comment prévenir les lésions cutanées ?
Il existe différents moyens d'éviter ou de traiter les lésions dermatologiques liées aux mesures d’hygiène nécessaires contre la COVID-19. Une dermatologue, la Dre Marie-Claude Houle, qui s’est penchée sur la question avec ses collègues, les présente.
Plus la pandémie avance et plus le risque de lésions cutanées augmente chez certains travailleurs de la santé. Les sources d’irritation de la peau sont nombreuses : lavage des mains, port de gants, de masques, de visières. Que faire ?
La première étape est la prévention. Pour les mains d’abord. « Comme on doit se laver les mains souvent, il faut enlever tout ce qui est superflu tel que les bijoux et le vernis à ongles, qui peuvent augmenter l'irritation de la peau. Parallèlement, on doit utiliser une crème hydratante plusieurs fois par jour pour prévenir l'irritation et éviter l’apparition d’une dermatite active », explique la Dre Marie-Claude Houle, dermatologue au CHU de Québec et coauteure d’un guide sur la prévention des lésions dermatologiques publié sur le site de l’Association des médecins spécialistes dermatologues du Québec (dermatoqc.org/medecin)1.
Le recours à une crème hydratante peut sembler banal, mais il est efficace, selon une étude qui s’est penchée sur les moyens de prévention de la dermatite de contact2. L’émollient doit toutefois être appliqué fréquemment et généreusement pour former une barrière physique et empêcher la pénétration d’éléments irritants.
Autre précaution importante : se désinfecter les mains avec une solution antiseptique plutôt qu’avec de l’eau et du savon. « Des études ont prouvé que le lavage est beaucoup plus irritant que l’emploi du gel hydroalcoolique. Le fait de frotter la peau avec de l'eau et du savon enlève les gras qui permettent de garder l’hydratation cutanée », indique la Dre Houle, qui a fait une surspécialité dans le domaine de la dermatite de contact et de la dermatite professionnelle à l'Université de Toronto.
Les gants peuvent aussi constituer une source d’irritation. Ils créent une occlusion qui augmente la transpiration et bloque l’évaporation. Ainsi, avant de les enfiler, il faut s’assurer que les mains sont bien sèches. On doit également les retirer dès que possible parce l’effet de leur utilisation est cumulatif. « Le port de gants pendant six heures par jour pendant quatorze jours entraîne systématiquement un certain degré d’irritation sur la peau », précise le document de la Dre Houle et de ses collègues. Et l’ajout d’un autre facteur irritant, comme le lavage des mains, hausse encore le risque de lésions cutanées.
Et si l’on veut une protection supplémentaire contre les irritations cutanées ? On peut employer, en plus des émollients habituels, des crèmes barrières, comme celles qui sont à base de silicone. « Les études n’ont pas vraiment prouvé l’efficacité de ces produits appliqués seuls, mais il semblerait qu’utilisés avec les crèmes hydratantes, ils permettent de mieux prévenir l’irritation et même de traiter un début de lésion », mentionne la dermatologue, également codirectrice du programme de résidence en dermatologie de l'Université Laval.
Quand la peau commence à montrer des signes d’irritation (sécheresse ou démangeaisons), il faut passer à la prévention secondaire. Augmenter la fréquence d’application de crèmes hydratantes et, lorsque l'épiderme est déshydraté, recourir à un produit contenant de la gelée de pétrole, une substance très graisseuse. « Plus une crème est grasse, mieux c’est pour les mains. Mais ce n'est pas très pratique. On peut à peine tenir un crayon avec ce type de produit », indique la Dre Houle.
Mais parfois, il faut plus. « Il est possible que l'on ait aussi besoin d’une crème renfermant des corticostéroïdes. Elle devra être appliquée deux fois par jour », mentionne la spécialiste. Le contact avec les substances irritantes, quant à lui, doit être limité. « Quand on est en congé, ce n'est pas une bonne idée de faire du ménage et de se servir de détergents ou de gants qui irriteront encore plus notre peau. »
Comment protéger la peau du visage ? La réponse dépend du type d’épiderme. Certaines personnes ont une peau plutôt acnéique. « Comme le masque est très occlusif, il provoque l’apparition de boutons. Les gens qui ont tendance à faire de l'acné devraient, s’ils le peuvent, porter un masque chirurgical bleu, qui permet à l'épiderme de mieux respirer qu’un masque en tissu. En ce qui concerne les émollients, un produit à base d’eau devrait être privilégié », mentionne la Dre Houle.
D’autres personnes, comme celles qui souffrent d’eczéma, ont, au contraire, une peau sèche qui s’irrite facilement. « Pour ces gens-là, un masque en tissu est préférable aux masques chirurgicaux qui sont rêches et irritants. En ce qui concerne les émollients, ils peuvent employer un produit un peu plus gras. »
Parfois, après l’utilisation d’un nouveau savon ou le port d’un masque différent, des rougeurs apparaissent. Comment savoir s’il s’agit d’une irritation ou d’une allergie ? « Dans au moins 80 % du temps, ce sont des irritations, répond la spécialiste. Si le traitement de prévention de base ne fonctionne pas, il sera alors nécessaire de demander une consultation en dermatologie pour obtenir des tests d'allergie. »
Une irritation peut finir par apparaître sur la figure. À la fin de la journée, quand on ne porte plus le masque, on peut alors appliquer un onguent composé d’huile minérale ou de gelée de pétrole sur la région touchée.
Si on doit porter continuellement un couvre-visage, on peut, pour protéger la peau, appliquer une crème barrière ou recourir de façon prophylactique à un pansement d’interface. « Dans certains pays, comme le Portugal et la Chine, les professionnels de la santé utilisent des pansements hydrocolloïdes, comme DuoDERM, sous les masques de type N95. On peut les couper et les mettre sur la base du nez ou sur les pommettes, qui sont les points d’appui du masque », explique la Dre Houle. Il faut cependant s’assurer que le pansement ne réduit pas l’étanchéité du masque N95.
Quand une lésion s’est déjà formée, il est par ailleurs possible d’employer des films à base de cyanoacrylate. « Ce sont des pansements transparents utilisés pour les patients qui ont des colostomies. » Ils créent une couche protectrice à la surface de la peau.
Il existe ainsi différentes solutions pour éviter ou traiter les lésions cutanées causées par les mesures de protection contre la COVID-19. La Dre Houle et ses collègues présenteront un webinaire sur ce sujet le 8 février à midi sur le site de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (fmsq.org). //
1. Houle, MC, Besner Morin C et Hemery ML. Description et prévention des lésions dermatologiques liées au port des équipements de protection individuelle (EPI) et autres techniques d’hygiène dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Montréal et Québec : Centre hospitalier de l’Université de Montréal, CHU de Québec-Université Laval ; octobre 2020. 12 pages.
2. Bauer A, Rönsch H, Elsner P et coll. Interventions for preventing occupational irritant hand dermatitis. Cochrane Database Syst Rev. 2018 ; 4 (4) : CD004414.