Nouvelles syndicales et professionnelles

Questionnaire santé de TOUGO

un outil Web de prévention primaire et secondaire

Élyanthe Nord  |  2021-05-27

Le Défi Santé s’est transformé et est devenu TOUGO. Une campagne maintenant permanente sur les saines habitudes de vie. Son site Internet, montougo.ca, plateforme moderne, originale et épurée, propose articles, balados, vidéos, mais aussi un « Questionnaire santé » pour permettre à la population de faire le point sur ses habitudes de vie et de les modifier au besoin.

La FMOQ est dorénavant l’un des partenaires de TOUGO. « Pour nous, la prévention est très importante. TOUGO est un outil supplémentaire que l’on va proposer à nos patients pour les aider à améliorer leurs habitudes de vie », explique le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.

Prenant de dix à quinze minutes à remplir, le Questionnaire santé permet aux gens d’évaluer non seulement leur activité physique et leur alimentation, mais aussi leur utilisation des écrans, leur consommation d’alcool, de tabac et de cannabis, leur sommeil, leur degré de stress, leur satisfaction à l’égard de leur vie, etc.

Les questions sont détaillées : Votre consommation habituelle de fruits et de légumes est-elle abondante, modérée ou faible ? Limitez-vous le sucre dans votre alimentation ? Quel est votre poids, votre taille ? Si vous considérez que vous avez un surplus de poids, où se situe-t-il ?, etc. Le questionnaire passe également en revue les problèmes de santé et la prise de certains médicaments.

Dans la dernière partie, le questionnaire interroge le répondant sur ses intentions d’améliorer ses habitudes de vie. « Cela respecte les stades du changement de comportement de Prochaska. Si le participant indique, par exemple, qu’il est motivé à modifier son alimentation, cet élément sera intégré à son plan d’action », explique M. Guy Desrosiers, président-directeur général de Capsana, l’organisme qui s’occupe de TOUGO et est détenu par des fondations liées à l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM).

Le plan personnalisé que le répondant reçoit, une fois le questionnaire rempli, comporte conseils détaillés et ressources. Le participant reçoit également une note sur 100 ainsi qu’une synthèse de ses forces et de ses faiblesses. Il pourra éventuellement repasser le test après six mois pour voir ses progrès.

« Ce questionnaire est un outil de prévention primaire et secondaire que les médecins de famille pourront recommander à leurs patients pour qu’ils fassent le bilan de leurs habitudes de vie et obtiennent leur score santé », indique M. Desrosiers. Pour lui, le partenariat avec la FMOQ était naturel. « Nos médecins de famille sont ceux qui parlent le plus souvent aux personnes qui ont besoin de conseils de santé. »

Encadré

Bilan de santé des médecins de famille

Le Questionnaire santé a initialement été créé il y a plus de quinze ans par Capsana pour les milieux de travail. Engagé par les entreprises, l’organisme aide les employés à améliorer leur santé. « Plus de 100 000 travailleurs québécois ont utilisé ou utilisent encore cet outil », indique M. Guy Desrosiers, directeur de Capsana. Au fil du temps, le questionnaire a évolué. Il tient maintenant compte du nouveau guide alimentaire canadien, de la consommation de cannabis devenue légale et de l’utilisation croissante des écrans.

Bientôt, ce sera au tour des médecins de famille d’être invités à remplir le Questionnaire santé. « Nous allons faire un bilan global, anonyme et dépersonnalisé de la santé des membres de la FMOQ, à la demande de cette dernière », affirme M. Desrosiers. La Fédération estime l’exercice intéressant. « Les médecins doivent prendre soin d’eux, surtout en cette période très éprouvante », indique le Dr Louis Godin, président de la FMOQ.

Un outil intéressant pour la prise en charge

Dr Martin Juneau

Quel est l’intérêt médical du Questionnaire santé ? « Il permet de mettre l’accent sur les habitudes de vie, et non uniquement sur le taux de cholestérol, la pression artérielle et la glycémie, paramètres sur lesquels les médecins se concentrent trop souvent exclusivement. Le questionnaire permet de travailler en amont », estime le Dr Martin Juneau, directeur de la prévention à l’Institut et directeur scientifique de Capsana.

