algorithmes pour traiter plus de 20 affections cutanées
Sur son site Internet, l’Association des médecins spécialistes dermatologues du Québec offre aux médecins de famille un guide de pratique portant sur de fréquentes lésions cutanées.
Votre patient est maintenant guéri de son mélanome : quel suivi faire ? Un autre souffre d’une dermatite atopique : quels traitements entreprendre simultanément ? Quand orienter un patient vers un dermatologue ? Comment utiliser la cryothérapie ?
Toutes les réponses se trouvent dans un guide spécialement conçu pour les omnipraticiens : Algorithmes de traitements pour l’approche de la première ligne dermatologique. Un document électronique que l’Association des médecins spécialistes dermatologues du Québec met à la disposition des médecins de famille sur son site Internet (dermatoqc.org/medecin)1.
Abondamment illustré, cet outil se penche sur plus d’une vingtaine de maladies cutanées. Il explique comment les reconnaître, de quelle manière amorcer le traitement en première ligne et quand adresser le patient à un dermatologue.
Les dermatoses inflammatoires, par exemple, peuvent parfois être difficiles à prendre en charge : psoriasis, dermatite atopique, prurit généralisé, rosacée, etc. Tout un chapitre leur est consacré. « Ce sont des problèmes dermatologiques fréquents pour lesquels le traitement de première ligne est souvent complexe et doit se faire sur différents fronts », explique l’auteure du guide, la Dre Carolina Fernandes, chef du Service de dermatologie du CIUSSS de l’Estrie-CHUS et titulaire d’une maîtrise en pédagogie.
Les algorithmes que la spécialiste a conçus pour ces dermatoses proposent une démarche systématique et rigoureuse. Première étape : diagnostiquer la lésion. Toutes les caractéristiques pertinentes sont énumérées, photos à l’appui. Deuxième étape : effectuer les tests et les traitements de première ligne. Troisième étape : rédiger une demande de consultation en dermatologie si l'affection n’est pas maîtrisée. Les divers éléments à mentionner sont rassemblés en une précieuse liste.
Le guide aborde également les cancers : le mélanome, le carcinome basocellulaire, le carcinome spinocellulaire et la kératose actinique. Il propose à l’omnipraticien des algorithmes pour faciliter ses interventions : reconnaissance des lésions, rédaction d’une demande de consultation, mais aussi suivi après le traitement en spécialité.
Parce qu’une fois en rémission, le patient va de nouveau être pris en charge par son médecin de famille. Le document précise alors tous les éléments que son examen annuel doit comprendre. « Les omnipraticiens nous demandaient : Comment dois-je effectuer l’examen de la peau ? Que dois-je chercher ? Quand dois-je m'inquiéter ? », explique la Dre Fernandes, également directrice du Service universitaire de dermatologie de l’Université de Sherbrooke.
Avant d’entreprendre la rédaction du guide, la spécialiste avait sondé les médecins de famille de sa région, l’Estrie, à qui le guide était initialement destiné. « On voulait savoir quels étaient les aspects de la dermatologie pour lesquels ils avaient le plus besoin de soutien. »
Un des chapitres les plus pratiques du document concerne les techniques de base en dermatologie : l’examen cutané complet, la cryothérapie et le prélèvement de squames pour une culture mycologique. Il s’agissait également d’un important besoin des omnipraticiens. « Nous avons fait une section avec photos pour les cliniciens qui n'ont jamais eu l’occasion d’apprendre ou de voir certaines techniques. En suivant les instructions étape par étape, ils peuvent les effectuer et ne commettront pas d'erreurs », indique la Dre Fernandes.
Le guide aborde par ailleurs l’importante question des demandes de consultation en dermatologie. Comment le médecin de famille peut-il éviter qu’elle ne lui revienne ? « Je dis toujours : morphologie, morphologie, morphologie, insiste la dermatologue. Quand les omnipraticiens nous décrivent avec précision le problème cutané, c'est beaucoup plus facile pour nous de dire : “L’affection a l'air grave et étendue. On va voir le patient très rapidement”. Ou au contraire : “Cela ne semble pas critique”. Les détails que l’on nous fournit nous permettent d’établir le degré de priorité des cas et de prendre en charge les plus urgents sans tarder. »
Le guide indique ainsi toutes les informations dont le dermatologue a besoin pour bien évaluer un problème cutané. Par exemple, pour une lésion suspecte, il doit connaître :
h l’âge du patient ;
h une description morphologique la plus détaillée possible (papule ou nodule, couleur, présence de croûte, etc.) ;
h la région du corps touchée ;
h la dimension de la lésion ;
h son évolution ;
h les symptômes associés (douleur, sensibilité) ;
h les traitements essayés ;
h les facteurs de risque (antécédents de cancers cutanés, immunodépression, etc.).
