En fin... la facturation

Facturation en mode mixte en l’absence d’activités cliniques

2021-12-22

En juillet 2021, des médecins ont informé la Fédération des demandes de la RAMQ visant la facturation en mode mixte de certains des jours spécifiques en 2019 où ils avaient facturé exclusivement le forfait horaire, sans autres services cliniques ou activités médico-administratives. Qu’en est-il de ce genre de facturation ?

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Le mode mixte comporte deux composantes : le forfait horaire pour l’ensemble des activités professionnelles dans le milieu visé par le mode mixte et un supplément d’honoraires qui varie selon la nature des activités exercées (codes d’actes applicables) et du pourcentage prévu pour ce type d’activité.

Les codes et pourcentages distincts du forfait horaire permettent de rétribuer de façon différente les activités cliniques et les activités médico-administratives. Les créateurs du mode mixte faisaient une distinction conceptuelle entre les activités cliniques et les activités clinico-administratives. Le résultat est que les activités clinico-administratives ne sont pas visées par des codes d’activité. Comme elles représentent 15 % du temps des médecins de première ligne, selon un sondage, il fallait en tenir compte dans l’analyse économique afin d’obtenir une projection réaliste de la rémunération du mode mixte.

L’Entente définit les activités cliniques du mode mixte au paragraphe 2.01 a) de l’Annexe XXIII. On y lit que ces activités incluent les activités cliniques portant sur les soins directs aux patients (visites ou interventions et, dans certains secteurs, rencontres multidisciplinaires ou échanges interprofessionnels ou avec les proches) et celles qui en découlent (échanges avec le personnel, appels aux patients, gestion des résultats de laboratoire et des rapports de consultation et autres services comparables), dont ces activités effectuées avec des externes et des résidents. Dans les deux cas, le médecin peut facturer le forfait horaire du mode mixte.

Quant au supplément d’honoraires, le premier type d’activités (visites et interventions) est visé par une rémunération additionnelle, car des codes de facturation sont prévus pour ces services. Toutefois, il n’existe généralement pas de codes pour le deuxième type d’activités (retour des appels aux patients, gestion des demandes de renouvellement d’ordonnance, prise de connaissance des résultats de laboratoire et des rapports de consultation).

Donc, le médecin peut facturer le forfait horaire et les suppléments d’honoraires pour certaines activités, mais ne peut facturer que le forfait horaire pour d’autres. Lorsqu’il effectue les deux types d’activités le même jour, il facture les forfaits et les suppléments, et ça n’attire pas l’attention de la RAMQ.

Certains médecins semblent parfois regrouper ces deux types d’activités sur des jours distincts. C’est cette factu­ration de forfaits sans facturation correspon­dante de sup­plé­ments la même journée qui donne lieu à des ques­tions de la part de la RAMQ.

Les activités médico-administratives sont différentes des activités cliniques. Elles incluent la participation à une réunion du service, du département et du CMDP ou d’un de ses comités. Deux codes sont généralement prévus pour ces activités, trois dans le cas de la Santé publique. Le premier (qui fait référence au paragraphe 2.01 b) i) de l’Annexe XXIII) vise les activités du département ou du service. Le deuxième (qui découle du paragraphe 2.01 b) ii) de l’Annexe XXIII) vise la participation des membres aux réunions et comités du CMDP. Le troisième code est destiné aux médecins de l’INSPQ et de la Direction générale de la santé publique pour les programmes ou les autres activités au sein de l’établissement.

Les activités qui découlent d’activités cliniques en mode mixte (suivis de rapport de laboratoire et de consultation) donnent droit au forfait horaire, mais pas aux suppléments d’honoraires pour les services sous-jacents. La facturation de telles activités concentrées sur certaines journées a donné lieu à des demandes d’information de la RAMQ.

Pour ces activités médico-administratives, le médecin qui n’est pas à honoraires fixes facturera toujours les forfaits horaires et les suppléments d’honoraires, tant que l’activité dure au moins quinze minutes. Pour le médecin à honoraires fixes, aucun supplément d’honoraires n’est prévu pour ces activités. Il reçoit simplement son traitement habituel.

Il reste enfin les activités administratives et non assurées, comme le fait de remplir des formulaires de compagnie d’assurances ou des rapports pour un employeur. Ces services sont facturables directement au patient ou au tiers. Le médecin ne facture alors ni forfait horaire ni supplément d’honoraires à la RAMQ.

