Questions... de bonne entente

Codes de médicament d’exception et codes « ne pas substituer »

outils et sources de surprise

Michel Desrosiers  |  2022-11-02

Vous utilisez sans doute des codes de médicaments d’exception tous les jours, sans trop y penser. Ils donnent parfois lieu à des surprises. Êtes-vous au courant ?

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Depuis l’instauration du régime d’assurance médicaments au début des années 2000, la couverture des médicaments n’est pas universelle. Certains produits coûteux sont couverts pour des indications spécifiques. Au départ, le prescripteur devait faire une demande d’autorisation pour chacun de ces produits pour que la RAMQ puisse s’assurer que l’utilisation envisagée respectait les conditions de paiement. À la base, cette approche visait à faire des économies sur le remboursement des médicaments. Ces économies nécessitent toutefois plus de travail de la part du médecin et retardent l’accès aux médicaments pour les patients qui en ont besoin.

En 2007, le ministère a donc modifié son approche pour augmenter l’accès à certains produits et réduire le délai d’obtention pour les patients. Le mécanisme de demande d’autorisation a été conservé. Toutefois, la RAMQ a permis le remboursement d’un sous-groupe de médicaments sur la simple inscription d’un code de médicament d’exception faisant état de l’indication reconnue par la RAMQ aux fins de remboursement. Les médicaments visés par ce nouveau traitement ont été choisis en fonction d’un risque d’utilisation inapproprié et du coût financier d’un tel risque. Le coût des médicaments a pu entrer dans le calcul, tout comme la fréquence de prescription et le risque financier d’un emploi en dehors des indications prévues.

Encadré

Ce changement d’approche présente des avantages évidents pour les patients (obtention immédiate du médicament), pour la RAMQ (réduction du nombre de demandes d’autorisation à évaluer pour un médicament d’exception) et pour les médecins (réduction du nombre de demandes d’autorisation à remplir et à transmettre à la RAMQ). Comme le fardeau de la gestion des médicaments d’exception représente un coût pour les médecins, mais que les économies vont au régime d’assurance médicaments, ce changement constitue en réalité plus une diminution des inconvénients qu’un avantage.

Au fil des années, le nombre de produits visés a augmenté, tout comme les indications différentes pouvant justifier une telle codification. Ce fonctionnement réduit sans doute le nombre de demandes d’autorisation que la RAMQ doit traiter, mais elle impose aux médecins de connaître un plus grand nombre de codes avec le temps pour respecter les indications de paiement de la RAMQ. À la base, c’est le ministère, en fonction des recommandations de l’INESSS, qui décide des médicaments ayant des indications de remboursement restreintes. Par la suite, la RAMQ détermine si elle exigera une demande d’autorisation ou un simple code sur la prescription. Dans son évaluation des bienfaits et du risque associés à l’ajout d’un code sur l’ordonnance, la RAMQ tient compte des économies liées au traitement de la codification (pas d’évaluation individuelle des ordonnances) par rapport à la demande d’autorisation. Elle dit aussi être sensible aux avantages pour les prescripteurs (réduction de la rédaction de demandes d’autorisation).

Que le médecin remplisse une demande d’autorisation ou qu’il appose un code d’indication de médicament d’exception sur l’ordonnance pour que le patient en obtienne le remboursement, il est responsable de l’exactitude des informations. La RAMQ fait donc des vérifications, des interventions de sensibilisation et, ultimement, peut imposer des sanctions pécuniaires au prescripteur qui ne peut appuyer ses prétentions. Ce dernier risque fait partie des coûts potentiels pour les médecins d’avoir recours à la codification. Par conséquent, le médecin a tout intérêt à bien détailler le motif de son recours à un code de médicament d’exception ou à un code NPS d’exception.

Ne pas substituer

Il peut y avoir bien des raisons pour indiquer sur une ordonnance de ne pas substituer le produit spécifique prescrit. Cette directive peut viser un produit d’origine ou une préparation générique. L’enjeu pour le patient lors d’une telle ordonnance est de savoir s’il devra assumer une partie du coût ou si le régime général d’assurance médicaments le remboursera en totalité. La réponse dépend de la situation qui donne lieu à l’utilisation de ce code.

Le médecin inscrira le code « ne pas substituer » (ou NPS) lorsqu’il existe une autre forme du produit, soit une préparation générique ou biosimilaire. De façon générale, lorsque le médecin indique ce code sans ajouter d’autres précisions, le patient devra acquitter la différence entre le coût du produit et celui de la préparation la moins coûteuse remboursée par le régime. Ce montant variera selon le produit en cause.

