La dernière année a été contraignante et difficile pour beaucoup de gens. Et nous, les médecins omnipraticiens, au front pratiquement partout dans le réseau de la santé, n’avons pas été épargnés. On a beaucoup exigé de nous : maintien de l’offre de services de prise en charge en première ligne, couverture populationnelle au service de consultation sans rendez-vous, réaffectation en soins de longue durée (CHSLD et RPA) et en clinique de dépistage et d’évaluation (CDE), omniprésence et heures nombreuses en milieu hospitalier, etc. Et le tout avec des congés rarissimes !
Et aujourd’hui, rien n’indique que nos tâches vont aller en diminuant, au contraire. On nous en demande toujours autant, sinon plus. Et on nous offre malheureusement de moins en moins de soutien, particulièrement en première ligne depuis le rapatriement d’infirmières vers les établissements en raison de la pandémie. Comprenons-nous bien : dans un effort de guerre comme celui que nécessite une pandémie, il est essentiel que les médecins soient présents au front et fassent un effort exceptionnel. Et c’est avec énormément de fierté que les omnipraticiens ont répondu à l’appel sans relâche au cours de la dernière année.
En sus de la lourdeur de la tâche, il est cependant difficile, à certains moments, de ne pas se décourager quand le gouvernement, avec un sens du timing parfois discutable, voire inexplicable, y va d’initiatives qui envoient aux médecins un message forcément négatif. Pensons notamment à la proposition initiale du ministère de la Santé, en février, qui prévoyait de nouveaux paramètres tout à fait irréalistes pour le programme de GMF. Mettre sur la table et au nez des médecins des propositions encore plus contraignantes quand chaque milieu de soins au même moment fait l’impossible, malgré un manque de ressources, pour maintenir une offre de services adéquate et de qualité ne fait que créer inutilement insécurité, frustration et découragement. Surtout quand on sait que de nombreux irritants subsistent au quotidien et alourdissent en vain la tâche des médecins de famille, tout en desservant les intérêts des patients. C’est le cas de l’accès trop souvent laborieux aux consultations spécialisées et à certains examens, des lacunes occasionnelles ou régulières des DME et du DSQ, de la complexité de la facturation, de la lourdeur associée au remboursement des médicaments d’exception et de la reconnaissance des patients d’exception, des difficultés à se faire vacciner pour les médecins œuvrant en cabinet à Montréal, etc. Inutile d’en ajouter, la cour est pleine !
Voilà pourquoi je souhaite absolument transmettre deux messages aux omnipraticiens. D’abord, que leur Fédération partage leurs frustrations et qu’elle connaît les difficultés qu’ils vivent tous les jours sur le terrain. Soyez assurés que votre Fédération communique fermement vos frustrations, vos difficultés et la réalité que vous affrontez véritablement sur le terrain aux représentants du gouvernement et qu’elle continuera de le faire. La Fédération travaille constamment, pandémie ou pas, peu importe le dossier, pour en arriver à des compromis et à des ententes acceptables.
Enfin, comme second message, je souhaite simplement inciter tous les médecins omnipraticiens, en dépit des obstacles et de la lourdeur de la tâche, à ne pas se décourager. Nous avons, malgré l’adversité, accompli énormément de choses comme groupe au cours des dernières années et en accomplirons encore beaucoup dans les mois et les années à venir, j’en suis convaincu. Ce n’est pas une manchette médiatique, un projet gouvernemental ou même une pandémie qui altéreront l’expertise, la résilience et l’engagement des médecins de famille québécois, ni l’estime et la reconnaissance que les patients leur témoignent. Il en faudrait beaucoup plus pour en venir à bout. Et la dernière décennie l’aura amplement prouvé.
Le 22 mars 2021
Le président, Dr Louis Godin |