Entrevues

Entrevue avec le président de l’association de Laurentides–Lanaudière

Construire dans le sillage de la pandémie

Élyanthe Nord  |  2021-03-29

Premier vice-président de la FMOQ et président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laurentides–Lanaudière (AMOLL), le Dr Marc-André Amyot estime que la pandémie a permis plusieurs avancées sur lesquelles on peut construire un système de santé plus efficace.

M.Q. — Quel a été l’apport des omnipraticiens pendant la pandémie ?

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M.-A.A. – Les médecins de famille ont joué un rôle clé au cours de cette crise. Ils ont eu une participation importante dans tous les secteurs de pratique, en particulier dans les CHSLD, les résidences pour aînés (RPA) et le maintien à domicile. Ils ont également fait partie des équipes médicales d'intervention (EMI) et sont allés travailler dans les cliniques désignées d’évaluation (CDE). Ils ont été au cœur de l'effort collectif. Dans les GMF, par exemple, ils ont augmenté l’accès aux soins de la population non inscrite. Dans les hôpitaux, ils étaient à l'urgence et dans les unités réservées à la COVID-19. Les omnipraticiens étaient également très présents dans l'organisation des soins : ils ont notamment mis sur pied les gardes des RPA et des EMI. La pandémie a montré que, plus que jamais, on était prêt à agir rapidement et efficacement dans tous les secteurs d'activité. On peut être fiers de ce que nous avons fait.

M.Q. — On a vu beaucoup de solidarité entre les médecins eux-mêmes.

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M.-A.A. – Il y a eu en effet beaucoup d'entraide entre collègues. On a remplacé au pied levé des confrères qui passaient un test de dépistage ou avaient été déclarés positifs. On a examiné les patients de ceux qui ne pouvaient faire que de la téléconsultation à cause de problèmes de santé ou de l’âge. Je tiens d’ailleurs à remercier les médecins de famille d'avoir répondu présents et de s’être serré les coudes.

M.Q. — Que doit-on garder des changements nécessités par la crise ?

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M.-A.A. – Certaines des solutions et des idées apparues nous ont permis d’améliorer nos pratiques. La téléconsultation, par exemple, a été la grande avancée de la crise. C’est un outil utile tant pour les médecins que pour les patients. Évidemment, il ne peut être employé pour tous les problèmes de santé. Pour quelle proportion peut-on y recourir ? Je l’ignore. Cela dépend de la clientèle et du type d’affection. Mais même si la téléconsultation ne permet pas de tout régler, elle reste un outil précieux.

M.Q. — Quelles autres améliorations faut-il conserver ?

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M.-A.A. – Je dirais toutes celles qui ont été apportées dans le domaine des soins aux personnes âgées. La pandémie a mis en évidence les limites de notre système. Il va falloir non seulement conserver les nouvelles mesures, mais repenser toute notre approche des services médicaux aux aînés. Des équipes ont été créées dans l’urgence pour éteindre des feux, mais on devra mieux organiser et structurer les soins offerts.
Il y a également eu beaucoup d'améliorations en ce qui concerne l'accès à la première ligne. Les médecins de famille ont été très actifs dans ce domaine pendant la pandémie. La majorité des GMF offrent maintenant un accès populationnel. C'est un service important qui, à mon avis, devra se poursuivre, sur une base volontaire bien évidemment.

M.Q. — À la lumière des besoins qu’a mis en évidence la COVID-19, à quoi faut-il maintenant s’attaquer ?

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M.-A.A. – Je pense qu’il faut optimiser tous les outils technologiques, notamment les dossiers médicaux électroniques (DME). Ils évoluent à la vitesse grand V. Certains offrent, par exemple, la possibilité de faire des visioconsultations. Il faut saisir ces occasions.
L’AMOLL a pris l’initiative d’aider ses membres dans ce domaine. Nos médecins ne sont pas des spécialistes en informatique. Ils veulent être conseillés et épaulés dans le choix de leur DME. En septembre dernier, nous les avons donc sondés pour connaître leurs besoins et savoir ce qu'ils appréciaient de leur dossier électronique. Nous avons construit une grille d'analyse pour le volet technique et une pour le volet médical. Nous avons ensuite rencontré les fournisseurs de DME. Nous allons analyser toutes ces informations et communiquer nos résultats à nos membres. Nous pourrons également partager nos conclusions avec les médecins des autres régions.

M.Q. — Faudrait-il aussi optimiser le Dossier santé Québec ?

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M.-A.A. – Certains médecins me disent : « Le DSQ, c'est bien, mais pourquoi ne fournit-il pas les feuilles sommaires d'hospitalisation ? Pourquoi n'a-t-on pas les résultats de consultation, les rapports de pathologie, les électrocardiogrammes de nos patients ? » Les médecins en veulent plus. Il faut développer ce volet des technologies de l'information pour optimiser la pratique.

M.Q. — Y a-t-il d’autres domaines qu’il faut améliorer ?

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M.-A.A. – Il y a les communications avec les autres professionnels de la santé. En février dernier, l’AMOLL a formé un comité pour analyser tous les aspects des communications avec les pharmaciens. C’est un groupe de travail où siègent des omnipraticiens et des pharmaciens. Le gros problème auquel nous devons faire face est l'importante quantité de télécopies que nous recevons. Comment optimiser le travail interprofessionnel en comprenant la réalité de chacun ?

M.Q. — Le problème s’est accru pendant la pandémie ?

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M.-A.A. – Il est devenu plus criant parce que les patients consultaient moins régulièrement leur médecin. Pour diminuer l’achalandage dans les cliniques, on leur avait dit de retarder un peu leur visite médicale, s'il n'y avait pas de changement dans leur état de santé. Il y a donc eu des renouvellements de prescriptions à faire pendant cette période, et les pharmaciens nous ont alors envoyé plus de télécopies.
Les communications avec les spécialistes constituent par ailleurs un autre volet important. Le projet de télé-expertise e-Consult devrait permettre des progrès. Même si nous ne sommes pas une région pilote, je pense que cela va être un outil utile pour les médecins de famille.

M.Q. — La lutte contre la pandémie n’est pas encore terminée. Qu'est-ce qui reste le plus difficile pour les médecins de famille ?

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M.-A.A. – C'est la pénurie de médecins de famille, le manque de personnel et la fragilité du réseau. On doit toujours travailler à la limite de ce que l'on peut donner et de la sécurité des soins. On manque de médecins de famille. C'est épouvantable. Il faut absolument augmenter les cohortes en médecine familiale.
La pénurie, par ailleurs, ne concerne pas seulement les médecins. On manque aussi de préposés aux bénéficiaires, d’infirmières, etc. J'étais à l'urgence en fin de semaine. Régulièrement, l’équipe doit travailler avec trois, quatre ou même cinq infirmières de moins. Tous les jours, on vit cette pénurie de personnel dans le réseau.

M.Q. — Qu'est-ce qui motive les médecins à continuer ?

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M.-A.A. – À mon sens, c’est la reconnaissance de la population. Le fait de se faire dire merci. Les patients sont conscients que nous sommes plus que jamais là pour eux. Savoir que notre travail est apprécié, que notre dévouement est reconnu nous aide à poursuivre. //