Au moment de rédiger ce dernier éditorial à titre de président de la Fédération, je ne peux faire abstraction du climat difficile dans lequel évolue actuellement la médecine familiale au Québec. Une demande de soins en constante augmentation jumelée à un manque systémique et criant de ressources est certes à la base de ce climat difficile.
Toutefois, le style de gestion du gouvernement (dénigrement, menaces, recherche constante de contrôle et absence réelle de collaboration avec les médecins de famille), y est aussi incontestablement pour beaucoup. Cette attitude mène, avec raison, à un fort sentiment d’indignation, de colère et d’injustice chez les médecins omnipraticiens. Je partage ces sentiments profonds et je comprends le découragement de certains, surtout à la sortie d’une crise sanitaire sans précédent, où les médecins de famille ont été de tous les combats : urgence, hospitalisation, cliniques désignées d’évaluation (CDE), CHSLD, RPA, soins intensifs, maintien à domicile, accès populationnel dans les GMF, etc. Seules une incompréhension profonde de la réalité quotidienne des médecins omnipraticiens québécois ou une mauvaise foi patente peuvent expliquer une telle attitude. Deux motifs injustifiables en soi donc !
Pourtant, alors qu’approximativement 850 000 concitoyens sont actuellement en attente d’un médecin de famille sur le GAMF, il est évident que les omnipraticiens qui croulent déjà sous une charge de travail énorme, tant en clinique qu’en établissement, ne pourront jamais régler seuls les problèmes d’accessibilité aux soins de première ligne. Et Dieu sait combien les médecins de famille ont de l’empathie pour ces gens en attente ! C’est pourquoi nous demeurons impatients de notre côté d’enfin voir ceux qui nous gouvernent s’attarder aux vraies solutions pour désengorger la première ligne et la rendre plus fluide : moins de contraintes à la pratique et de contrôle bureaucratique, présence massive d’autres professionnels de la santé en GMF, couverture publique des services en physiothérapie et en psychologie, allègement des tâches administratives et réduction des délais pour certains tests diagnostiques, les consultations spécialisées et l’accès à certains intervenants clés en santé mentale dans le réseau public. Outre une valorisation réelle de la pratique de la médecine familiale, les solutions et la vision pour améliorer l’accès sont là, et pas ailleurs !
Les médecins omnipraticiens ne sont pas responsables des problèmes systémiques actuels du réseau de la santé. Et nous ne pouvons surtout pas être les seuls à trouver des solutions et à travailler en collaboration pour que le bon patient ait accès au bon professionnel de la santé au bon moment. Ce doit être un objectif collectif de tous les acteurs du milieu de la santé, dont en premier chef, le gouvernement. L’atteinte de cet objectif passera toujours en premier lieu par le respect des travailleurs touchés, et non par des mesures coercitives ou pénalisantes depuis trop longtemps présentes comme mode de gestion au Québec dans le réseau de la santé. Prôner une telle approche en 2021, c’est foncer directement dans un mur. Ce serait la moindre des choses que les politiciens et les autorités responsables aient la lucidité de le réaliser.
Enfin, au moment de tourner la page sur une aventure professionnelle et syndicale qui se sera étirée sur plus de quatre décennies, je ne peux m’empêcher de dire un immense merci à tous ceux qui m’ont soutenu au cours de toutes ces années, autant dans ma pratique médicale que comme président de la Fédération. Merci du fond du cœur aux médecins omnipraticiens pour leur soutien ! Ce fut un honneur d’être votre président. Notre profession a affronté, et affronte encore, de dures tempêtes, mais notre expertise unique, notre engagement quotidien et la reconnaissance immense d’une très vaste majorité de nos concitoyens nous permettront toujours, si nous demeurons solidaires, de braver la tourmente et d’en sortir plus fort. Ne l’oubliez jamais ! //
Le président, Dr Louis Godin |