Pour revenir aux contrôles de la RAMQ, est-ce qu’un médecin peut facturer exclusivement des forfaits horaires certains jours, sans réclamer de suppléments d’honoraires ? Oui, c’est possible. Le médecin peut concentrer ses suivis de rapports de laboratoire et de consultation certains jours afin d’optimiser le temps qu’il consacre à ces activités. Comme ces suivis découlent de ses activités cliniques, on s’attendrait à ce que le médecin ait des activités cliniques la même semaine ou le même mois et que celles-ci priment de façon globale sur les activités de suivi. On s’attendrait donc à ce que les forfaits horaires soient accompagnés de suppléments d’honoraires pour des activités cliniques ou médico-administratives sur une période d’un mois, par exemple, mais pas tous les jours. Il peut bien sûr y avoir des exceptions pour des types de pratique particulière (prédominances des activités médico-administratives d’un médecin à honoraires fixes, par exemple).

Lors des contrôles décrits d’entrée de jeu, la RAMQ demandait aux médecins de préciser ce qu’ils faisaient les jours en question et de lui fournir les notes au dossier ou autres informations appuyant leur facturation. La RAMQ veut sans doute s’assurer que le médecin a effectivement offert des services assurés.

On peut supposer que les médecins qui appellent des patients pour le suivi de leurs résultats de laboratoire versent une note au dossier. Cette dernière pourrait indiquer que le patient a été informé, que des tests additionnels ont été prescrits ou que certains paramètres doivent être surveillés subséquemment. Toutefois, si le médecin prend simplement connaissance des résultats ou des rapports, il est plus probable qu’il n’inscrive rien au dossier du patient si le résultat n’exige pas de suivi.

Par conséquent, les médecins ne peuvent pas toujours « do­cumenter » l’ensemble de leurs activités qui ne donnent pas lieu à la facturation d’un supplément d’honoraires. Un registre serait ainsi utile pour répondre à la demande de la RAMQ, bien que l’Entente ne prévoie pas une telle obligation, si ce n’est l’obligation générale d’appuyer sa facturation.

À défaut de disposer d’un registre, comment prouver ses activités ? Plusieurs DME offrent la possibilité d’obtenir l’ensemble des dossiers qui ont fait l’objet d’une note une journée donnée. Afin de répondre à la RAMQ qui vous demande ce que vous avez fait à une date précise, cette option du DME vous permettra de dresser une liste des numéros d’assurance maladie des patients en question et de fournir les notes pertinentes.

Si votre DME n’a pas cette fonction ou si vous utilisez encore des dossiers papier, la seule solution serait de revoir systématiquement tous vos dossiers pour vérifier si vous y avez consigné des notes aux dates indiquées par la RAMQ. Une telle tâche semble disproportionnée. Par conséquent, avant de vous lancer, il pourrait être opportun d’en discuter avec la RAMQ pour savoir si une autre approche moins exigeante vous permettrait de lui fournir l’information demandée.

Si vous n’avez pas inscrit de notes aux dossiers de vos patients et que vous n’avez pas de registre, vous pourriez avoir de la difficulté à reconstituer votre emploi du temps. Dans un esprit de prévention, mieux vaut donc consigner vos activités dans les dossiers des patients. Et si votre DME ne permet pas d’extraire l’ensemble des notes inscrites à une date précise ou si vous utilisez encore des dossiers papier, il pourrait être prudent de vous constituer un registre des noms et des numéros d’assurance maladie des patients avec lesquels vous communiquez pour le suivi de leurs résultats, surtout lorsque ces activités sont concentrées dans les jours où vous réclamez peu ou pas de suppléments d’honoraires.

Même si votre DME permet l’extraction de tous les services effectués à une date donnée, un registre pourrait aussi s’avérer utile si un jour vous changez de fournisseur et perdez cette fonctionnalité.

Pour l’instant, nous ne savons pas comment réagira la RAMQ dans l’analyse des documents ou des explications fournis. C’est d’ailleurs difficile d’imaginer à l’avance la diversité des réalités des différents médecins. La Fédération interviendra pour s’assurer que les attentes de la RAMQ demeurent raisonnables. Vous devriez tout de même être prudent et vous assurer que vous êtes en mesure « d’appuyer votre facturation » au cas où la RAMQ vous poserait des questions sur celle du mode mixte.

Espérons que vous n’aurez pas à fournir de telles explications à la RAMQ. D’ici là, bonne facturation ! //

La RAMQ peut demander à un médecin d’appuyer sa facturation. Un registre des appels ou une fonction dans le DME permettant d’extraire cette information par date pourrait être d’un grand secours en pareille situation.