Ce qu’il faut éviter ? Des diagnostics vagues comme « lésion cutanée », « eczéma » ou « psoriasis ». « Si le seul élément dont je dispose est simplement la mention ‘‘lésion’’, je ne peux pas savoir si c'est grave ou non. » La demande sera donc renvoyée au médecin de famille pour obtenir davantage de précisions. »
Le guide, offert depuis avril 2018 aux omnipraticiens de l’Estrie, a été évalué dans le cadre d’une petite étude. La majorité des cinquante-cinq médecins qui ont répondu au sondage et connaissaient l’outil ont affirmé que les algorithmes avaient changé leur pratique en dermatologie.
Au moment de l’évaluation, le Service de dermatologie du CIUSSS de l’Estrie-CHUS recevait chaque mois plus de 220 demandes de consultation de médecins de famille*. Les algorithmes ont été utilisés pour environ 15 % d’entre elles. Les dermatologues les recommandaient aux omnipraticiens pour leur permettre de prendre en charge eux-mêmes le patient ou encore pour leur indiquer les précisions dont ils avaient besoin pour bien juger du cas.
Ainsi, en Estrie, le guide est rapidement devenu un outil de communication entre médecins de famille et dermatologues. « De notre côté, on trouve qu’il fonctionne très bien, parce que les indications que les médecins nous donnent sont très éclairantes. Cela nous aide grandement à bien trier les patients », mentionne la Dre Fernandes. La spécialiste a par ailleurs constaté une différence dans la pratique de ses collègues omnipraticiens depuis qu’ils utilisent les algorithmes. Et elle en est très fière. « Dans notre région, les médecins de famille sont vraiment bons ! »
Le guide permet ainsi au patient d’être traité par le clinicien, omnipraticien ou dermatologue, le plus adéquat pour son problème. « Nous voulons le faire connaître à tous les médecins de famille du Québec. Les algorithmes s'inscrivent dans une grande démarche pour améliorer l'accès des patients aux dermatologues par l’intermédiaire de leur médecin de famille », affirme la Dre Dominique Hanna, présidente de l’Association des médecins spécialistes dermatologues du Québec. //
On retrouve dans le guide Algorithmes de traitements pour l’approche de la première ligne dermatologique toute une série de trucs dans différents champs de la dermatologie (tinylink.net/HNALh).
Calculer l’étendue d’une dermatose
Pour évaluer la surface d’une dermatose inflammatoire, on peut se servir de la paume de la main du patient comme unité de mesure. Elle représente 1 % de la surface corporelle. On doit regrouper les zones éparses.
Le « halo 10 secondes »
Combien de temps faut-il traiter une lésion avec la cryothérapie ? On doit le faire jusqu’à ce que l’on obtienne durant dix secondes un halo blanc, qui montre le gel de la lésion.
Geler toute la lésion
Comment savoir si la cryothérapie a gelé toute l’épaisseur de la lésion ? Le rayon de la lésion est égal à la profondeur de la partie qui est gelée.
Corticostéroïde topique : la puissance est-elle dans la concentration ?
La puissance d’un corticostéroïde topique est déterminée par sa structure moléculaire, et non par sa concentration. Ex. :
h Hydrocortisone à 1 % = classe 7 (puissance faible)
h Clobétasol à 0,05 % = classe 1 (grande puissance)
Crème ou onguent ?
En général, pour une même molécule, l’onguent est plus puissant que la crème.
Les régions oubliées de l’examen cutané
Lors de l’examen cutané, il ne faut pas se limiter aux zones visibles de la peau. On doit aussi examiner le cuir chevelu, la bouche, les ongles, l’espace entre les doigts et les orteils ainsi que la plante des pieds.
Comment regarder sous les pieds ?
La meilleure technique pour examiner la peau de la plante des pieds : demander au patient de se coucher sur le ventre et de plier les genoux.
* Par l’intermédiaire du centre de répartition des demandes de services.
1. Carolina Fernandes. Algorithmes de traitements pour l’approche de la première ligne dermatologique. 2e éd. Sherbrooke : CIUSSS de l'Estrie – CHUS ; 2019. 70 pages.