En fin... la facturation

Évitons les problèmes de facturation durant la pandémie

Michel Desrosiers  |  2020-10-02

La pandémie a été l’occasion de brasser les façons d’offrir des services et les moyens de rémunérer certaines activités. Plusieurs médecins ont subitement dû exercer dans des milieux qui leur étaient étrangers ou se prévaloir de modalités spécifiques à la COVID-19 qui étaient cause de confusion par rapport aux modalités habituelles préCOVID. Certains ont eu recours à un mode qui leur était inhabituel, parfois sans pleinement en comprendre les règles. Et enfin, à travers tout ça, la RAMQ a « perfectionné » ses règles de contrôle. Une recette pour produire des surprises en tout genre. Revoyons certains des éléments qui peuvent avoir donné lieu à des problèmes.

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Vous avez dû modifier votre pratique du­rant la pandémie ou utiliser certaines modalités de la lettre d’entente 269 ? Il y a fort à parier que la transition ne s’est pas faite sans heurts. Certaines adaptations de la nomenclature dans les différents milieux ont été appliquées rapidement. Toutefois, des retards sont survenus par la suite, dans la désignation des milieux et dans l’attribution des gardes en disponibilité, sans compter que les règles ont évolué dans le temps.

Plusieurs ont retenu leur facturation ou encore l’ont transmise selon les règles habituelles et ont dû l’annuler par la suite et refacturer selon les modalités applicables. Il s’agit de difficultés inhérentes à un processus de négociation et d’adaptation rapide. Toutes les parties prenantes ont tenté d’agir rapidement, à l’intérieur des contraintes qui étaient les leurs.


Le forfait horaire de la lettre d’entente 269 se facture à l’acte, et non à tarif horaire.

Mais ce sont les modalités d’application qui ont sorti les médecins de leurs habitudes et qui ont provoqué une certaine confusion. Revoyons-en certaines afin de voir si vous vous y reconnaissez.

Modalités de la lettre d’entente 269 en milieu désigné

Forfait horaire ou rémunération à tarif horaire ou à honoraires fixes

La lettre d’entente 269 visait au départ l’équivalent des cliniques de grippe, soit des centres de dépistage ou d’évaluation. Les médecins appelés à y exercer pouvant provenir de différents milieux, il a été prévu qu’ils pourraient conserver leur rémunération à tarif horaire et à honoraires fixes. Plusieurs médecins ont compris que leur tarif horaire serait rehaussé pour donner un montant comparable au forfait horaire payable selon le mode de l’acte. Il n’en est rien. Pour avoir droit au forfait horaire de la lettre d’entente 269, le médecin rémunéré à tarif horaire ou à honoraires fixes doit plutôt réclamer le forfait horaire selon le mode à l’acte. Il doit se tourner vers l’outil FacturActe de la RAMQ ou faire affaire avec une agence de facturation.

Le médecin à honoraires fixes doit aussi transmettre sa facturation à l’acte s’il veut se prévaloir du forfait horaire de la lettre d’entente. Il doit en outre transmettre une feuille de temps d’honoraires fixes pour ses activités régulières (non visées par la lettre d’entente), en plus d’inclure ses activités en milieu désigné en ayant recours à un code de congé spécifique (code de congé 61). Il réduit alors au minimum les répercussions sur le calcul de ses avantages sociaux pour l’année subséquente. En raison du code de congé, les semaines en question, dont le nombre d’heures rémunérées à honoraires fixes est sans doute plus faible que d’habitude, seront exclues de l’échantillon servant à évaluer la charge de travail moyenne du médecin.

Reste la question de la cotisation au RREGOP, qui est fonction de la rémunération annuelle du médecin à honoraires fixes. Le médecin s’étant prévalu du forfait horaire a probablement réclamé moins d’heures à honoraires fixes que ses 35 ou 40 heures habituelles. Il cotisera donc moins au RREGOP, ce qui pourrait lui nuire pour l’éventuel calcul de sa rente. Toutefois, le salarié est tenu de cotiser pour jusqu’à 20 % des heures « manquantes » par rapport à sa nomination. Il devra donc payer les cotisations manquantes qui seront prises en compte dans ses cotisations au RREGOP, limitant ou éliminant les répercussions du fait de se prévaloir de la rémunération à forfait horaire, à moins d’avoir de très importantes activités dans des milieux désignés.

