitalisé. Même si l’élément de contexte ne correspondait pas à la désignation du milieu, la RAMQ payait les services à 100 %. Depuis, elle refuse systématiquement de payer lorsqu’il y a une telle discordance, forçant le médecin à prendre conscience de l’erreur et à la corriger.

Dans certains cas, la RAMQ a été en mesure d’utiliser le « bon » élément de contexte à la facturation avant de réviser, ce qui lui a permis de récupérer le montant net au lieu de refuser toute facturation passée non conforme et d’imposer aux médecins de tout refacturer. Selon la fréquence de garde dans de tels milieux, la réclamation pouvait quand même être importante.

Mode mixte

Lors de la facturation selon le mode mixte, comme dans les deux situations précédentes, le médecin doit inscrire un élément de contexte qui indique qu’il adhère au mode mixte dans l’installation en cause et il doit aussi préciser selon quel mode mixte il pratique. En CLSC, il y a plusieurs modes mixtes (soins courants, GMF-U, soins à domicile). Le médecin qui exerce dans plus d’un secteur peut faire des choix distincts dans chacun. Il en va de même en centre hospitalier (gériatrie, soins palliatifs, psychiatrie, oncologie et clinique de la douleur).

Comme dans les autres situations précédemment décrites, au moment de la validation de la facturation si la RAMQ ne retrouvait pas d’avis de service conforme au mode mixte correspondant à l’élément de contexte de la demande de paiement, elle versait tout de même 100 % du tarif. Lors de la révision, dans la mesure où le médecin avait adhéré à un seul mode mixte au sein de l’installation, elle pouvait d’abord corriger l’élément de contexte en le remplaçant par le « bon » dans l’ensemble de la facturation déficiente et ainsi récupérer uniquement l’excédent.

Dans d’autres cas, lorsque le médecin adhérait à plus d’un mode mixte, la RAMQ ne pouvait pas déterminer quel élément de contexte aurait dû être inscrit et a donc refusé toute la facturation des services, forçant le médecin à modifier les factures pour y indiquer individuellement le « bon » élément de contexte.

Les médecins à honoraires fixes qui ont adhéré au mode mixte sont probablement les plus durement touchés, car le pourcentage sur les services au mode mixte est le plus faible dans ce contexte (de 19,4 % à jusqu’à près de 40 % selon la nature des services et du secteur), entraînant une récupération importante.

L’autre problème particulier du mode mixte est que les mé­de­cins disposaient de vingt-quatre mois pour décider irré­vocablement de conserver ce mode dans l’installation en cause. Le médecin qui a basé son évaluation sur un revenu faussement majoré peut le regretter amèrement lorsqu’il prend connaissance du taux réel de rémunération. Pour cette raison, la Fédération et le ministère ont convenu de prévoir une fenêtre additionnelle et exceptionnelle pour que les médecins touchés puissent modifier leur choix et revenir au tarif horaire ou aux honoraires fixes simples s’ils le souhaitent. Reste à convenir de la période pendant laquelle les médecins pourront ainsi modifier leur choix et de la date limite pour le faire. L’idée est de limiter l’effet à long terme d’être resté au mode mixte plus de vingt-quatre mois sur la base d’une mauvaise rétroaction. Elle ne dédommage toutefois pas le médecin pour les répercussions que ses choix ont eues sur sa rémunération pendant la période qui fait l’objet d’une révision. Si plusieurs médecins estiment qu’ils auraient été mieux servis s’ils étaient restés à tarif horaire ou à honoraires fixes simples, ils devraient le signaler à la Fédération afin de voir si un aménagement peut être négocié avec le ministère.



Dans le cas des erreurs de validation de la facturation au mode mixte, la Fédération et le ministère ont convenu de prévoir une fenêtre additionnelle et exceptionnelle pour permettre aux médecins touchés de modifier leur choix et de revenir au tarif horaire ou aux honoraires fixes simples, s’ils le souhaitent.

Conclusions

Les situations décrites sont exceptionnelles, et la RAMQ a appris de ses erreurs en optant dorénavant pour des règles menant au refus lorsqu’il y a incohérence entre l’information figurant à l’élément de contexte et les données détenues par la RAMQ. C’est frustrant de se faire refuser le paiement de certains services, mais ça évite qu’une erreur fasse boule de neige et que le médecin subisse une récupération particulièrement douloureuse.

Il peut donc être prudent, pour chaque milieu où vous exercez, de faire des vérifications ponctuelles afin être certains que les montants versés correspondent à ceux que vous attendiez. Encore mieux, si votre logiciel de facturation produit une estimation du montant que vous devriez recevoir par demande de paiement, comparez-la à la somme qui vous est remise ou demandez à votre agence de le faire, puis cherchez à savoir pourquoi il y a un écart. Vous pourrez alors débusquer les erreurs lorsqu’elles surviennent.

À défaut de prendre ces précautions, assurez-vous d’avoir une certaine marge financière pour faire face aux imprévus. Si vous n'avez pas prévu un tel coussin, l’autre moyen qui vous restera est d’accroître votre charge de travail temporairement pour augmenter vos entrées. La prochaine chronique traitera de l’intervention préventive de la RAMQ. À la prochaine ! //

Encadré - à qui la faute