la pratique précoce de l’exercice aérobique accélère la guérison
Commencées dans les dix jours suivant une commotion cérébrale, les activités aérobiques permettent de hâter la récupération de cinq jours et de réduire le risque de symptômes post-commotionnels persistants chez les jeunes sportifs.
À l’hôpital Sainte-Justine, tous les week-ends, les pédiatres de l’urgence voient arriver des enfants ou des adolescents victimes d’une commotion cérébrale. Des jeunes qui se sont blessés en faisant du sport. Le Dr Jocelyn Gravel, pédiatre et urgentologue, va maintenant leur conseiller de recommencer rapidement à faire de l’exercice aérobique.
Une nouvelle étude publiée dans le Lancet Child & Adolescent Health vient de montrer que la reprise des activités aérobiques dans les jours suivant une commotion cérébrale accélère la guérison1. Elle hâte la récupération de cinq jours comparativement aux étirements et réduit de moitié le risque de symptômes post-commotionnels persistants.
Des chercheurs de trois centres de médecine sportive de Buffalo, de Philadelphie et de Boston se sont penchés sur les effets de l’exercice aérobique chez de jeunes athlètes qui ont recommencé à en faire entre un et dix jours après leur commotion cérébrale. Le Dr John Leddy et ses collaborateurs ont ainsi recruté 118 garçons et filles, de 13 à 18 ans, ayant récemment subi une blessure à la tête. Ils ont évalué leurs symptômes et leur ont fait passer un test d’effort sur tapis roulant.
Les jeunes ont été répartis au hasard dans deux groupes : un qui effectuait des exercices aérobiques et l’autre, des étirements. Ils devaient pratiquer ces activités à la maison durant au moins vingt minutes par jour pendant une période de quatre semaines. Les participants devaient porter un bracelet enregistrant leur rythme cardiaque pendant ces séances et remplir trois fois par jour un questionnaire sur leurs symptômes.
Les 61 adolescents du premier groupe devaient pratiquer une activité physique comme la marche, le jogging ou le vélo stationnaire et atteindre 90 % de leur rythme cardiaque maximal, qui avait été déterminé lors de leur test d’effort. Si leurs symptômes liés à la commotion cérébrale (nausées, céphalées, étourdissements, etc.) s’intensifiaient pendant la séance, ils arrêtaient et recommençaient le lendemain.
Le second groupe, composé de 57 participants, effectuait quant à lui des exercices d’étirement et de respiration n’augmentant pas significativement le rythme cardiaque.
« Il s’agit d’une très bonne étude. Elle a été bien menée, et sa méthodologie est assez robuste », estime le Dr Gravel, qui lui-même fait de la recherche sur les traumas crâniens.
Au bout de quatre semaines, l’efficacité des activités aérobiques était évidente. Le temps médian de récupération des jeunes qui les pratiquaient était de 14 jours contre 19 pour ceux qui effectuaient des étirements. Pour être considérés comme guéris, les participants devaient ne plus ressentir de symptômes, présenter une tolérance normale à l’effort sur tapis roulant et avoir un examen physique normal.
Par rapport aux étirements, les exercices aérobiques réduisaient en outre de 48 % le risque de symptômes post-commotionnels persistants, c’est-à-dire qui durent plus de 28 jours (P = 0,039) (tableau).
L’assiduité constituait un facteur important. Les jeunes qui pratiquaient leurs exercices aérobiques au moins quatre fois par semaine à l’intensité voulue ont guéri en moyenne en douze jours. Ils étaient également moins nombreux à ressentir encore des symptômes après un mois : seulement 9 % de ces participants assidus en avaient contre 21 % pour l’ensemble du groupe. Par ailleurs, parmi les sujets qui faisaient des étirements, 32 % continuaient à souffrir de symptômes après quatre semaines (tableau).
Les bienfaits de l’exercice aérobique sont apparus rapidement. « Au bout de deux semaines, 50 % des patients n’avaient plus de symptômes dans le groupe d’intervention contre environ 25 % dans le groupe témoin », précise le Dr Gravel.
