Entrevues

Entrevue avec le Dr Olivier Gagnon, président de l’Association du Saguenay–Lac Saint-Jean

Améliorer le programme des GMF pour régler des irritants majeurs

Nathalie Vallerand  |  2020-03-31

À l’approche de la mise à jour du programme des GMF, le Dr Olivier Gagnon fait le point sur les problèmes de la version actuelle. Il aborde aussi certains enjeux des médecins qui travaillent à l’urgence ou qui enseignent.

M.Q. — Quels sont les problèmes que vous aimeriez voir disparaître dans la prochaine mouture du programme des GMF ?

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O.G. – Il y a celui du non-remplacement des professionnels de la santé pour les absences de moins de quatre semaines. L’été, à cause des vacances, un GMF de 12 000 patients peut se retrouver six semaines avec une infirmière au lieu de deux. Ça n’a pas de sens, et le CIUSSS refuse de bouger là-dessus tant que le programme des GMF n’est pas modifié. Cela dit, il y a eu une amélioration. Maintenant, au moins, les vacances doivent être autorisées par les chefs des GMF.

M.Q. — Votre association a également obtenu des gains du côté de la sélection des infirmières qui travaillent en GMF.

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O.G. – Oui. Le comité GMF de notre association, qui représente les quatorze GMF de la région, rencontre le CIUSSS quelques fois par année pour discuter des problèmes du programme GMF. Lors de nos échanges, on mise sur la plus-value de la qualité des soins. En ce qui concerne la sélection des infirmières, cela a été fructueux. La Direction des soins infirmiers fait maintenant participer davantage les chefs des GMF au processus de sélection des infirmières. Il y a eu beaucoup d’ouverture et de collaboration de la direction à ce sujet.

M.Q. — Et pour les autres professionnels ?

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O.G. – Ça demeure difficile, surtout pour les travailleurs sociaux. Peut-être parce qu’ils travaillent en GMF depuis peu de temps, contrairement aux infirmières ? Mais malgré nos efforts, on ne peut pas encore participer à leur sélection. Les règles d’ancienneté continuent d’être appliquées en priorité. Cette façon de faire entraîne un jeu de chaises, car des travailleurs sociaux ne restent pas longtemps en poste. Pourtant, si les médecins de famille pouvaient participer davantage au choix de ces professionnels, je suis convaincu que ce serait gagnant pour tout le monde.

M.Q. — Un autre irritant, c’est la question de l’autorité fonctionnelle. Qu’est-ce qui ne va pas ?

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O.G. – Les professionnels sont censés travailler sous l’autorité fonctionnelle des médecins de famille. Mais il arrive que notre CIUSSS les mobilise pour des activités qui ne correspondent pas aux besoins des GMF. Par exemple, il décide de déployer un programme sur l’Alzheimer dans tous les GMF parce que le ministère de la Santé lui a octroyé un budget pour travailler sur un problème. On est d’accord avec le bien-fondé de ces projets-là. Toutefois, est-ce qu’un programme sur l’Alzheimer dans un GMF où la plupart des médecins font de l’obstétrique, c’est pertinent ? De plus, il ne faut pas oublier que tous ces nouveaux programmes nécessitent de la formation. Lorsque les infirmières sont sorties des GMF pendant deux jours pour suivre une formation, il y a moins de services qui se donnent en première ligne. D’où l’importance de s’assurer que le programme est pertinent pour le GMF.

M.Q. — Que souhaitez-vous ?

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O.G. – Que le CIUSSS reconnaisse que chaque milieu a ses particularités et que c’est aux médecins de famille de déterminer les tâches des professionnels en fonction des besoins des patients de leur GMF. Évidemment, ce serait plus simple si la question de l’autorité fonctionnelle était clarifiée dans la prochaine version du programme des GMF.

M.Q. — Quels autres changements voudriez-vous voir ?

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O.G. – Le programme des GMF prévoit des moitiés de poste. Par exemple, un GMF peut avoir droit à 1,5 nutritionniste. Ce n’est pas évident de trouver des professionnels pour des postes de deux ou trois jours par semaine. En général, les gens n’aiment pas se promener entre différents lieux de travail. Ce qu’on constate, c’est qu’ils restent jusqu’à ce qu’ils trouvent un poste à temps plein. Idéalement, le nombre de professionnels ne devrait pas être calculé en fractions.

M.Q. — Vous tenez aussi à parler des médecins qui travaillent à l’urgence.

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O.G. – Ces temps-ci, on entend beaucoup parler de taux d’inscription et de taux d’assiduité. Des sujets qui interpellent moins les médecins des urgences. Ce qui les intéresse davantage, c’est l’enjeu des patients classés P4 et P5. Même si on a un excellent taux d’inscription de 93 %, il y a encore des patients qui vont à l’urgence pour des problèmes bénins. Ce n’est pas un phénomène unique à notre région, mais on a une vision régionale là-dessus : le bon patient au bon endroit au bon moment.

M.Q. — Qu’est-ce que ça veut dire ?

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O.G. – Les urgences des hôpitaux de Chicoutimi et de Jonquière sont très occupées. D’ailleurs, les médecins de famille qui y travaillent font presque exclusivement de l’urgence. Il y a une volonté que les patients classés P4 et P5 consultent ailleurs. C’est pourquoi l’Hôpital de Jonquière vient de commencer un projet pilote pour rediriger ces patients dans les cliniques. Cependant, il faut faire attention. Ce qui est bon pour Chicoutimi et Jonquière ne l’est pas nécessairement pour toute la région.

M.Q. — Pourquoi ?

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O.G. – Dans les petits centres, l’urgence sert en quelque sorte de service de consultation sans rendez-vous. Si on envoie ailleurs tous les P4 et P5, on va presque vider certaines urgences. Dans ce cas, faut-il les fermer ? Il y a des conséquences à cette solution. Mais de façon pratico-pratique, dans ces petits hôpitaux, ça roule. Ce n’est pas si grave que des patients se présentent à l’urgence pour des problèmes bénins. Donc, le bon patient au bon endroit au bon moment, ça ne veut pas dire la même chose partout.

M.Q. — Pour terminer, y a-t-il autre chose dont vous aimeriez parler ?

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O.G. – Une bonne nouvelle, c’est que l’effet négatif Barrette commence à s’estomper. Les dernières années ont été difficiles en ce qui concerne le recrutement de résidents dans nos deux GMF-U, surtout celui d’Alma. Mais on constate maintenant une recrudescence de l’intérêt des jeunes pour la médecine de famille.
Par ailleurs, l’une des particularités de la région, c’est qu’une grande proportion des médecins de l’enseignement médical prédoctoral sont des médecins de famille. Moi-même, j’ai déjà enseigné l’endocrinologie. Notre association déplore toutefois que l’enseignement ne soit pas suffisamment comptabilisé dans les activités cliniques. Les attentes concernant le nombre de patients sont difficiles à concilier avec le travail d’enseignement. La prise en charge est très valorisée. Mais il faut aussi penser à la pérennité des milieux d’enseignement.