Nouvelles syndicales et professionnelles

Pour faire face au stress lié à la pandémie

une formule associant formation et groupes de pairs

Élyanthe Nord  |  2021-03-29

Dre Sandra Roman

Une des meilleures façons de faire face au stress, ou même à la détresse, lié à la pandémie pourrait être une formule mixte : formation et groupe de soutien entre pairs. C’est ce modèle qu’ont mis au point les Dres Sandra Roman et Claire Gamache, du comité Santé des membres du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval.

Pour créer leur atelier, les deux médecins se sont entre autres servies des leçons tirées de la crise du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) à Toronto, en 2003. Après l’épidémie, un psychiatre ontarien et son équipe ont analysé les répercussions des événements sur le personnel. Ce qu’ils ont conclu ? « Le SRAS a été associé à un niveau significatif de stress de longue durée chez les travailleurs de la santé, mais pas à une hausse des maladies mentales. »1 Quelle est alors la meilleure façon d’aider les personnes touchées ? Améliorer leur résilience, estiment les spécialistes.

« Les chercheurs ont conclu que pour soutenir les travailleurs, il était préférable d’insister sur les mécanismes d’adaptation et de gestion du stress. On doit stimuler les mécanismes naturels. En nous fondant sur ces concepts, nous avons décidé d'inclure un contenu pédagogique dans notre approche », indique la Dre Roman, médecin-conseil à la Direction de santé publique du CISSS de Laval.

L’omnipraticienne et la Dre Gamache, psychiatre, expliquent ainsi aux participants, au cours de leur atelier, que les réactions qu’ils ont sont normales dans un contexte anormal. Elles leur parlent des quatre blessures liées à la pandémie, telles qu'elles ont été définies par la Dre Patricia Watson, du National Center for PTSD des États-Unis : les blessures liées aux traumatismes, celles qui sont associées aux pertes et aux deuils, les blessures d’usure et de fatigue et, enfin, les blessures morales, qui se produisent quand les médecins ne peuvent, par exemple, prodiguer aux patients les soins qu’ils jugent nécessaires.

Ce volet de formation, qui permet à l’activité d’être accréditée, comporte diverses informations pratiques. « On indique entre autres qu’il faut se centrer en équipe sur certains piliers comme le sentiment de sécurité, le calme, les relations significatives, le sentiment de compétence et une perspective d'espoir, qui sont les composantes des premiers soins psychologiques », mentionne la Dre Roman.

Mais pourquoi faire aussi de l’atelier un groupe de pairs ? « Les facteurs dominants de l'épuisement dans des situations comme la pandémie sont la perte de sens et le fait de ne pas avoir de relations significatives. Les groupes de pairs peuvent répondre à ces problèmes », précise la médecin. Sa collaboratrice et elle ont retenu ce modèle après avoir discuté avec Mme Rachel Thibeault, l’experte en résilience avec qui elles ont collaboré.

Soutien entre pairs

Le volet « soutien entre collègues » de l’activité des Dres Roman et Gamache permet de stimuler les échanges entre participants. Une première question est, dans ce cadre, posée aux médecins : « Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous actuellement ? » Les réponses peuvent toucher différentes sphères de la vie. « Parfois, ce qui est le plus difficile se rapporte à la vie personnelle. Les médecins vont se sentir coupables parce qu’ils travaillent beaucoup et sont moins présents à la maison pour les enfants ou n’ont pas le temps d’aller voir des proches âgés. Le groupe est un bon espace pour discuter de toutes ces questions-là », estime la Dre Roman.

Puis, il y a une seconde question : « Qu’est-ce qui vous a aidé le plus à traverser la crise ? » Les réponses des médecins sont diverses : leurs proches, leurs enfants, la nature, la pratique de la méditation de pleine conscience. Certains mentionnent le soutien de leur équipe. « Parfois, il y a des manifestations spontanées de gratitude ou des remerciements. Les gens vont se dire de belles choses entre eux dans ces rencontres-là. »

Cette deuxième étape est importante. « C'est un moment pour prendre conscience du fait qu'on est peut-être plus résilients qu'on le pense et qu'on a mis des solutions en place. Le fait d’expliquer à tour de rôle ce qu'on fait pour mieux s’en sortir permet également de s'inspirer les uns des autres. »

Vient finalement le moment de faire le bilan de la rencontre. De voir ce qu’elle a apporté. « Les médecins vont nous dire : "Ça m'a fait du bien. J'ai senti une vraie connexion. La réunion m'a permis de réfléchir." C'est à ce moment-là que les gens réalisent qu'ils avaient peut-être un besoin qu’ils ignoraient : s’asseoir, réfléchir à la situation, mettre leurs pensées en commun et remarquer ce qui fonctionne bien dans l'équipe », indique la Dre Roman.

« Il faut se centrer en équipe sur certains piliers comme le sentiment de sécurité, le calme, les relations significatives, le sentiment de compétence et une perspective d'espoir, qui sont les composantes des premiers soins psychologiques. » – Dre Sandra Roman

Formation des formateurs

De nombreuses équipes de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, ont participé à ces ateliers « formation-groupes de pairs ». Les Dres Roman et Gamache ont rencontré notamment les médecins de l'urgence, des soins intensifs, de la gynécologie, de l’hémato-oncologie, de la microbiologie et des unités de soins.

Leur formule pourrait être bientôt offerte ailleurs dans la province. Les deux médecins viennent, en effet, de former huit animateurs de différentes régions, comme l’Estrie, la Gaspésie, la Mauricie ainsi que de la ville de Québec. Ces omnipraticiens pourront organiser à leur tour des groupes et donner une formation qui pourra être accréditée.

« La formule que nous proposons n'est pas une thérapie de groupe ni un débreffage. C'est une rencontre où les médecins peuvent échanger sur leurs difficultés, mais aussi prendre conscience de leurs outils de résilience. Il ne faut pas penser que ces activités-là s'adressent seulement à ceux qui trouvent la situation difficile. Elle l’est pour tout le monde. Il faut voir les défis, mais aussi les belles choses qui se produisent. » //

Bibliographie

1. Maunder RG, Leszcz M, Savage D et coll. Applying the lessons of SARS to pandemic influenza: an evidence-based approach to mitigating the stress experienced by healthcare workers. Can J Public Health 2008 ; 99 (6) : 486-8.