Nouvelles syndicales et professionnelles

Prévention du vieillissement

Volume du cerveau et activité physique

Élyanthe Nord  |  2021-01-29

L’activité physique est une précieuse alliée du cerveau. Une nouvelle étude vient de montrer que les personnes âgées qui font de l’exercice, même de manière peu intense, ont un volume cérébral plus important que les gens du même âge totalement inactifs.

Dr Hakim

Comme tout organe, le cerveau vieillit. Au fil des ans, son volume total diminue, son cortex s’amincit et ses artérioles se bloquent. Chaque année, il pourrait perdre quelque 3 cm3 de matière. « C'est ce qui arrive si on ne prend pas les mesures nécessaires pour le protéger », affirme le Dr Antoine Hakim, neurologue à l’Hôpital d’Ottawa, qui s’intéresse entre autres aux vulnérabilités du cerveau et à la neuroprotection.

L’une des solutions préconisées par le spécialiste : l’activité physique. Une nouvelle étude publiée dans le JAMA Network Open vient d’ailleurs de montrer que les personnes âgées qui font 150 minutes d’exercice d’intensité moyenne ou vigoureuse par semaine ont un cerveau plus volumineux que celles qui n’atteignent pas ce niveau. Elles possèdent en moyenne 19 cm3 de plus. Et leur cortex est plus épais de 0,02 mm. Ces données correspondraient à de quatre à six années de vieillissement de moins.

« Le cerveau rétrécit, parce qu'il est mal irrigué, explique le Dr Hakim, professeur à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. Le cerveau ne bat pas comme le cœur, ne bouge pas comme un muscle, mais consomme une quantité incroyablement importante d'énergie. Il dépend donc totalement de la circulation sanguine. »

Un effet lié à la quantité

C’est à l’Université Colombia, à New York, que des chercheurs, la Dre Yian Gu et ses collaborateurs, se sont penchés sur l’association entre l’exercice et différentes mesures du cerveau chez 1443 personnes âgées en moyenne de 77 ans (encadré 1) 1. Ils avaient déjà montré chez ces participants qu’une plus grande activité physique était associée à un plus faible risque de maladie d’Alzheimer.

Cette fois-ci, l’équipe a découvert une relation dose-effet entre l’exercice et le volume cérébral. Les sujets qui avaient une activité physique relativement importante ( 1025 équivalents métaboliques [MET]-min/semaine) possédaient un cerveau en moyenne de 13 cm3 plus volumineux et un cortex plus épais de 0,016 mm que les participants totalement sédentaires. « C’est l’équivalent de trois ou quatre ans de vieillissement », indiquent les auteurs. Les participants qui possédaient les cerveaux les plus volumineux étaient par ailleurs ceux qui suivaient les lignes directrices sur l’activité physique et faisaient au moins 150 minutes d'exercice relativement vigoureux par semaine. Cependant, une activité physique même légère était bénéfique (de 0 à 450 MET-min/semaine) : elle était associée à un volume cérébral d'au moins 9 cm3 de plus que celui des sujets qui ne faisaient aucun exercice.

Ainsi, l’activité physique est incontournable pour le cerveau. « Il faut faire au moins 20 minutes par jour d'un exercice qui essouffle. Les vaisseaux sanguins s'ouvrent alors, et le cerveau devient plus irrigué. Un moins grand volume d'activité peut quand même être bien, mais il ne faut pas tomber à zéro. On ne doit pas s'asseoir devant sa télévision toute la journée. Le cerveau d'une personne qui ne fait aucun exercice se referme tout doucement et ne sert plus », indique le Dr Hakim, qui a par ailleurs reçu le prestigieux Prix Canada Gairdner Wightman en 2017.

UN MOYEN DE PRÉVENTION pour les personnes à risque

Aux yeux de la Dre Gu et de ses collègues, l’exercice est un précieux outil de prévention. « Pour les personnes qui présentent un plus grand risque de maladie d’Alzheimer, il est particulièrement important de connaître les facteurs protecteurs potentiels qui peuvent ralentir la trajectoire de l’affection vers le stade clinique. »

Parmi les participants de l’étude, 27 % étaient d’ailleurs porteurs de l’allèle de l’apolipoprotéine (APOE) …4, un important facteur de risque de la maladie d'Alzheimer. Chez eux aussi, l’exercice semblait bénéfique pour le cerveau, même si son effet sur le volume cérébral total était beaucoup moindre que chez les autres.

« Notre étude s'ajoute à celles qui semblent indiquer que l'activité physique peut constituer une cible d'intervention importante pour la santé du cerveau et la prévention de la démence parmi les porteurs de l’allèle APOE …4. De toutes les régions cérébrales, l'hippocampe, par son volume, semble être la zone clé de la réponse à l'activité physique, probablement à cause de sa plasticité et de sa sensibilité à l’atrophie liée à l'âge », estiment les chercheurs.

Le lien entre la taille du cerveau et l’exercice physique apparaissait par ailleurs dans les différents groupes ethniques de l’étude. La cohorte comportait à part presque égale des Blancs, des Noirs et des Hispaniques. « À notre connais­sance, il s'agit de la première étude à montrer une association entre l'activité physique et le volume du cerveau parmi les personnes afro-américaines et hispaniques, groupes où le risque de maladie d'Alzheimer est plus élevé que chez les personnes blanches », indiquent les auteurs de l’étude.

À quel âge faut-il commencer à s’inquiéter de la réduction de la taille de son cerveau ? « Il n'y a pas d'âge, répond le Dr Hakim, lui-même un jeune homme de 78 ans. Le cerveau commence à rétrécir dès qu'on arrête d’en prendre soin. Certaines personnes très âgées sont capables d’effectuer toutes sortes d'activités mentales parce qu’elles continuent à faire bénéficier leur cerveau de bonnes influences (encadré 2). Il y a plusieurs exemples de personnes de 90 ou de 100 ans qui ont de grandes capacités intellectuelles. » //

Bibliographie

1. Gu Y, Beato J, Amarante E et coll. Assessment of leisure time physical activity and brain health in a multiethnic cohort of older adults. JAMA Netw Open 2020 ; 3 (11) : e2026506. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2020.26506.


Encadré
Encadré 2