Les jeunes qui s’adonnaient aux exercices aérobiques semblaient par ailleurs aimer davantage leur activité que ceux qui faisaient des étirements. Ils s’entraînaient en moyenne 21,9 minutes par jour contre 12,7 minutes dans le second groupe.
Quelles sont les recommandations actuelles pour les commotions cérébrales ? Un repos de 48 heures, puis une reprise graduelle des activités. Le jeune peut commencer par faire des activités quotidiennes si elles ne lui causent pas de symptômes, puis, le lendemain, effectuer des activités physiques légères comme la marche rapide ou des jeux de faible intensité. S’il n’a toujours pas de symptômes, 24 heures après, il peut reprendre progressivement les exercices non risqués liés à son sport. Puis, graduellement, il pourra reprendre son entraînement à certaines conditions.
L’étude américaine propose un processus différent. « [Nos] résultats semblent indiquer que les médecins ne devraient pas seulement permettre aux adolescents la reprise rapide d’une activité physique dont l’intensité ne provoque pas de symptômes, mais devraient envisager de la prescrire comme traitement des commotions liées au sport. Le but est également de réduire le risque de symptômes post-commotionnels persistants », expliquent les chercheurs dans leur étude.
Le Dr Gravel pense que ce sera la voie choisie à l’avenir. « C’est sûr que les patients ne doivent pas reprendre des activités comportant des risques d’accident. Un jeune ne va donc pas retourner jouer au football plus rapidement. Mais il faut qu’il recommence à bouger plus tôt. Certaines études ont par ailleurs montré que le repos complet pendant quelques jours est néfaste. »
Les adolescents de l’étude américaine étaient suivis dans des cliniques sportives où leur fréquence cardiaque maximale avait été déterminée, où ils avaient reçu un bracelet cardiofréquencemètre et où on leur avait mentionné le rythme à atteindre. « Dans la vraie vie, les patients ne connaissent pas exactement leur limite maximale. On va donc leur dire de faire du jogging jusqu’à ce qu’ils soient un peu essoufflés, mais encore capable de parler. Ils doivent faire plus qu’une marche, mais pas un sprint », affirme l’urgentologue.
Les nouvelles données américaines viennent donc modifier les recommandations que le Dr Gravel va faire aux jeunes athlètes blessés à la tête. Mais qu’en est-il pour ceux qui ne sont pas des sportifs accomplis ? « Je vais avoir une discussion avec eux et leurs parents. Ce sera une décision partagée. Je vais leur expliquer qu’un essai clinique chez les athlètes a montré qu’il y a un avantage à faire du sport aérobique le lendemain de la commotion ou dans les jours qui suivent, mais qu’il n’y a pas d’étude chez les jeunes moins sportifs. Il faudra donc voir avec chaque famille et regarder le degré de motivation du jeune », dit le Dr Gravel.
Et pour les adolescents sédentaires ? Le pédiatre urgentologue ne croit pas qu’il faille les pousser à commencer le sport immédiatement après leur commotion cérébrale. « Cette étude-là ne m’en convainc pas. Est-ce que je pense que ce serait bon ? Oui. Est-ce que j’en suis certain ? Non. »
On ignore encore par quels mécanismes l’exercice aérobique hâte la guérison du cerveau. Pour l’instant, les chercheurs n’en sont qu’aux hypothèses. Amélioration de la régulation de la circulation sanguine cérébrale pendant l’exercice, accroissement de la plasticité du cerveau, augmentation de l’équilibre du système nerveux autonome. « C’est probablement un mélange de plusieurs facteurs. On voit une tendance à la reprise rapide de l’activité physique dans d’autres domaines en médecine. Par exemple, on fait marcher dès le lendemain les gens qui ont eu un accident vasculaire cérébral », affirme le spécialiste. //
1. Leddy J, Master C, Mannix R et coll. Early targeted heart rate aerobic exercise versus placebo stretching for sport-related concussion in adolescents: a randomised controlled trial. Lancet Child Adolesc Health 2021 ; 5 (11) : 792-9.