Les Drs Daoust et Tran, nouvellement élus au conseil d’administration de leur association de médecins omnipraticiens, assistent à leur première réunion. L’ordre du jour comporte notamment une mise à jour des négociations entre la Fédération et le ministère de la Santé. Il y sera question du suivi des lettres d’entente, des ententes particulières et des protocoles d’accord ayant été modifiés à la suite de la conclusion des plus récentes modifications à l’entente générale des médecins omnipraticiens.
Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Les deux nouvelles recrues se regardent, un peu décontenancées. Quel est ce vocabulaire médicojuridique ? Quelle est la portée de chacun de ces documents ? Quelle différence y a-t-il entre un protocole d’accord et une lettre d’entente ?
Pas toujours simple de s’y retrouver dans le monde bien particulier des ententes que concluent la Fédération et le ministre de la Santé et des Services sociaux d’année en année sur les conditions de pratique des médecins omnipraticiens.
Organisme représentatif de tous les médecins de famille pour la négociation de leurs conditions d’exercice à l’intérieur du réseau public de santé, la FMOQ est appelée, de façon permanente, à négocier une foule de textes conventionnels. Tous ces textes, il y en a des centaines, ont chacun une finalité bien précise et doivent être identifiés de la bonne manière par les parties négociantes.
Pour les lecteurs qui seraient moins familiers avec la façon dont on nomme les documents négociés à la FMOQ, voici un petit lexique, ou glossaire, des principaux termes utilisés pour désigner les textes que négocie la Fédération dans le cadre du régime public.
L’entente générale, communément appelée « l’Entente », est le document d’origine relatif à la participation des médecins omnipraticiens aux régimes publics d’assurance maladie et d’assurance hospitalisation. Le document de base est celui sur lequel, avec le temps, se sont bâtis tous les autres textes conventionnels.
Négociée au milieu des années 1970 et conclue entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et la FMOQ, l’entente générale a depuis été modifiée et renouvelée à de multiples reprises.
On la désigne communément par « l’Entente ». Elle comporte des annexes. À titre d’exemple, mentionnons simplement que les tarifs des actes médicaux sont tous regroupés dans l’annexe V.
Accord-cadre : Un accord-cadre est une entente que négocient la FMOQ et le ministre de la Santé à intervalles de plusieurs années. Il a essentiellement pour objectif de renouveler l’entente générale pour une longue période de temps.
Ce type d’entente détermine les grands paramètres et les principales orientations sur lesquels la FMOQ et le ministre se sont entendus à la table de négociation. Paramètres et orientations qu’ils comptent appliquer dans l’avenir. Par exemple, le plus récent accord-cadre relatif au renouvellement de l’entente générale couvre la période de 2015 à 2023. Il détermine le cadre financier propre à la rémunération des médecins omnipraticiens pendant cette période, tout en précisant les objectifs et les secteurs d’activités prioritaires retenus pour l’affectation des sommes d’argent.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, un accord-cadre vient donc établir de grands principes. Il n’en détermine cependant pas les modalités spécifiques qui, elles, feront l’objet de séances de négociations ultérieures dans des comités techniques composés de représentants de la Fédération et du ministère. Par exemple, si l’accord-cadre prévoit qu’une certaine somme d’argent doit être réservée pour revoir les modalités de rémunération en CHSLD, un comité technique sera dès lors chargé de circonscrire le tout plus finement.
Amendement : L’amendement est un document conventionnel distinct de l’accord-cadre. Il n’a pas la même portée. Un amendement est plus spécifiquement destiné à cristalliser certaines modifications que la FMOQ et le ministre de la Santé veulent apporter en cours de route à divers documents conventionnels. Ainsi, un amendement peut modifier l’entente générale, l’une de ses annexes, une entente particulière, une lettre d’entente ou un protocole d’accord. Un amendement est donc un document qui vient énumérer une série de correctifs que les parties désirent apporter à différents textes d’entente.
Entente particulière : Une entente particulière est un autre document issu du processus de négociation. Une telle entente est négociée entre le ministre et la Fédération pour établir, justement de façon dite particulière, les conditions d’exercice et de rémunération des médecins dans différents milieux de soins ou pour déterminer certaines règles encadrant la pratique en général.
Il existe une cinquantaine d’ententes particulières. Par exemple, les conditions de rémunération des médecins exerçant en GMF, aux soins intensifs ou en santé publique sont toutes déterminées dans des ententes particulières spécifiques à ces milieux. Il en va de même des règles propres à la prise en charge et au suivi de la clientèle, à l’obtention d’un avis de conformité au PREM ou à l’adhésion d’un médecin aux AMP. Les modalités applicables à ces réalités de la pratique de la médecine au Québec sont toutes régies par des ententes particulières.
La liste complète des ententes particulières est accessible sur le site Internet de la RAMQ dans la section réservée aux médecins omnipraticiens.
Lettre d’entente : Il existe une foule de lettres d’entente. Les lettres d’entente portent sur divers sujets très singuliers. Elles sont variées et n’ont pas nécessairement pour but d’encadrer une activité médicale.
Elles peuvent, par exemple, concerner le suivi qu’il y a lieu d’apporter au financement de certaines activités. Selon le contexte, elles peuvent aussi servir à déterminer certaines modalités particulières de rémunération, généralement dans un contexte moins englobant que ne le fait une entente particulière. Ainsi, pour illustrer ce propos, la lettre d’entente no 302 encadre-t-elle les modalités particulières de rémunération des médecins qui participent à des séances antigrippales de masse. Dans ce dernier cas, en effet, il n’est pas nécessaire d’utiliser un cadre de plus grande envergure comme celui d’une entente particulière pour circonscrire l’activité. Une lettre d’entente suffit.
Les lettres d’entente servent également aux parties lorsqu’elles désirent convenir à l’avance de certaines mesures ou de l’obligation qu’elles auraient d’entamer des négociations sur divers sujets.
Protocole d’accord : Les protocoles d’accord sont, principalement, des ententes que conclut la FMOQ afin de déterminer les conditions de rémunération des médecins pour des activités médicoadministratives auprès de certains organismes.
Par exemple, il existe des protocoles d’accord portant sur la participation de médecins à des tâches médicoadministratives liées à des activités effectuées au profit d’organismes nationaux comme l’INESSS ou un DRMG.
Accord : Un simple accord intervient habituellement entre la FMOQ et le ministre pour régler, de façon singulière, parfois même individuelle, toute situation d’exception liée à l’application de l’Entente. Le mécanisme de l’accord pourra par exemple être employé pour rémunérer un médecin dans un cadre si particulier qu’il pourrait être le seul à s’en prévaloir.
Le but de cette chronique n’est certainement pas de faire de chaque lecteur un spécialiste des documents que négocie la Fédération pour ses membres. L’objectif est plutôt de lever le mystère, de façon très sommaire, sur un certain langage, celui de la table de négociation.
De leur côté, les Drs Daoust et Tran se sentent mieux outillés qu’au départ. Avec le temps, souhaitons que les quelques explications précédentes puissent leur permettre de toujours mieux saisir la nature des documents dont leur parle leur président lors des séances de leur conseil d’administration. //