attention aux incompréhensions !
Avec la fin des « zones rouges » de la lettre d’entente 269 et la perte d’accès au forfait horaire associé, plusieurs médecins sont revenus à leur mode de facturation habituel.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Depuis, vous avez été nombreux à poser des questions sur la facturation à tarif horaire ou sur son contrôle, particulièrement en CHSLD. L’accès au forfait horaire de la lettre d’entente 269 pendant un an et demi semble avoir constitué un point de repère pour le degré de rémunération attendu par les médecins qui exercent dans ce secteur. Et il semble aussi y avoir eu du roulement dans les contresignataires des feuilles de temps, ce qui peut provoquer une remise en question des façons de faire établies. Seriez-vous de ceux qui se posent des questions ?
La pandémie a été exigeante pour les médecins en CHSLD. Un grand nombre de patients atteints de la COVID-19 ont été traités sur place, ce qui a augmenté le besoin d’effectifs médicaux. Et malgré le nombre de personnes décédées, de nouveaux patients les ont remplacées. Il n’y a donc pas eu de délestage massif dans ce secteur. Ce n’est qu’avec la vaccination à grande échelle et la réduction de la propagation communautaire que les besoins de soins dans ces milieux ont pu revenir à un niveau plus normal.
Les médecins devront fort probablement s’adapter à d’autres changements. La possibilité d’intégrer l’ensemble des CHSLD privés non conventionnés au réseau a été évoquée. Quelques DRMG semblent croire que ces milieux ne sont pas visés par les modalités de l’entente sur la rémunération de la garde en disponibilité. Un tel changement pourrait donc être le bienvenu, car il faciliterait l’accès à la rémunération de la garde en disponibilité. Toutefois, certains milieux privés peuvent avoir conclu des ententes parallèles avec des médecins pour s’assurer de leur présence. Ces ententes pourront être scrutées de plus près si jamais ces milieux étaient intégrés au réseau public.
Revoyons donc certaines questions récurrentes. D’abord la possibilité d’être rémunéré à tarif horaire en CHSLD.
L’Annexe XXII précise les milieux où le tarif horaire (et les honoraires fixes) sont accessibles. On y trouve les CHSLD, de même que les unités de soins de longue durée en CHSGS. Il y a d’autres secteurs aussi. Pour une liste, consultez la chronique de juin 2018.
Bien que le mode soit accessible, le comité paritaire doit avoir transmis à la RAMQ le nom de chaque milieu ainsi visé. C’est ici que certains milieux rencontrent des problèmes. Lors de l’adoption de l’Annexe XXII, le comité paritaire a repris la liste des milieux existants et s’en est tenu à désigner les modes qui y existaient. Si les médecins d’un milieu ne facturaient à l’époque qu’à l’acte, le mode du tarif horaire n’a pas été ajouté à la désignation de ce milieu, à moins d’une demande de l’établissement.
Plusieurs installations dans des secteurs admissibles ne sont donc pas désignées, et la RAMQ n’accepte pas d’avis de service à tarif horaire tant que le comité paritaire ne l’informe pas de la désignation. Il suffit donc de faire la demande au comité paritaire.
Certaines incompréhensions ou certains mythes persistent. Quand l’accès au tarif horaire était fonction d’une entente particulière spécifique pour chaque secteur et de la désignation de chaque milieu, le comité paritaire fixait une banque d’heures pour les activités en fonction du nombre de lits et de la durée moyenne de séjour. Certains médecins y voyaient une forme de rémunération forfaitaire, comme si la banque accordée pour le nombre de lits pouvait se traduire par la facturation de la proportion d’heures que représentaient les patients dont était responsable le médecin par rapport à l’ensemble des patients du milieu, sans égard aux heures réelles de présence dans l’installation.
Une telle perception était fausse et l’est encore aujourd’hui. Le tarif horaire se facture pour des services effectués sur place dans le milieu visé. Le médecin très productif qui peut voir un grand nombre de patients en peu de temps a donc plutôt intérêt à changer de mode de facturation pour le mode à l’acte ou le mode mixte. S’il choisit de demeurer au tarif horaire, il doit se limiter à facturer le nombre d’heures durant lequel il rend des services.
Certains médecins ont, par le passé, justifié la majoration du nombre d’heures par le fait qu’ils répondaient à des appels en provenance du CHSLD pendant qu’ils étaient au cabinet, ce qui nuisait à la rentabilité de leurs activités. Depuis la réforme de la nomenclature en CHSLD en 2013, il existe un tarif à l’acte pour la réponse à un appel urgent du personnel clinique du CHSLD dans le but de répondre aux besoins de soins d’un patient hébergé (code 15622, tarif : 16,55 $). Ce code est facturable du lundi au vendredi de 8 h à 18 h (sauf les jours fériés) lorsque le médecin se trouve en dehors de l’installation. Ce dernier doit indiquer l’heure de début de l’appel lors de la facturation, mais pas le numéro d’assurance maladie du patient. Il a intérêt à s’assurer que le personnel note la conversation au dossier. Il peut conserver un registre des appels afin de faciliter la démonstration de ses activités à la RAMQ.
Les heures effectuées par un médecin à tarif horaire dans un milieu seront surtout fonction de deux facteurs : la lourdeur de la clientèle et le style de pratique du médecin. La pratique ne sera pas la même dans une unité protégée traitant des patients atteints de troubles cognitifs et ayant des problèmes de comportement que dans un CHSLD où la clientèle a des problèmes de mouvement, par exemple. Certains médecins s’en tiennent à l’essentiel tandis que d’autres ont une vision plus globale des besoins de leur clientèle. Le nombre d’heures pourra donc varier.
