Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Deux genres de milieux accueillent les personnes condamnées pour des offenses criminelles : les établissements de détention (de compétence provinciale et régis par le ministère de la Sécurité publique) et les pénitenciers (de compétence fédérale et régis par le ministère de la Justice). Du fait de ce découpage, les soins de santé en établissement de détention sont rémunérés par la RAMQ (sauf quelques exceptions dont nous traiterons plus loin). Comme c’est le gouvernement fédéral qui paye les médecins qui exercent dans les pénitenciers, nous n’aborderons pas ces sujets. Ces médecins s’entendent directement avec le ministère responsable.
Outre la provenance de la rémunération des médecins, ce qui distingue ces deux types de milieux est la durée de la sentence des détenus. Les personnes faisant l’objet d’une sentence de moins de deux ans sont prises en charge par le gouvernement provincial tandis que les autres relèvent du gouvernement fédéral. La clientèle de ces deux milieux est par conséquent différente. Les auteurs de crimes graves se retrouvent donc généralement dans un pénitencier, bien qu’ils puissent séjourner dans un établissement de détention en attendant leur procès.
La clientèle des établissements provinciaux n’est pas « facile » pour autant. On y trouve, en effet, beaucoup de personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Ces patients ont la réputation d’être manipulateurs et revendicateurs, formulant souvent des plaintes au Collège des médecins sur les soins reçus ou les refus du médecin d’accéder à leurs différentes demandes (notamment la prescription de narcotiques ou de sédatifs). À cette réalité s’ajoute celle des contraintes administratives liées à cette pratique, soit les fouilles et l’obligation de se départir de son téléphone cellulaire à son arrivée. Le cadre ne ressemble pas à celui d’une pratique en établissement hospitalier ou en cabinet.
Bien que les honoraires facturés pour les services de santé offerts en milieu de détention soient pris en charge de longue date par la RAMQ, la garde en disponibilité et les services administratifs ne l’étaient pas. Par conséquent, en plus des modalités applicables au versement de leurs honoraires par la RAMQ, ces médecins devaient convenir d’un contrat de service avec le ministère de la Sécurité publique qui fixait des obligations pour la garde en disponibilité (heures et jours à couvrir) de même qu’un nombre d’heures déterminé de services administratifs pouvant être rémunéré. Ce contrat imposait aussi au médecin l’obligation d’assurer ces services en tout temps, parfois seul, parfois avec d’autres.
Les parties négociantes ont convenu de mettre en application un cadre général pour rémunérer les services (tant cliniques que médico-administratifs) en centre de détention dès le 1er avril 2021. |
Cette réalité change progressivement depuis bientôt cinq ans. Le personnel professionnel de la Sécurité publique est graduellement remplacé par celui des établissements de santé, à raison de quelques centres de détention par année. Pendant cette période, les médecins des quelques établissements de détention transférés sont visés par une entente avec l’établissement de santé responsable des soins des détenus. Ces ententes spécifient le nombre d’heures de garde en disponibilité de même que le nombre d’heures de travail rémunérées pour des services médico-administratifs. Les médecins facturent l’ensemble de ces services à la RAMQ, et non plus certains à la RAMQ et d’autres au ministère de la Sécurité publique. Le plus souvent, tant les services cliniques que médico-administratifs sont rémunérés à tarif horaire conformément aux aménagements existants. Toutefois, certains médecins préfèrent être rétribués selon le mode à l’acte pour les services cliniques.
La responsabilité des services de santé des deux plus grands centres de détention (Montréal et Québec) n’a toujours pas été transférée au ministère de la Santé. Selon l’échéancier annoncé, ce transfert devait être terminé le 1er avril 2020. Pour diverses raisons, il pourrait néanmoins prendre plusieurs années ou carrément ne pas avoir lieu. Comme tous les autres milieux ont été transférés, les parties négociantes ont convenu de mettre en place un cadre général pour rémunérer les services cliniques et médico-administratifs en centre de détention dès le 1er avril 2021. Pour les deux milieux non transférés, les modalités médico-administratives sont fixées, mais n’entreront en application qu’une fois le transfert effectif. D’ici là, l’encadrement hybride, comme auparavant, est conservé.
