Des médicaments efficaces et sûrs
Les hypolipémiants sont-ils sûrs et cliniquement efficaces chez les patients de 75 ans et plus ? Pour le savoir, des chercheurs ont effectué une méta-analyse, publiée dans le Lancet, regroupant 29 essais cliniques dans lesquels 9 % des participants étaient âgés1. Leur conclusion : « Chez les patients de 75 ans et plus, la baisse du taux de lipides est aussi efficace pour réduire les complications cardiovasculaires que chez les patients plus jeunes. »
Les auteurs de l’analyse, le Dr Marc Sabatine, de l’Université Harvard, et ses collègues, ont analysé les données de plus de 240 000 sujets – dont plus de 20 000 personnes âgées – recevant ou non, selon une répartition aléatoire, un traitement pour réduire le taux de cholestérol LDL. Certains des essais portaient sur les statines, d’autres sur l’ézétimibe et d’autres encore sur un inhibiteur de la PCSK9. Le suivi médian des sujets allait de 2,2 ans à 6,0 ans.
Les données révèlent que chez les personnes de 75 ans et plus, les traitements hypolipémiants diminuaient de 26 % le risque d’un ensemble de graves complications cardiovasculaires pour chaque réduction de 1 mmol/l de cholestérol LDL : infarctus du myocarde ou autre syndrome coronarien aigu, accident vasculaire cérébral, revascularisation coronarienne ou mort de nature cardiovasculaire. Cette réduction du risque n’était statistiquement pas différente de celle des participants de moins de 75 ans. Ainsi, dans les deux groupes, la baisse du taux de lipide diminuait de manière similaire les complications cardiovasculaires.
Quel type de traitement fonctionnait le mieux chez les sujets de 75 ans et plus ? Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre d’un côté les statines et de l’autre l’ézétimibe et les inhibiteurs de la PCSK9.
« Cette étude clarifie la question de l’efficacité des traitements hypolipémiants, que ce soit avec des statines, l’ézétimibe ou les inhibiteurs de la PCSK9 chez les personnes de 75 ans et plus, affirme le Dr George Thanassoulis, directeur de la Cardiologie génomique et préventive au CUSM. Il est très clair que la réduction du cholestérol est bénéfique chez les personnes âgées. »
Le Dr Jean Grégoire, cardiologue à l’Institut de Cardiologie de Montréal, pour sa part, a des réserves sur l’intérêt des informations qu’apporte la méta-analyse. « Les études utilisées sont majoritairement des essais cliniques sur la prévention secondaire. Il n'y a pas beaucoup de controverse quand un patient a déjà eu une complication cardiovasculaire : la grande majorité des médecins vont le traiter, peu importe son âge. Je pense que le grand débat concerne surtout la prévention primaire. »
Le Dr Thanassoulis est d’accord avec le Dr Grégoire. « Cependant, il restait toujours la question suivante : à quel point la réduction du taux de cholestérol est-elle efficace chez les personnes âgées ? Habituellement, dans la plupart des essais cliniques, les sujets ont différents âges. »
L’un des intérêts indéniables de la méta-analyse : ses données sur l’innocuité. Pris par des milliers de participants âgés, les différents hypolipémiants se sont révélés sûrs. « Les médecins ont toujours une crainte concernant les personnes âgées : ‘’Est-ce que je vais augmenter le risque, par exemple, d’AVC hémorragique ?’’ Je pense qu’il est maintenant clair que le fait de traiter, même intensivement, la dyslipidémie n’est pas associé à des complications substantielles dans cette population », indique le Dr Grégoire.
Les chercheurs n’ont ainsi pas observé dans les essais sur l’ézétimibe et les inhibiteurs de la PCSK9 d’augmentation du risque d’AVC hémorragique, de diabète ou de problèmes neurocognitifs. Les études sur les statines, qui comportaient peu de données sur l’innocuité, n’ont permis de noter que l’absence de hausse du risque de cancer.
Le Dr Thanassoulis estime ces informations globalement très utiles. « Il est important de savoir que les chercheurs n'ont pas vu de grands effets indésirables, car les patients se plaignent souvent d’en avoir avec les traitements hypolipémiants. D'autres études ont récemment montré que ces symptômes n’étaient souvent pas causés par le médicament lui-même. Le fait de prendre un médicament peut faire en sorte qu’une personne s'attend à avoir des symptômes et lie les effets qu’elle ressent au produit. C'est l’effet nocebo. //
1. Gencer B, Marston N, Im K et coll. Efficacy and safety of lowering LDL cholesterol in older patients: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet 2020 ; 396 (10263) : 1637-43. DOI : 10.1016/S0140-6736(20)32332-1.