Le comité paritaire ne fixe plus de banques d’heures en fonction du nombre de lits d’un milieu. Le contrôle de la facturation des heures se fait localement, en fonction de la réalité de la pratique du médecin. Le ratio du nombre de lits par rapport à la charge de travail d’un médecin équivalent temps plein est encore utilisé, mais uniquement à des fins d’attribution des effectifs dans le cadre des plans d’effectifs médicaux des établissements et des plans régionaux de médecine générale, un exercice plus large qui n’a pas d’effet direct sur la facturation dans chaque milieu. Pour cet exercice, on suppose un équivalent temps plein (1540 heures par année) pour 200 patients, ratio qui souffre des imperfections décrites ci-dessus.
Certains médecins qui rendent le service d’aide médicale à mourir en CHSLD (comme ailleurs) peuvent vouloir se prévaloir du tarif horaire pour cette activité. Comme cette dernière est mieux rémunérée à l’acte par l’Entente, ils peuvent y voir une justification à majorer le nombre d’heures lors de leur facturation afin de produire une augmentation comparable. Ce n’est pas la bonne façon de faire. Le deuxième alinéa du paragraphe 1.01 de l’Annexe XXII prévoit qu’il est possible, pour le médecin normalement rétribué à tarif horaire, de se prévaloir du mode de rémunération à l’acte lorsqu’il effectue ce service ou qu’il remplit les formulaires associés. Il va sans dire que le médecin ne facture pas en plus son temps à tarif horaire pour ces activités spécifiques, car il n’est pas payé en double. Le médecin qui préfère facturer à tarif horaire doit réclamer les heures qu’il effectue et accepter que le montant soit inférieur à ce qu’il aurait pu réclamer à l’acte.
Le tarif horaire se facture pour des services effectués sur place dans le milieu visé, et non en fonction du ratio d’heures selon le nombre de lits dont est responsable le médecin. |
Pour ceux qui se questionnent sur la possibilité de facturer d’autres services à l’acte malgré leur nomination à tarif horaire ou à honoraires fixes, revoyez la chronique de mars 2020.
En raison de la rémunération des appels en semaine le jour, certains médecins voient une injustice à l’absence de rémunération pour les appels entre 18 h et 20 h en semaine (exception faite de ce que permet la lettre d’entente 269), période durant laquelle ils ne reçoivent pas de rémunération forfaitaire pour la garde en disponibilité. Toutefois, les appels ne sont rétribués que jusqu’à 18 h parce que les médecins de ce secteur n’effectuent généralement pas d’activités rémunératrices concurrentes après 18 h en semaine. Ainsi, les appels après 18 h ne les empêchent généralement pas de voir d’autres patients pour lesquels ils seraient rémunérés à l’acte à 19 h 30, par exemple. Et ils sont libres de se déplacer pour se rendre au CHSLD en cas de besoin et d’être rémunérés par la RAMQ pour les services rendus, en plus d’un forfait de déplacement.
La rémunération forfaitaire de la garde en disponibilité ne s’applique d’ailleurs pas aux services effectués durant la garde. Elle offre plutôt une compensation au médecin pour sa disponibilité. Le montant forfaitaire n’est pas une rémunération déguisée pour les appels. Et le médecin qui se prévaut de cette rémunération doit être en mesure de se rendre sur place en cas de besoin.
En ce qui a trait à la rémunération forfaitaire de la garde en disponibilité, nous avons déjà évoqué le fait que certains CHSLD privés non conventionnés sont perçus par certains DRMG comme ne faisant pas partie du réseau public et n’étant donc pas visés par l’Entente particulière sur la garde en disponibilité. C’est faux. Ces milieux sont admissibles, tout comme les milieux publics ou privés conventionnés.
Toutefois, certains milieux privés sont de petite taille (40 ou 50 lits) et n’atteignent pas le seuil de désignation pour un forfait réduit. Et comme ces milieux ne sont pas intégrés au réseau public, les médecins qui y exercent ne sont pas les mêmes que ceux des CHSLD publics du territoire. Cette particularité limite les possibilités d’intégrer la couverture du milieu dans celle des autres milieux du territoire, approche qui permettrait autrement d’atteindre la masse critique requise.
Certains CHSLD privés non conventionnés peuvent être tentés d’offrir une compensation aux médecins qui exercent dans leur milieu pour cette garde non rémunérée ou pour rendre la pratique dans le milieu plus attractive. Mais attention ! Le fait pour un établissement de verser des sommes à un médecin qui y détient des privilèges, en sus de ce que prévoit l’Entente, est interdit par la loi et contrevient au Code de déontologie des médecins. En ce qui a trait à la garde en disponibilité, aux yeux de la RAMQ, il s’agit d’un service assuré ou accessoire à un tel service du fait que l’Entente prévoit la possibilité de le rémunérer. Que le nombre de lits visés soit trop faible pour justifier l’octroi d’un forfait réduit n’y change rien.
Certains CHSLD privés de petite taille pourront demander au médecin d’assumer un rôle administratif afin de compenser l’absence d’un directeur des services professionnels. Cette approche peut permettre au milieu de rémunérer le médecin, mais il serait alors prudent d’en discuter avec la Direction des affaires professionnelles ou les Services juridiques de la Fédération pour éviter les surprises.
La loi interdit à un établissement de verser des montants à un médecin qui y détient des privilèges, en sus de ce que prévoit l’Entente, comme un incitatif financier ou une rémunération pour assurer la garde en disponibilité. |
Espérons que ces informations vous empêcheront de faire des faux pas et favoriseront la circulation d’information valable concernant la rémunération à tarif horaire et la pratique en CHSLD. Notre prochain article traitera de la facturation au mode mixte en l’absence d’activités cliniques. D’ici là, bonne facturation ! //