Nouvelles syndicales et professionnelles

Communication entre omnipraticiens et pharmaciens

Objectif : réduction des télécopies

Emmanuèle Garnier  |  2020-03-31

La FMOQ et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) viennent de mettre en ligne un document conjoint pour optimiser les échanges entre médecins et pharmaciens.

Judith Choquette

Le déluge de télécopies qui transite entre pharmacies et cabinets médicaux agace les professionnels de la santé des deux côtés du télécopieur. « Les médecins trouvent qu’ils en reçoivent trop. Nous, nous trouvons que nous en avons trop à envoyer », affirme Mme Judith Choquette, pharmacienne. Mais les pratiques tant des uns que des autres accroissent le nombre de télécopies. « C’est une roue qui se nourrit elle-même », estime la professionnelle de la santé.

Pour régler le problème, la FMOQ et l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires lancent un tout nouveau document intitulé : Communiquons efficacement : guide des bonnes pratiques de prescription et de represcription. Cette publication électronique vise à optimiser et, par conséquent, à réduire les échanges entre médecins et pharmaciens.

« Le nombre élevé de télécopies qui circulent est un symptôme d’un problème de fond, estime le Dr Sylvain Dion, deuxième vice-président de la Fédération et membre, tout comme l’a été Mme Choquette, du comité FMOQ-AQPP. Du côté des médecins, il peut y avoir une méconnaissance de certains aspects de la prescription ou de la manière de faire. Du côté des pharmaciens, il y a aussi des processus à améliorer. »

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Du côté des médecins

Pour les médecins, le Guide contient d’utiles rappels. L’aide-mémoire ensaché dans le présent numéro du Médecin du Québec les résume. Premier point incontournable : la clarté des ordonnances. « Moins il y aura d’éléments qui portent à confusion ou à interprétation, que ce soit dans le contenu, la forme de la rédaction ou l’identification du médecin, moins le médecin recevra de communications (par télécopieur ou par téléphone) de la part du pharmacien qui voudra s’assurer de l’exactitude de l’ordonnance », souligne le Guide.

L’idéal ? Utiliser le prescripteur du dossier médical élec­tro­nique (DME). Le travail du pharmacien s’en trouve gran­de­ment facilité. « Premièrement, l’ordonnance est lisible. Deuxièmement, quand le médecin cesse une prescription, le système l’indique. De plus, s’il y a des modifications de la dose, comme une augmentation ou une diminution, le prescripteur met sur l’ordonnance des flèches qui montent ou qui descendent. On n’a pas besoin de vérifier auprès du médecin : Est-ce que vous voulez vraiment changer la posologie ? Est-ce une erreur ? », explique Mme Choquette, membre du conseil d’administration de l’AQPP. Par contre, lorsque le médecin rédige manuellement la prescription, il lui faut penser à ajouter lui-même certains éléments comme les flèches.

Communication omni-pharma

Le Guide rappelle également certaines directives pratiques. Ainsi, pour les maladies chroniques, le médecin doit indiquer non pas le nombre de renouvellements, mais la durée de la prescription. Elle est généralement d’au plus deux ans. Des exceptions : entre autres, les substances ciblées comme les benzodiazépines, qui sont renouvelables pendant au plus un an, et les narcotiques, qui ne sont pas renouvelables, mais dont la quantité, fractionnable, peut être répartie sur au plus 24 mois. « Ce sont des sources d’erreurs que les pharmaciens ont notées », précise le Dr Dion.

Le médecin doit également faire attention à la durée de la prescription « Il faut qu’elle dépasse la date du prochain rendez-vous pour être sûr que le patient ne manque pas de médicaments et que le pharmacien n’ait pas à courir après nous », mentionne le président de l’Association des médecins de CLSC du Québec.

L’inscription des codes de certains produits pharmaceuti­ques est par ailleurs importante. Quand un patient ne répond pas aux critères établis par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour payer un médicament, le clinicien doit marquer « code XX ». Le pharmacien sait alors qu’il n’y a pas eu d’oubli.

Les nombreuses demandes de represcription

La raison la plus fréquente pour laquelle les pharmaciens doivent envoyer des télécopies aux médecins ? « Ce sont les demandes de renouvellement de prescriptions », affirme sans hésitation Mme Choquette.

