Dossiers spéciaux

Affection liée à la cigarette électronique

Diagnostic, traitement et suivi

Emmanuèle Garnier  |  2020-03-04

Nouveau phénomène, la pneumopathie associée au vapotage, appelée en anglais EVALI (e-cigarette, or vaping, product use-associated lung injury), est difficile à détecter. Aucun test ou marqueur ne permet de la diagnostiquer.

« Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion, explique le Dr André Gervais, pneumologue et médecin-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal. Les patients peuvent sembler avoir une pneumonie, une légionellose ou une infection virale comme la grippe. Dans beaucoup de cas, la maladie nécessite une hospitalisation aux soins intensifs et même de la ventilation. Et parfois, elle cause la mort. »

Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), aux États-Unis, 95 % des patients atteints présentent des symptômes respiratoires1. « Ils vont avoir de la toux, un essoufflement ou une douleur thoracique. Et presque 80 % ont également de symptômes digestifs, comme des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements ou de la diarrhée », indique le Dr Stéphane Perron, médecin-conseil à Institut national de santé publique du Québec et responsable de l’enquête épidémiologique sur la pneumopathie associée au vapotage au Québec. En outre, des symptômes généraux comme de la fièvre, des frissons et une perte de poids sont présents chez 85 % des patients.

Devant un tel tableau, une évaluation méthodique est nécessaire (encadré). La pneumopathie associée au vapotage doit ainsi être l’une des possibilités à considérer.

Évaluation clinique

Durant l’anamnèse, une question est cruciale. « Il faut savoir si le patient vapote. On doit lui poser la question, un peu comme on devrait toujours lui demander s’il fume », affirme le Dr Gervais.

Il faut par ailleurs interroger le malade de manière détaillée. « On doit d’emblée éliminer tout problème lié au travail, comme la pneumopathie chimique que l’on peut trouver chez les soudeurs, mentionne le Dr Perron. Il faut également vérifier les médicaments pris. L’amiodarone, par exemple, peut donner une pneumopathie qui ressemble à celle qui est associée au vapotage. On doit aussi poser des questions au sujet des problèmes rhumatologiques ou cardiaques, parce que certains peuvent causer des symptômes similaires. »

L’examen physique doit ensuite comprendre la prise des signes vitaux et de la saturation en oxygène. Selon les données des CDC, 55 % des patients atteints de l’affection liée au vapotage présentent une tachycardie, 45 %, une tachypnée et 57 %, une saturation inférieure à 95 %1.

« Les signes à l’auscultation des poumons ne sont souvent pas très impressionnants, précise le Dr Perron. C’est plutôt par l’imagerie médicale que l’on peut voir s’il y a des atteintes causées par le vapotage. Des opacités aux deux poumons sont assez classiques. Idéalement, il faut une tomodensitométrie pulmonaire ou au moins une radiographie. Sans examen d’imagerie, aucun diagnostic n’est possible. »

Le patient doit également passer des analyses de laboratoire (encadré). « Ce qui peut ressembler le plus à la pneumopathie associée au vapotage, ce sont les infections virales comme celles du virus de l’influenza, du virus syncytial et autres. On recommande aux cliniciens de faire passer au patient un test de détection multiplex de virus respiratoire à l’aide de tests d’amplification des acides nucléiques ainsi que tout autre test qui a pour but d’éliminer une maladie infectieuse, lorsque c’est indiqué cliniquement », explique le spécialiste en santé publique.

Traitement

Le traitement ? « Quand on soupçonne une pneumopathie associée au vapotage, on prescrit généralement des stéroïdes. On donne également aux patients de l’oxygène. Cela semble les aider à récupérer plus rapidement », explique le Dr Gervais. Les corticostéroïdes doivent toutefois être prescrits avec prudence : ils peuvent aggraver les infections respiratoires. Parfois, des agents antimicrobiens peuvent être aussi nécessaires2.

Évidemment, il faut avertir les patients qu’ils doivent cesser l’utilisation de la cigarette électronique. Il est possible que cette simple mesure puisse leur permettre de récupérer1. On ignore actuellement l’évolution naturelle de la maladie.

Faut-il hospitaliser le patient ? Les CDC le conseillent si le taux de saturation en oxygène du malade est inférieur à 95 %, s’il présente une détresse respiratoire ou est atteint d’une maladie concomitante qui diminue ses réserves cardiopulmonaires ou peut aggraver son état. Une personne incapable de cesser de vapoter ou de suivre le traitement doit aussi être admise à l’hôpital2.

Suivi

Une fois le patient traité, le suivi clinique est crucial. Selon les données des CDC, presque 3 % des patients hospitalisés ont été réadmis après leur sortie, et quelques-uns sont morts dans les jours suivants2.

« Il est important de revoir le p­atient », précise le Dr Perron. Les personnes qui sortent de l’hôpital doivent avoir un rendez-vous dans les 48 heures et celles qui ont été soignées de manière ambulatoire dans les 24 à 48 heures2.

Certains facteurs augmentent par ail­leurs le risque de complications graves, voire mortelles, après le congé de l’hôpital : les problèmes chroniques, comme une maladie cardiaque ou pulmonaire chronique, le diabète et un âge avancé. Les précautions à prendre ? S’assurer que le patient soit cliniquement stable un ou deux jours avant son départ2.

Au Québec, le Dr Perron a lui aussi observé des risques de complications après le traitement. « Dans les cas que l’on a eus, même les patients les moins malades, ceux qui n’ont pas été hospitalisés, présentaient encore des atteintes aux poumons dans les examens d’imagerie. On ignore quelle est l’évolution de la pneumopathie associée au vapotage, mais il semble que ce ne soit pas seulement une affection aiguë. Elle peut occasionner des séquelles, et on ignore si elles seront chroniques. » //

BIBLIOGRAPHIE

1. Siegel DA, Jatlaoui TC, Koumans EH et coll. Update: Interim guidance for health care providers evaluating and caring for patients with suspected e-cigarette, or vaping, product use associated lung injury – United States, October 2019. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2019 ; 68 (41) : 919-27. Site Internet : http://tiny.cc/cbdejz

2. Evans ME, Twentyman E, Click ES et coll. Update: Interim guidance for health care professionals evaluating and caring for patients with suspected e-cigarette, or vaping, product use-associated lung injury and for reducing the risk for rehospitalization and death following hospital discharge – United States, December 2019. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2020 ; 68 (5152) : 1189-94. Site Internet : http://tiny.cc/9ldejz

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