La réceptionniste de la clinique arrive en pleurs dans votre bureau. Bouleversée, elle vous relate qu’une patiente vient tout juste de l’engueuler au téléphone en la traitant d’idiote et en mentionnant qu’elle se plaindra des services de la clinique sur les réseaux sociaux. Que devez-vous faire ?
Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Cette scène n’est malheureusement pas rare. Elle se répète trop souvent. Qui plus est, la pandémie de coronavirus aura exacerbé ce type de comportement dans le quotidien de plusieurs cliniques médicales au Québec.
Les membres du personnel administratif d’une clinique médicale, tout comme les médecins qui y exercent, sont fréquemment la cible de la mauvaise humeur et des comportements agressifs de certains patients.
Aucune clinique médicale ne devrait tolérer des comportements agressifs envers les membres de son personnel et ses médecins, quelle qu’en soit la forme. Toute manifestation violente, qu’il s’agisse de menace, d’intimidation ou de chantage, et toute forme de harcèlement ou de propos injurieux ne peuvent être passées sous silence. Elles doivent être prises en charge et corrigées.
Les cris, les menaces, les insultes, l’intimidation ou les propos grossiers dont sont victimes les membres du personnel et les médecins d’une clinique peuvent avoir des conséquences très néfastes sur la bonne marche de l’entreprise. Ils peuvent en effet occasionner :
h un degré démesuré de stress ;
h des absences ;
h une détérioration importante du climat de travail au sein de la clinique.
Comme on peut le voir, les comportements liés à l’intimidation, aux insultes et aux menaces peuvent avoir une influence négative sur la santé globale d’une clinique médicale.
Les cliniques médicales ont des obligations envers leurs employés. Comme tous les employeurs, elles doivent s’assurer que les conditions de travail ne mettent pas en danger la santé et la sécurité des employés ni leur intégrité physique et psychologique.
Les cliniques médicales auraient ainsi intérêt à sensibiliser les patients, et les personnes qui les accompagnent parfois, au fait que le respect n’est pas à sens unique. Tout le monde mérite d’être traité avec courtoisie. Aucun écart ne devrait être toléré quant à toute forme de violence physique ou verbale.
Soulignons qu’il serait opportun pour les cliniques médicales d’adopter une politique interne sur la gestion des comportements inappropriés. Cette politique devrait préciser non seulement la manière dont le personnel de la clinique doit réagir aux comportements déplacés de la clientèle, mais aussi les mesures de sécurité à appliquer au besoin. Des affiches indiquant que les comportements agressifs ne sont pas tolérés et que la courtoisie est de mise en tout temps devraient également être placardées dans des endroits bien en vue de la clinique.
La clinique ne devrait donc pas se contenter de balayer un événement disgracieux sous le tapis. Le patient fautif doit être sensibilisé aux conséquences de ses agissements.
Il existe des formations en gestion de conflits avec la clientèle. Le personnel des cliniques médicales constitue sans doute un groupe cible pour ce type de formation.
Comme nous le mentionnions précédemment, les médecins font eux aussi les frais de l’humeur parfois déplacée de certains patients. Il est pertinent de rappeler qu’à l’instar des membres du personnel de la clinique, ils n’ont pas à endurer ad nauseam les comportements déplacés, grossiers, violents et frustes de certains patients à l’occasion.
Dans tous les cas, la meilleure réaction à un comportement choquant ou à un langage injurieux demeure la maîtrise de soi et la politesse. Cette façon de réagir permet souvent de calmer le patient et d’éviter que la situation ne dégénère en conflit plus sérieux.
En vertu du Code de déontologie des médecins, il est possible de mettre un terme à la relation avec un patient agressif ou menaçant. En effet, l’article 19 prévoit que le médecin peut mettre fin à une relation thérapeutique lorsqu’il a un motif juste et raisonnable, notamment lorsque les conditions normales requises pour établir ou maintenir une confiance mutuelle sont absentes ou si cette confiance n’existe plus.
La notion de motif juste et raisonnable est très large et peut englober une foule de circonstances, dont l’agressivité d’un patient. La confiance est également un élément central dans ce type de décision. En effet, elle est le moteur de la relation entre un médecin et son patient. Lorsque la confiance est rompue, un médecin peut difficilement continuer à traiter un patient.
Bien sûr, la décision de mettre fin à la relation thérapeutique avec un patient peut exiger une période de transition selon l’état de santé de ce dernier. À cet égard, on ne saurait trop insister sur la pertinence, le cas échéant, de relire les recommandations du Collège des médecins au sujet des obligations qui encadrent le suivi des patients.
Rompre une relation médecin-patient est une mesure extrême, qui est cependant parfois nécessaire. Elle peut être privilégiée au terme d’une série d’incidents, voire à la suite d’un seul événement suffisamment grave. Chaque cas est un cas d’espèce. Il revient au médecin de parler avec son patient, de l’aviser des possibles conséquences de son comportement, de prendre des notes et de bien consigner chacune des situations au dossier.
L’adoption d’une politique interne, la formation à la fois du personnel et des médecins, la sensibilisation de la clientèle, la consignation de tout événement au dossier, le choix de la bonne attitude et le fait de savoir agir au bon moment, voilà les meilleures pistes pour gérer les patients agressifs. //