maintenir le lien avec un proche complotiste
Depuis mars 2020, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) effectue un sondage hebdomadaire sur les attitudes et comportements des Québécois liés à la COVID-19. Parmi les différents aspects évalués se trouve la vision du monde complotiste. Résultat ? Environ 20 % des répondants ont des croyances qui s’inscrivent dans cette mouvance. Un pourcentage qui peut surprendre, mais qui se maintient depuis un an. Force est de constater que la pandémie est un terrain fertile pour les idées conspirationnistes. Mais pourquoi ?
« Dans un contexte d’incertitude, les gens cherchent des réponses. Penser qu’enfin on comprend ce qui se passe peut faire baisser l’anxiété et le stress », indique la Pre Nathalie Lafranchise, qui enseigne au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal. Comme les complotistes forment une communauté, certaines personnes y trouvent aussi un sentiment d’appartenance. Cela leur permet d’oublier leur détresse, de se sentir plus fortes et moins isolées, peut-on par ailleurs lire dans une infolettre du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal portant sur son équipe clinique de polarisation, qui évalue et soutient les personnes sous l’emprise de la radicalisation.
À quoi ressemble un complotiste ? Les sondages de l’INSPQ ne permettent pas d’établir un profil type. Les personnes de 60 ans et plus sont cependant moins nombreuses à adhérer aux théories sans fondement sur la COVID-19. De plus, la scolarité semble procurer une certaine protection contre ces idées, sans être toutefois une panacée. « Il y a des universitaires parmi les complotistes », rappelle la Pre Lafranchise.
Avoir un conspirationniste dans son entourage peut s’avérer pénible. « Les théories du complot prennent beaucoup de place dans la vie de ces personnes, et leur discours est souvent agressif », constate M. Ian Vaive, l’un des créateurs de Cons’Aide, une page Facebook destinée à la famille et aux amis des complotistes qui regroupe de l’information provenant de sources fiables sur des sujets comme la santé mentale, la désinformation, le conspirationnisme et la pandémie et offre un répertoire de ressources.
Bien des proches se sentent démunis. « Ils ne savent pas quoi faire ni quoi dire pour préserver la relation malgré la divergence de points de vue. Ils ont l’impression de marcher sur des œufs », indique Nathalie Lafranchise qui commencera prochainement un projet de recherche sur l’accompagnement et l’aide à offrir à l’entourage, en collaboration avec l’équipe de Cons’Aide.
Mais comment converser avec quelqu’un qui a des croyances insensées ? « Comme dans plusieurs situations difficiles, ce n’est pas en s’opposant à l’autre qu’on va garder la communication ouverte, dit la chercheuse de l’UQAM. Il faut plutôt avoir beaucoup d’écoute. Si la personne nous montre une vidéo sur une théorie du complot, on fait de même avec de l’information crédible, mais on évite les jugements. »
Il est inutile de tenter de faire entendre raison à un conspirationniste parce qu’il est persuadé de tenir un discours cohérent, souligne Louis Audet Gosselin, du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, dans un article du magazine L’Actualité. Il suggère d’éviter les sujets conflictuels pour se concentrer sur le lien affectif, en parlant par exemple de souvenirs communs ou du travail. C’est important de maintenir le contact, selon lui, car une personne qui est coupée de son cercle social de base n’est plus exposée à d’autres perspectives sur le monde. Elle risque donc de s’embrigader davantage.
Ce texte de L’Actualité est un exemple de ce qu’on trouve sur Cons’Aide. « On ne produit pas de contenu, on centralise l’information, précise M. Vaive. L’objectif de la page est d’accueillir, d’informer et d’orienter. » À cette plateforme se greffe un groupe privé, Cons’Écoute, où les proches peuvent discuter entre eux de ce qu’ils vivent. //