Éditorial

Drame, devoir et contribution exemplaire

Louis Godin  |  2020-04-23

Dans la crise sanitaire historique actuelle, difficile de ne pas être troublé par les drames humains que vivent certains des plus vulnérables de notre société. Des mots comme isolement, détresse, confinement et abandon ont pris un sens particulier en ce printemps 2020. Nos établissements de soins de longue durée, trop souvent oubliés au moment d’établir les priorités budgétaires et administratives, sont devenus des endroits qu’on ne pourra jamais plus oublier.

Les drames et les défis quotidiens auxquels font face ceux qui y sont hébergés et leurs familles, ainsi que ceux qui y travaillent, resteront gravés dans notre mémoire collective. Espérons que nous saurons en tirer les leçons nécessaires pour instaurer à moyen et à long terme des conditions permettant d’améliorer durablement les choses, c’est-à-dire des conditions de travail plus attrayantes et une charge de travail moins lourde pour tous ceux qui y œuvrent, particulièrement les préposés aux bénéficiaires, mais également pour tous les autres qui y donnent le meilleur d’eux-mêmes. Dans une société qui connaissait pratiquement le plein emploi pas plus tard qu’il y a un mois et où les travailleurs de la santé sont plus que jamais recherchés, la valorisation du travail de ceux qui prennent soin des plus vulnéra­bles de notre société constitue non seulement un incontournable, mais aussi un passage obligé.

Les 1400 médecins de famille qui exerçaient déjà en soins de longue durée avant la pandémie n’ont pu bien souvent que constater, bien avant tout le monde, la fragilité de ces milieux de vie et le dévouement hors norme des gens qui s’y dévouent corps et âme. C’est pourquoi ils ont été nombreux à lever la main sans hésiter pour aller y prêter main-forte et assurer une couverture médicale de tous les CHSLD (ou des autres milieux de soins traditionnellement de longue durée) de la province. Ainsi, plus de 500 omnipraticiens se sont ajoutés aux 1400 qui pratiquaient déjà dans ces milieux avant la pandémie. De plus, des centaines d’autres ont fait part de leur disponibilité à donner un coup de pouce pour des tâches médicales ou connexes relevant habituellement d’autres membres de l’équipe de soins. Vraiment personne ne pourra accuser les médecins omnipraticiens de ne pas avoir répondu présent quand leur expertise ou simplement leur présence était requise.

Cela dit, cet engagement volontaire n’est guère surprenant quand on sait que les gardes médicales des quatre-vingt-dix cliniques de dépistage et d’évaluation de la COVID-19 dans la province ont été pourvues en quelques jours et pour de nombreuses semaines ! De plus, il est à noter qu’aucun groupe de médecine de famille (GMF) ou GMF-R n’a connu de bris de services depuis le début de la pandémie. Et c’est sans compter que les médecins de famille tiennent toujours le fort dans les urgences, dans les unités d’hospitalisation, en soins palliatifs, dans les soins médicaux à domicile, tout en contribuant toujours de façon notable aux soins intensifs et en obstétrique, comme ils le font à longueur d’année en temps normal. Si on ajoute à cela leur participation encore plus grande en santé publique en ces temps exceptionnels, il y a de quoi être fier.

Dans ce contexte, au-delà du drame vécu par certains, drame qu’on ne peut et qu’on ne doit occulter, je crois nécessaire de souligner le sens du devoir et la contribution exemplaire des médecins omnipraticiens québécois en cette période inédite. Il sera toujours temps de faire un bilan après la crise des éléments qui ont bien et moins bien fonctionné, des succès et des échecs. Cependant, personne ne pourra accuser les médecins omnipraticiens d’avoir détourné le regard quand les citoyens parmi les plus vulnérables de la société avaient besoin d’eux.

Le 23 avril 2020

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Le président, Dr Louis Godin