La garde en disponibilité est dorénavant rémunérée par un nombre de forfaits trimestriels, dont le nombre est fixé pour chaque milieu selon la durée et la lourdeur de la garde. |
L’accès au tarif horaire pour les services cliniques offerts en centre de détention découlait de plusieurs accords différents portant spécifiquement sur certains milieux. L’accord 206 était le plus important, mais d’autres permettaient au médecin en CLSC de se prévaloir du tarif horaire dans un centre de détention spécifié (accords 69 et 209) ou donnaient accès aux modalités de l’accord 206 (accords 457, 694 et 712). Les accords 206 et 457 seront abolis, de même que la modalité propre à l’Entente particulière relative aux médecins qui exercent leur profession dans ou auprès d’une installation d’un établissement dans le cadre de la mission du centre local de services communautaires qui accordait une prime sur les activités en établissement de détention (paragraphe 3.05).
À compter du 1er avril 2021, c’est l’Entente particulière ayant pour objet les conditions d’exercice et de rémunération du médecin qui exerce sa profession dans un établissement de détention sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique du Québec qui encadrera la rémunération du médecin.
Les établissements de détention sont énumérés à l’entente particulière, tout comme les heures durant lesquelles la garde en disponibilité doit être assurée dans chaque milieu. Ainsi, l’entente particulière fixe le nombre de forfaits trimestriels prévus pour la rémunération de la garde. Le nombre octroyé à chaque milieu a été fixé en fonction de la durée et de la lourdeur de la garde. Généralement, plus le nombre de détenus est important, plus la durée et la rémunération de la garde le seront également.
Les médecins n’ont pas à détenir de privilèges dans l’établissement de santé responsable des soins dans l’établissement de détention. C’est plutôt le comité paritaire qui les désigne. Le CISSS ou le CIUSSS doit informer le comité paritaire des dates de début et de fin d’activité du médecin. Une personne responsable au sein de l’établissement de santé contresignera les demandes de paiement du médecin à tarif horaire ou à honoraires fixes. Il est de plus possible de faire désigner des « remplaçants » qui peuvent couvrir la garde pendant l’absence du médecin principal. Auparavant, en raison du contrat entre le médecin et le ministère de la Santé publique, le médecin était tenu d’assurer la garde en tout temps. S’il se faisait remplacer, il devait quand même facturer les services offerts et s’arranger avec son remplaçant. Ce mode de fonctionnement n’existe plus. Le cadre est dorénavant plus proche de celui qui prévaut en établissement hospitalier. Il y a plus de souplesse. Espérons que ces changements permettront à plus de médecins de s’intéresser à cette pratique et possiblement de la choisir.
Comme le médecin ne détient pas de privilèges de l’établissement de santé pour ce volet de sa pratique, il n’est pas tenu de respecter l’obligation de préavis de soixante jours prévu par la loi. C’est plutôt le code de déontologie qui s’applique. Le médecin doit donc donner un préavis raisonnable avant de quitter l’établissement.
La prime horaire existante sur le tarif horaire et les honoraires fixes pour les activités cliniques et médico-administratives passe de 16,25 $ à 40,45 $. Comme dans d’autres milieux visés par des primes, 95 % des heures sont comptabilisées aux fins de cette modalité. La RAMQ verse la prime chaque trimestre sans que le médecin ait à la facturer.
Ça vous éclaire ? Reste à discuter des modifications à la rémunération à l’acte, de même que des conséquences liées aux changements apportés aux modalités de rémunération de la garde en disponibilité et des activités médico-administratives. D’ici là, bonne facturation ! //