une baisse de 14 % des récidives et de 12 % des décès
Il est possible de réduire le risque de récidive et de mort chez des patients ayant déjà eu un accident vasculaire cérébral simplement en remplaçant le sel par un substitut contenant moins de chlorure de sodium et enrichi de chlorure de potassium.
Il existe une façon de diminuer de 14 % les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et de 12 % les décès chez les patients ayant déjà subi un AVC et chez les hypertendus de plus de 60 ans. Il s’agit d’un moyen simple, peu coûteux et dont l’effet s’ajoute à celui des antihypertenseurs. Ce secret ? Le remplacement du sel par un substitut composé de 75 % de chlorure de sodium et de 25 % de chlorure de potassium.
Ces résultats, publiés dans New England Journal of Medicine, ont été obtenus en Chine auprès de 21 000 personnes1. L’essai Salt Substitute and Stroke Study (SSaSS) a été mené dans 600 villages chez des sujets de 65 ans en moyenne. Parmi les participants, 73 % avaient subi un AVC, et 88 % avaient eu un diagnostic d’hypertension. La pression moyenne des participants atteignait 154 mmHg/89 mmHg, et presque 80 % prenaient un antihypertenseur (tableau I).
Les villages ont été répartis de manière aléatoire en deux groupes. Dans le premier, les sujets recevaient un substitut de sel pour saler leur nourriture. Dans le deuxième, les sujets continuaient à employer le sel comme d’habitude.
Pendant les 4,7 ans de suivi, le taux d’AVC, premier critère d’évaluation, s’est révélé de 14 % plus faible chez les participants prenant le substitut de sel (tableau II). Ces sujets ont également connu 13 % moins de troubles cardiovasculaires importants (AVC et syndromes coronariens aigus non mortels ou décès d’origine vasculaire). Ils ont aussi été 12 % de moins à mourir.
« La différence est énorme, estime la Dre Jeanne Teitelbaum, neurologue, neuro-intensiviste et neurologue vasculaire à l’Institut neurologique de Montréal. Il est très clair que si l’on pouvait réduire la quantité de sel dans les produits alimentaires que l’on mange, on aurait des résultats très importants. » L’effet de cette diminution de sel s’ajoutait par ailleurs à celui des médicaments, note la spécialiste, également professeure de neurologie et de neurochirurgie à l’Université McGill.
La baisse de la consommation de sel donnait des résultats autant chez les patients qui prenaient un antihypertenseur que chez ceux qui n’en prenaient pas, chez les sujets faisant de l’embonpoint que chez ceux qui ne n’en faisaient pas. « La beauté de la diminution de la quantité de sel, c’est que ça marche chez tout le monde. Que votre pression artérielle soit maîtrisée ou non, que vous ayez fait tout ce qu’il fallait ou non, il y a un effet. »
L’étude a par ailleurs d’autant plus de poids qu’il s’agit d’un essai clinique contrôlé à répartition aléatoire. « Elle montre une relation de cause à effet entre la prise du substitut de sel et les résultats. C’est une étude importante », précise la Dre Teitelbaum, aussi professeure de clinique en neurologie et en médecine interne à l’Université de Montréal.
Le substitut de sel utilisé dans l’étude avait deux actions. La première : diminuer la quantité de chlorure de sodium ingéré. Mais il ne la baissait que de 25 %. L’effet de la réduction du sodium aurait donc le potentiel d’être encore plus puissant.
Et il y avait également l’ajout de potassium qui, lui aussi, abaisse la pression sanguine. Ce supplément nécessite toutefois la prudence dans les cas de troubles rénaux. L’étude chinoise excluait d’ailleurs les personnes atteintes d’une grave maladie du rein. L’essai a cependant montré qu’il n’y avait pas plus d’hyperkaliémie dans le groupe recourant au substitut que dans le groupe témoin. « Remplacer 25 % du sel par du chlorure de potassium est très sûr, mentionne la Dre Teitelbaum. Toutefois, il peut être dangereux de remplacer tout le chlorure de sodium par du sel potassique. Dans un produit de substitution, son pourcentage ne doit pas dépasser 50 %. »
La spécialiste recommande à ses propres patients de diminuer leur consommation de sel ou au moins de tenter d’utiliser un substitut. « Toute une panoplie de produits existe. Je conseille des rehausseurs de saveurs sans sel, comme Mrs. Dash. D’autres substituts sont composés d’épices et de glutamate monosodique, une substance au sujet de laquelle il y a beaucoup de fausses croyances. »
Les résultats d’une étude faite dans un milieu rural chinois peuvent-ils être transposés au Canada ? « Nous avons ici un grand problème : nous ingérons beaucoup de sel sans le savoir, déplore la neuro-intensiviste. Même si l’on en mettait nous-mêmes moins dans notre nourriture, nous en consommerions encore beaucoup. » Parce que des quantités insoupçonnées de sel se cachent dans les produits alimentaires. « Il y a du sel dans les céréales ou dans des aliments que l’on ne considère pas comme transformés. Le pain, par exemple, contient énormément de sel. C’est un produit qui fait partie de notre nourriture de base. Ce n’est pas comme si l’on achetait des plats congelés. »
La solution ? « Le vrai changement en Amérique du Nord doit venir du gouvernement. Il doit intervenir auprès de l’industrie alimentaire. Ne pourrait-on pas diminuer la quantité de sel ou imposer un produit de remplacement dans les aliments transformés pour aider la population générale de la même manière que l’on a mis de l’iode dans le sel pour prévenir l’hypothyroïdie ? se demande la Dre Teitelbaum. Nous, individuellement, ne pouvons pas avoir l’effet souhaité. Nous pouvons réduire la quantité de sel que nous ajoutons, mais il s’additionne à une tonne de sel de base. » //
« La beauté de la diminution de la quantité de sel, c’est que ça marche chez tout le monde. Que votre pression sanguine soit maîtrisée ou non, que vous ayez fait tout ce qu’il fallait ou non, il y a un effet. » – Dre Jeanne Teitelbaum |
1. Neal B, Yangfeng Wu Y, Feng X et coll. Effect of salt substitution on cardiovascular events and death. N Engl J Med 2021 : 385 (12) : 1067-77. DOI : https://doi.org/10.1056/nejmoa2105675.