Rémunération des activités de coordination liées à la COVID-19

Tableau

Sauf certains médecins qui peuvent avoir droit à une rémunération forfaitaire pour leurs activités de coordination, la majorité des médecins ont accès au tarif horaire pour ces activités. Comme il s’agit d’un tarif horaire, les heures réclamées doivent correspondre à des activités réelles qui doivent être approuvées par le DSP ou le chef du DRMG. Lorsque les médecins se servent de l’application informatique de la RAMQ pour effectuer leur facturation, la signature électronique du contresignataire doit être apposée avant la transmission de la facturation à la RAMQ afin de garantir que le DSP ou le chef du DRMG approuve effectivement la facturation. Si ce dernier croit que la facturation ne correspond pas à ce qui a été demandé du médecin, il pourra exiger des modifications avant d’approuver la demande.


Le médecin à honoraires fixes qui réclame le forfait horaire à l’acte au lieu de ses honoraires fixes n’est pas pénalisé quant à ses avantages sociaux ni à sa cotisation au RREGOP, à moins d’avoir de très importantes activités rémunérées selon le forfait horaire.

Or, il est aussi possible de transmettre la facturation à tarif horaire à l’aide d’un logiciel de facturation. Plusieurs agences offrent ce service. Le logiciel permet la transmission de la facturation sans contreseing. Toutefois, le médecin est tenu de faire contresigner sa demande de paiement par le DSP ou le chef du DRMG et d’en conserver une copie, sans quoi la RAMQ pourra récupérer la totalité des honoraires y figurant. Les médecins doivent être conscients que la RAMQ effectue des vérifications à cet égard. C’est donc une précaution élémentaire d’obtenir le contreseing requis. Si ça donne lieu à des divergences d’opinion entre le médecin et le contresignataire, il est préférable de régler la question au fur et à mesure et, dans le pire des cas, d’être rémunéré pour quelques heures de moins que de courir le risque de se voir refuser la totalité des sommes facturées.

Garde en disponibilité

Processus d’attribution et demande obligatoire au comité paritaire

La rémunération de la garde en disponibilité a donné lieu à bien des échanges. Les retards de désignation ont pu en amener certains à croire qu’il suffisait d’attendre que leur milieu soit désigné selon les modalités de la lettre d’entente 269. Cette perception a pu découler de l’infolettre 75 du 21 mai 2020. Certains ont ainsi cru que l’établissement n’avait qu’à transmettre la liste des médecins visés pour qu’une garde COVID soit payable. Dans les faits, le comité paritaire responsable des gardes en disponibilité doit octroyer chaque garde, puis en informer la RAMQ qui en assure la rémunération. Le comité paritaire doit donc recevoir une demande de l’établissement pour chaque garde COVID, indiquant le milieu visé, la date de début de la garde, de même que le nombre de groupes de médecins qui assurent des gardes distinctes pour l’unité ou le secteur COVID en cause. Le volume de patients sous la responsabilité de chaque groupe peut être une information utile. Les demandes peuvent être transmises à mdesrosiers@fmoq.org.

Nature de la rémunération lors des gardes

Une rémunération pour la garde en disponibilité existe de longue date. Elle couvre les mêmes périodes (de 20 h à 8 h en semaine et toute la journée la fin de semaine et les jours fériés), mais elle prend différentes formes selon les milieux. En milieu hospitalier, on parle normalement d’un nombre hebdomadaire de forfaits pour l’ensemble des activités qui varie selon le nombre de lits pour lesquels la garde est assurée. Cette formule facilite le partage entre le nombre variable de médecins qui assurent la garde. En CLSC ou en CHSLD, les forfaits sont quotidiens et visent une garde spécifique. La rémunération entre chaque garde est modulée selon le montant du forfait : réduit, régulier ou majoré.

