La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la santé est plus criante que jamais. C’est le sujet de l’heure et le défi des semaines, des mois, des années et peut-être même des décennies à venir ! D’ailleurs, cette pénurie touche maintenant aussi le secteur de l’éducation, voire d’autres grands pans de notre économie. En santé, on est toutefois sur un fil de fer constant, car les potentiels bris de services peuvent rapidement avoir des conséquences dramatiques. Il est tragique, a posteriori, qu’on en soit rendu là quand on voit depuis plus de vingt ans un mur se dresser devant nous collectivement.
Il y avait urgence dès hier de valoriser certaines professions, notamment celles d’infirmière et de préposé aux bénéficiaires. Malheureusement, les belles intentions et les promesses momentanées s’accompagnent rarement de gestes structurants et sombrent trop souvent dans l’oubli.
Néanmoins, comme médecins de famille, nous jouons dans ce film, dont l’action se répète inlassablement à bien des égards depuis trop longtemps. Chaque année, à la publication des résultats du CaRMS, tout le monde convient que le nombre de postes demeurés vacants au Québec en médecine familiale est effarant, que cela n’ira pas sans conséquences et qu’il est urgent de remédier à la situation en valorisant davantage la profession. Puis les semaines et les mois passent, et rien ne change année après année. Non seulement on ne prend aucune initiative pour redorer le blason de la médecine familiale, mais on trouve au contraire le moyen de la déprécier davantage en multipliant les contraintes administratives ou les propos et écrits dénigrants et accusateurs à l’endroit des médecins de famille. On assiste, conséquemment, à une lente, mais continuelle dévalorisation de la médecine familiale au Québec depuis trop longtemps.
La relève médicale comprend très bien le message véhiculé entre autres par les politiciens et les médias, et les conséquences en sont dramatiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est 402 postes de résidence en médecine familiale qui sont demeurés vacants depuis 2013. 402 ! Et en 2021, après le second tour de jumelage du CaRMS, on bat tous les records avec 75 postes non pourvus en médecine familiale (contre 1 seul en spécialité). Nous avions cru que le pire était derrière nous après l’amélioration des résultats survenus au cours des deux années ayant suivi les records atteints pendant l’ère Barrette (56 et 65 postes vacants en 2017 et en 2018). Toutefois, force est de reconnaître qu’on est repartis dans la mauvaise direction. Et même si on parle en gros d’un problème typiquement québécois aux conséquences négatives énormes (imaginez le Québec avec 400 médecins de famille de plus !), personne dans les sphères du pouvoir à Québec ne semble s’en soucier outre mesure.
Pourtant, il y a urgence. Il n’est pas normal que la pénurie de médecins de famille soit toujours aussi grave au Québec quand les besoins en première ligne sont immenses et que les places en formation existent. C’est carrément une tragédie. Et le gouvernement du Québec doit agir rapidement pour rendre la spécialité en médecine familiale plus attractive avant qu’il ne soit trop tard, comme on a malheureusement l’impression que c’est le cas ces jours-ci avec la profession d’infirmière. La relève médicale a plus que jamais besoin de voir trois choses pour choisir la médecine familiale : que les médecins de famille actuels soient mieux soutenus sur les plans professionnels, techniques et administratifs, que l’installation en pratique des nouveaux omnipraticiens soit simplifiée et que le dénigrement gratuit dont font trop souvent l’objet les médecins de famille cesse une fois pour toutes au Québec. Rien de plus, mais rien de moins ! //
Le 21 septembre 2021
Le président, Dr Louis Godin |