Parfois, cependant, ce sont les médecins eux-mêmes qui réclament ces télécopies. Une pratique qui irrite particulièrement les pharmaciens. « On voit beaucoup de médecins qui, plutôt que de rédiger une ordonnance, disent à leur patient de communiquer avec le pharmacien pour que celui-ci envoie par télécopieur une demande qu’ils n’aient qu’à signer et à retourner à la pharmacie, indique la membre de l’AQPP. On estime que c’est hautement inefficace. C’est une mauvaise utilisation du temps du pharmacien. Nous, nous devrons aller deux fois dans le dossier. Le médecin, lui, a déjà le patient et le dossier devant lui. Avec l’informatisation des dossiers patients, il n’y a plus de raison de fonctionner de cette façon-là. »

Toutefois, les médecins avaient auparavant leurs motifs, tient à préciser le Dr Dion. « La télécopie du pharmacien permettait d’avoir une liste de médicaments à jour et d’éviter les erreurs de retranscription. Le comité FMOQ-AQPP invite maintenant les cliniciens à utiliser le DME. »

D’autres raccourcis ne doivent pas non plus être employés pour renouveler une prescription. « Les profils pharmaco­lo­gi­ques des patients et les reçus de la pharmacie ne peuvent être utilisés comme ordonnances », prévient également le Guide.

Du côté des pharmaciens

Que peuvent faire les pharmaciens de leur côté pour diminuer le nombre de télécopies ? Le comité FMOQ-AQPP leur recommande notamment de synchroniser toutes les ordonnances du patient lorsque c’est possible. « Quand le pharmacien envoie au médecin une demande de represcription, il peut lui faire parvenir la liste de l’ensemble des médicaments pour qu’il les renouvelle. Cela évite d’envoyer des télécopies deux ou trois fois au cours de l’année. Le pharmacien et le médecin ne font ainsi le travail qu’une fois », explique Mme Choquette.

Pour aider le médecin, le pharmacien peut également inscrire dans sa demande toutes les informations qui seront nécessaires. « Par exemple, on peut indiquer les codes pour les médicaments d’exception ainsi que les mentions “ne pas substituer” qui avaient déjà été utilisées ou encore les codes précédemment employés pour les inhibiteurs de la pompe à protons. De cette manière, on n’aura pas à réécrire au médecin pour lui demander si le code s’applique toujours », explique la professionnelle de la santé. Parce que l’ordonnance doit être conforme. « La RAMQ fait des vérifications dans les pharmacies. On ne veut pas prendre le risque d’un éventuel recouvrement. »

Le pharmacien peut aussi, pour donner au médecin un meilleur aperçu de l’ensemble des médicaments du patient, lui indiquer les molécules ajoutées par les autres prescripteurs.

Intervention auprès du patient

Dr Dion

Afin de réduire le nombre de télécopies, le pharmacien peut, par ailleurs, intervenir auprès du patient. « Est-ce qu’il fait le bon counselling auprès du patient pour que celui-ci prenne rendez-vous avec son médecin et obtienne sa represcription annuelle ? », donne comme exemple le Dr Dion. Le pharmacien doit normalement avertir le patient au moins trois mois avant l’échéance de l’ordonnance.

Si un patient présente un problème aigu, le pharmacien doit par ailleurs le diriger vers son médecin. Même si la personne insiste pour que la pharmacie envoie une demande de represcription. « Quand on reçoit une télécopie dans ces cas, on est obligé d’appeler le patient pour qu’il prenne rendez-vous », indique le Dr Dion. Une situation qui complique inutilement la vie du clinicien.

« Ce sont des stratégies que les pharmaciens et nous avons déterminées pour diminuer les communications inutiles, affirme l’omnipraticien. En général, des échanges pourraient être évités si les médecins avaient de meilleures stratégies de gestion des ordonnances et les pharmaciens, des médicaments du patient. »

Opinions pharmaceutiques

Il y a également la délicate question des opinions pharmaceutiques. « On a demandé aux pharmaciens qu’un peu plus de discernement soit exercé concernant les avis qui nous sont envoyés », affirme le Dr Dion.

