changer la culture du syndic
Depuis le 1er juin, la Dre Marie-Josée Dupuis occupe le poste de syndique et de directrice des enquêtes du Collège des médecins du Québec. Une nouvelle recrue dont le riche parcours en gestion de l’enseignement pourrait aider à rebâtir les ponts entre les médecins et le Collège.
« Un grand défi m’attend, et je suis prête à le relever », mentionne d’un ton enthousiaste la Dre Marie-Josée Dupuis. Jamais la nouvelle syndique ne s’est d’ailleurs autant sentie au bon endroit au bon moment. Ex-vice-doyenne des études médicales postdoctorales à l’Université de Montréal de 2015 à 2019, elle est convaincue que sa vision bienveillante, son solide leadership apprécié par ses pairs et surtout son parcours axé sur la formation ont séduit le comité de sélection.
La Dre Dupuis s’est même déjà investie d’une mission : changer la culture de blâme qui a régné pendant de longues années au sein du bureau du syndic. « Personne n’aime faire l’objet d’une plainte. Je comprends les médecins dont le cœur cesse de battre lorsque cette situation se produit. Nous avons tous été premiers de classe. Par conséquent, nous avons tous l’impression qu’une plainte est synonyme d’échec. C’est pour cette raison que je souhaite, avec mon équipe, changer cette culture du blâme pour une culture d’amélioration continue », explique-t-elle. La Dre Dupuis souhaite que les leçons issues des thèmes récurrents des enquêtes ne soient pas seulement partagées aux étudiants et aux résidents en médecine, mais à l’ensemble des médecins de la province.
Gynécologue-obstétricienne depuis 1991, la Dre Dupuis est consciente que le lien de confiance entre les médecins de la province et le Collège ne tient qu’à un fil ténu. Depuis une dizaine d’années, des cas de harcèlement psychologique, de conduites vexatoires ainsi que de comportements, paroles et actes malveillants de la part du bureau du syndic du Collège ont été vivement dénoncés par des médecins. Devant cette situation, la FMOQ a d’ailleurs rédigé, en juin 2019, un mémoire à l’attention de l’ex-ministre de la Justice et responsable de l’application des lois professionnelles, Sonia Lebel. Ce document demandait, entre autres, que les pouvoirs et les mécanismes d’évaluation du syndic du Collège soient recadrés.
Cette requête semble avoir été entendue. L’arrivée de la Dre Dupuis à la tête du syndic et de la Direction des enquêtes est porteuse de renouveau. « Je peux vous dire avoir été embauchée en vue de préparer un nouveau plan d’action pour la Direction des enquêtes. Le comité de sélection a vu en moi la personne toute désignée qui apportera de nouvelles orientations qui correspondent à la planification stratégique du Collège », indique la Dre Dupuis.
Le parcours de la nouvelle syndique était justement tout tracé pour camper son nouveau rôle. Depuis l’obtention de son diplôme de médecine en 1987, elle n’a cessé de peaufiner ses compétences en leadership, ce qui lui a permis d’être directrice du programme de résidence d’obstétrique-gynécologie de l’Université de Montréal de 2002 à 2007. Elle s’est aussi vu confier le poste de directrice de l’enseignement au CHUM de 2007 à 2015. Il faut ajouter à ce CV déjà bien garni son poste de vice-doyenne, celui de maman de quatre enfants et celui de présidente du Comité de coordination universitaire de l’enseignement dans les centres hospitaliers de l’Université de Montréal de 2012 à 2015.
« Ce rôle de coordination m’a permis de chapeauter l’accueil des stagiaires issus de soixante-cinq programmes de résidence en soins de santé. Une position stratégique qui m’a permis d’obtenir une fine compréhension de la formation de tous les intervenants dans le milieu de la santé », mentionne-t-elle. Détentrice d’une maîtrise en éducation des sciences de la santé, la nouvelle syndique a aussi été professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal de 2006 à 2019 et a siégé à divers conseils d’administration, dont celui du Collège des médecins de 2015 à 2018.
« En plus de me permettre d’établir de solides relations avec l’ensemble des seize facultés de médecine du pays et le personnel médical, ces divers postes m’ont aidée à acquérir une perspective du système de santé provenant à la fois des patients et des professionnels qui y gravitent. En fait, mon parcours m’a fourni les outils nécessaires pour veiller à ce que les professionnels de la santé respectent le code de déontologie », énonce la nouvelle syndique.
Cette nomination fait de la Dre Dupuis la toute première femme de l’histoire à prendre les commandes du bureau des enquêtes. Elle se retrouve maintenant à la tête d’une équipe composée d’une trentaine de personnes, dont des médecins, des avocats, des psychologues et du personnel administratif.
« Toute l’équipe connaît mon éthique de travail. Pour rétablir la confiance entre les médecins et notre bureau des enquêtes, il faudra faire preuve d’honnêteté, d’intégrité et d’authenticité. Et attention, je ne mentionne pas ici le mot « transparence » qui est très à la mode ces temps-ci. Ce serait mentir à mes confrères et consœurs. Les techniques d’enquêtes ne seront pas divulguées. Nous allons néanmoins revoir nos processus de reddition de compte », insiste-t-elle.
À la suite des recommandations du Conseil interprofessionnel du Québec à l’égard du Collège, la Dre Dupuis compte redéfinir les bonnes pratiques. « Je suis persuadée qu’en équipe, nous allons établir des façons de faire pour informer les médecins qui reçoivent une ou des plaintes. Nous allons revoir nos techniques d’entrevue ainsi que nos modes de transmission des conclusions. » Des conclusions d’enquêtes, tient-elle à préciser, qui se terminent dans la grande majorité des cas par des suggestions et des recommandations concernant l’exercice des médecins. Le bureau des enquêtes reçoit bon an mal an plus de 1800 demandes.
Des nouvelles mesures seront prises également pour atténuer le stress des médecins et surtout s’assurer que les processus d’enquête se déroulent le plus rapidement possible. Le télétravail a d’ailleurs permis d’accélérer la virtualisation des processus, signale la Dre Dupuis. « Jusqu’à tout récemment, tout se faisait par la poste ou en personne. Grâce à la légalisation des signatures numériques, les délais seront réduits de plusieurs semaines. »
Cette nomination fait de la Dre Dupuis la toute première femme de l’histoire à prendre les commandes du bureau des enquêtes. |
Enfin, la Dre Marie-Josée Dupuis concède qu’il y a toujours eu une grande confusion de la part des médecins et du public envers le rôle du Collège des médecins. « Cet ordre professionnel, tout comme les quarante-six autres de la province, a été créé pour protéger le public. C’est sans doute ce qui explique les craintes des médecins à l’égard du bureau des enquêtes », dit-elle. Cela dit, les médecins doivent aussi s’adapter aux nouvelles réalités. « Nous ne pouvons plus soigner les patients comme on le faisait il y a vingt ans. L’époque où nous leur dictions comment se soigner est révolue. Ces derniers sont aujourd’hui plus informés et souhaitent désormais être conseillés et accompagnés. En fait, c’est comme en affaires, nos patients, ce sont nos clients. Eux aussi ont des attentes. À nous de les écouter ! » //