La forme de garde accordée pour les unités COVID est celle qui s’applique en CHSLD, ce qui peut surtout créer de la confusion chez les médecins qui exercent en milieu hospitalier. C’est donc dire que la facturation de la garde COVID se fait obligatoirement avec ces codes, sans égard à la nature du milieu. Informé de l’organisation de la garde dans chaque milieu, le comité paritaire octroie les forfaits de garde de manière à faciliter le partage (deux forfaits réduits au lieu d’un forfait régulier lorsque deux groupes assurent une garde qui justifie un forfait régulier, par exemple). Voyez le tableau ci-joint qui rappelle les codes facturables et leurs valeurs respectives. N’oubliez pas que vous devez ajouter l’élément de contexte « Service rendu à distance dans le cadre de la COVID-19 » et que l’établissement doit avoir transmis à la RAMQ la liste des noms et numéros des médecins qui assurent chaque garde.

L’Annexe II à la lettre d’entente 269 in­dique la nature du forfait accordé par milieu et les dates de début et de fin. L’annexe est mise à jour en continu sur le site de la RAMQ. Notez que les forfaits existants dans ces milieux, sans lien avec la COVID, n’ont pas été ajustés et se facturent selon les modalités habituelles.

Garde en disponibilité pour l’intubation des patients COVID

Certains milieux ont demandé une rémunération pour le médecin qui devait être présent pour intuber les patients atteints de la COVID, autant à l’urgence qu’à l’étage ou à l’unité des soins intensifs. Un des buts de la présence de ce médecin est de protéger le faible nombre d’anesthésistes du milieu du risque d’exposition à une activité qui produit beaucoup d’aérosols contagieux. L’autre est d’avoir un médecin en réserve qui peut consacrer de 60 à 90 minutes à l’ensemble des précautions recommandées pour réduire le plus possible le risque de contagion lors de l’intubation d’un patient atteint de la COVID.

Comme pour les autres gardes, le milieu doit faire une demande au comité paritaire pour être désigné. Certains milieux d’urgence y ont vu un moyen de rémunérer un médecin en réserve pour effectuer à la fois l’intubation et les transferts interétablissements et donner un coup de main à l’urgence en cas de débordement. Il ne s’agit pas d’un outil opportun pour combler un tel besoin, car le médecin qui assure cette garde ne peut être rémunéré que pour les intubations. Lorsqu’une garde plus large est requise, le moyen approprié est de demander une garde en disponibilité pour l’urgence et, exceptionnellement, le médecin pourra alors être rémunéré pour toute la journée, même les jours de semaine. La rémunération de toute activité est permise durant la période visée par la garde.


L’établissement ou le DRMG doit transmettre une demande au comité paritaire pour faire désigner un milieu pour la garde et indiquer la date de début de la garde, de même que le nombre de groupes de médecins qui assurent des gardes distinctes pour l’unité ou le secteur COVID en cause.

Visites à domicile

Des modalités spécifiques ont été convenues pour les médecins qui exercent au sein du programme de soutien à domicile d’un CLSC. Néanmoins, plusieurs médecins effectuent des visites à domicile en dehors de ce cadre. Il faut être conscient des exigences de la RAMQ pour la facturation des visites à domicile auprès d’un patient en perte importante d’autonomie.

Un maximum de trois visites de ce type est permis sous le même toit. On parle d’un toit physique, et non d’un appartement autonome. Comme cette réalité peut différer de celle pour l’attribution de l’adresse, la RAMQ exige des médecins, depuis le 12 février dernier, qu’ils indiquent un élément de contexte spécifique lorsqu’ils effectuent des visites à domicile dans plus d’un domicile le même jour. Dans le premier domicile, le médecin utilise le code 15783 ou 15781 pour le premier patient (selon qu’il est vulnérable ou non) et les codes 15784 ou 15782 pour les deuxième et troisième patients, selon qu’ils sont ou non vulnérables. S’il réclame ces codes au-delà de ce nombre le même jour (donc lors d’un déplacement subséquent ou dans un autre domicile), il utilisera les mêmes codes (en distinguant le premier patient des deux subséquents) et ajoutera l’élément de contexte « Visite rendue au domicile du patient ».

En l’absence de l’élément de contexte, la facturation des codes 15783 ou 15781 subséquents sera refusée, tout comme celle des codes pour les patients additionnels avec l’indication que vous dépassez le nombre autorisé. Si vous avez subi des refus pour une facturation antérieure, ajoutez simplement l’élément de contexte, et la RAMQ révisera son refus.

Espérons que ces informations vous aideront à vous y retrouver et à éviter des déceptions ou des refus de votre facturation. D’ici là, bonne facturation ! //