« Certains pharmaciens utilisent peut-être un peu librement les opinions pharmaceutiques, indique pour sa part Mme Choquette. Ils peuvent faire des recommandations pour le traitement de certains patients, mais ne doivent pas effectuer d’envois de masse. »

Le comité FMOQ-AQPP recommande donc aux pharmaciens d’envoyer une opinion pharmaceutique « uniquement si elle est adaptée à la situation propre du patient. » Le Guide définit d’ailleurs le cadre de la rédaction de ces avis. « Lorsqu’une situation requérant l’attention du prescripteur survient entre deux visites et qu’elle correspond aux champs d’exercice1 des pharmaciens, sans toutefois nécessiter un examen médical, le pharmacien utilise l’opinion pharmaceutique pour communiquer la situation au médecin et proposer une solution au problème. Ces situations peuvent se produire à la suite de la prescription d’un nouveau médicament, de l’apparition d’un effet indésirable, d’une interaction médicamenteuse ou de toute autre situation liée au traitement médicamenteux. »

Loi « 41 » et télécopies

Les pharmaciens possèdent le droit de prolonger, à certaines conditions, une prescription médicale pour éviter une interruption de traitement. C’est l’un des pouvoirs que leur accorde la « loi 41 » (Loi modifiant la Loi sur la pharmacie).

Quand le pharmacien prolonge une ordonnance, le médecin reçoit un avis le lui indiquant. Il n’est ensuite pas nécessaire pour ce dernier de recommuniquer avec la pharmacie. « Cependant, beaucoup de médecins nous retournent la télécopie en inscrivant des renouvellements pour la période déjà couverte. Ils se donnent inutilement du travail », souligne Mme Choquette.

Pour le patient, la prolongation d’une prescription peut être pratique. En outre, si elle couvre un mois ou moins, elle est sans frais pour lui. Toutefois, au-delà de cette période, des coûts sont possibles. « Pour une prolongation qui peut aller jusqu’à un an, le pharmacien facture 12,50 $. Si le patient n’a pas encore payé sa franchise, il doit s’acquitter de toute la somme », explique Mme Choquette. Certains patients insistent donc pour que le pharmacien envoie plutôt une télécopie à leur médecin.

L’univers de l’autre

Tant les médecins que les pharmaciens ont avantage à connaître certains faits pour mieux comprendre le monde dans lequel évolue l’autre professionnel de la santé. Le Guide en dévoile plusieurs. « Ainsi, certains croient que le pharmacien est payé pour envoyer des télécopies », mentionne le Dr Dion. Or, les communications par télécopieur faites pour le renouvellement d’une ordonnance ne lui donnent droit à aucune rémunération.

Certaines règles auxquelles doivent se conformer les pharmaciens sont par ailleurs très strictes. Si une ordonnance n’est pas conforme parce qu’il manque la date, un code ou qu’il est impossible de reconnaître le prescripteur, la RAMQ ou les assureurs privés peuvent réclamer les sommes qu’ils ont déboursées. « Ces montants incluent le médicament, les honoraires professionnels pour l’ordonnance initiale, ainsi que pour tous les renouvellements servis », précise le document du comité FMOQ-AQPP.

Le médecin, pour sa part, a lui aussi des contraintes. Il doit, par exemple, se soumettre à d’innombrables règles pour rédiger une ordonnance : le règlement du Collège des médecins du Québec, les normes concernant certains médicaments, la manière d’indiquer certaines informations, l’inscription de codes, etc.

« Je ne cacherai pas que, dans nos discussions, il y a eu une partie d’éducation faite de part et d’autre sur la réalité vécue de l’autre côté du télécopieur, affirme Mme Choquette. On s’est ainsi aperçus qu’il y avait manifestement des éléments irritants des deux côtés et on a voulu les réduire. On a tenté de tout mettre sur la table pour parvenir à un document qui satisfait les deux parties et respecte l’environnement professionnel de chacun. »

Mais tout n’est pas terminé. « Il y aura une activité de formation pour les médecins et les pharmaciens sur les bonnes pratiques de prescription et de represcription. C’est un incontournable auquel le comité travaille déjà. C’est essentiel si l’on veut que notre démarche porte ses fruits. On désire que la formation soit offerte cette année », dit le Dr Dion. //

Note : En raison de la pandémie COVID-19, nous prévoyons un délai pour la mise en ligne de cet outil. Nous espérons que le lien soit fonctionnel dans les prochaines semaines.

On peut consulter le document intitulé : Communiquons efficacement : guide des bonnes pratiques de prescription et de represcription rédigé par la FMOQ et l’AQPP au fmoq.org/prescription.