 

Aux yeux du cardiologue, le questionnaire comporte plu­sieurs forces. « Les gens le remplissent eux-mêmes et, contrairement au questionnaire de Framingham, il tient compte de deux facteurs importants : l’activité physique et le type d’alimentation. Avec le score de Framingham, un homme sédentaire de 45 ans, qui a une obésité abdominale, mange mal, mais qui prend une statine, passera sous le radar parce qu’il aura un taux de cholestérol normal. Pourtant, ce patient présente de grands risques de problèmes cardiovasculaires. »

Le questionnaire peut être intégré à la prise en charge d’un patient. « Ce dernier peut le remplir chez lui et, quand il voit le médecin, lui indiquer sa note sur 100 et les domaines où il a perdu des points. Le clinicien gagne ainsi une quinzaine de minutes. Il n’est pas réaliste pour un médecin de famille occupé de poser des questions aussi détaillées que celles du questionnaire sur toutes les habitudes de vie : Mangez-vous des fruits et des légumes ? Est-ce que vous consommez des grains entiers ? etc. Le Questionnaire permet donc de voir rapidement ce qu’il faut améliorer », mentionne le Dr Juneau.

L’outil s’intéresse également à la santé mentale. Degré de stress. Capacité d’y faire face. Présence d’une humeur dépressive ou d’une diminution de l’intérêt pour les activités. Quand c’est le cas, un sous-questionnaire apparaît : Avez-vous perdu ou pris du poids ? Ressentez-vous de la fatigue ou une perte d’énergie ? etc. Le questionnaire, qui indique au répondant qu’il est possible d’obtenir des ressources en composant le 811, peut ainsi alerter le médecin. « Je sais que dans certaines entreprises où il a été utilisé, il a permis de déceler des gens qui présentaient un risque de dépression ou même de suicide », précise le clinicien chercheur.

Le Dr Juneau songe par ailleurs à employer cet outil au centre de prévention cardiovasculaire EPIC, de l’Institut de Cardiologie. « Quand on rouvrira, on pourrait envoyer le lien aux gens qui s’inscrivent pour qu’ils arrivent avec le questionnaire rempli. Il contient exactement les mêmes questions que l’on pose dans nos bureaux. »

Utile même aux urgences

Aux urgences de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, la Dre Ariane Ouellet-Decoste, omnipraticienne, conseille le Questionnaire santé à certains patients. Dans le cadre tumultueux de sa pratique, elle n’a pas le temps de discuter en profondeur des habitudes de vie. « Je trouve que de diriger les patients vers ce questionnaire est une excellente manière d’ouvrir la porte à ce sujet et d’essayer de convaincre les gens d’apporter les changements nécessaires à leur mode de vie. »

La médecin, qui a découvert l’outil il y a quelques mois, le recommande environ une fois par jour. « C’est souvent à la suite de questions de patients qui viennent à cause de douleurs abdominales, d’une colique biliaire ou d’autres problèmes directement liés à leurs habitudes de vie. Certains m’interrogent sur l’alimentation. Par exemple, comment perdre du poids ? Je leur dis de remplir d’abord le questionnaire, et là, ils verront par où commencer. »

La Dre Ouellet-Decoste propose le questionnaire, tant en prévention primaire que secondaire. « Une fois que les gens l’ont rempli, ils peuvent regarder les autres sections du site Web montougo.ca qui traitent de tous les sujets relatifs à la santé globale et constituent une ressource incroyable et crédible. » La campagne TOUGO est par ailleurs financée par le gouvernement du Québec.

Il reste en général beaucoup de travail à faire pour améliorer le mode de vie de la population. Selon les enquêtes, seulement 3 % ou 4 % des gens ont des habitudes de vie optimales, affirme le Dr Juneau. « Au Québec, on est un peu meilleur qu’ailleurs au Canada pour la consommation de fruits et de légumes. Toutefois, la moitié des Québécois en mangent moins de cinq portions par jour. Et il y en a 18 % qui fument et plus de 50 % qui ont un excès de poids. »

Les habitudes de vie ont une influence déterminante sur la santé. « Selon l’Organisation mondiale de la Santé, environ 75 % des maladies chroniques mortelles, comme les problèmes cardiovasculaires, les bronchopneumopathies chroniques obstructives et le diabète, sont liées aux habitudes de vie. Ces dernières seraient aussi responsables de 30 % à 40 % des cancers. Toutes ces affections sont en partie évitables », souligne le cardiologue. //