Les conséquences d’une variation de biodisponibilité ne sont visées par aucun des codes NPS A, B ou C.

La RAMQ rembourse le produit d’origine dans trois situations, soit l’allergie ou l’intolérance connue à un des excipients du produit générique absent du produit d’origine et l’absence de la forme requise autrement qu’avec le produit d’origine (formation à libération prolongée ou qui se dissout dans la bouche).

NPS A (allergie)

Cette exception semble poser peu de difficulté aux médecins, du moins quand ils connaissent la réaction du patient. Avec le temps, il peut toutefois devenir difficile de préciser l’allergie du patient, car ce dernier peut ne pas s’en souvenir ou avoir un vague souvenir des symptômes ressentis. C’est surtout ce genre de situation qui donne lieu à des problèmes, le médecin ne sachant pas s’il s’agit réellement d’une réaction allergique ou plutôt d’une intolérance à un excipient ou d’une variation de biodisponibilité. La RAMQ se limite à préciser que le médecin ne devrait pas indiquer le code employé par un autre prescripteur s’il n’est pas certain de la raison pour laquelle ce code a été utilisé.

NPS B (intolérance)

C’est cette codification qui semble la moins bien comprise par les médecins. Elle vise, par exemple, le patient qui éprouve des symptômes digestifs sans lien avec le produit médicamenteux lors du passage à la préparation générique. Une telle réaction chez un patient intolérant au gluten pourrait résulter de la présence de cette protéine dans la version générique, mais pas dans le produit d’origine.

Les patients peuvent présenter divers symptômes lors du passage à un médicament générique, parfois en raison de la variation dans la biodisponibilité du produit thérapeutique de deux préparations, phénomène qui semble néanmoins rare. Par exemple, un patient qui prend un hypocholestérolémiant pourrait voir son taux de cholestérol augmenter ou éprouver des douleurs musculaires qu’il n’avait pas avec le produit d’origine. Un patient pourrait aussi présenter une rechute de sa dépression lors du passage au générique d’un antidépresseur qui fonctionnait bien jusque-là. Un autre pourrait connaître une hausse de sa pression artérielle ou un œdème des membres inférieurs lors du passage à un anticalcique générique.

Encadré 2

Les conséquences d’une variation de biodisponibilité ne sont pas visées par le code NPS B (ni A ou C). La RAMQ a indiqué à la Fédération qu’elle ne peut pas modifier les règles qui découlent de recommandations de l’INESSS. Après vérification auprès de cette dernière, il semble que l’autorisation des préparations génériques ayant une biodisponibilité équivalente à celle des produits d’origine relève de Santé Canada. Les médecins qui voient une incidence clinique avec ces préparations doivent les signaler à cette entité comme réactions indésirables.

Étant donné que les médecins qui utilisent le code NPS B dans un tel contexte peuvent faire l’objet de sanctions par la RAMQ, ils ont intérêt à faire la différence entre les problèmes de biodisponibilité et les intolérances à certains excipients des produits génériques. Ils doivent se limiter à ces dernières seulement.

La RAMQ fait les deux suggestions suivantes lorsqu’un patient présente un problème de biodisponibilité avec la préparation générique : indiquer le NPS sans ajouter de lettre ou trouver un produit générique spécifique qui n’entraîne pas de problème de biodisponibilité.

Lorsque le médecin écrit NPS sur son ordonnance sans ajouter de lettre A à C, la RAMQ rembourse le coût du produit le moins cher et le patient assume l’excédent. Ça peut paraître curieux de faire payer le patient pour un facteur qu’il ne maîtrise pas, mais c’est le fonctionnement actuel du régime d’assurance médicaments.

Trouver un produit générique spécifique semble régler le problème de coût pour le patient, mais son application soulève plusieurs problèmes. L’approvisionnement d’une pharmacie en produits génériques peut varier dans le temps, de sorte que le patient pourrait subir une rupture de services. Le processus d’expérimentation avec un produit générique spécifique (ajuster la dose pour tenir compte de la variation de biodisponibilité) peut nécessiter plusieurs consultations supplémentaires et entraîne un risque de sous-traitement avec perte de réponse thérapeutique ou de surtraitement avec effets indésirables. Ce risque peut être plus important si l’agent vise le traitement d’un problème de santé mentale.

Dans le cadre de la nouvelle politique de la RAMQ, c’est au médecin de manifester son désaccord à l’application subséquente d’un code d’autorisation en indiquant « code XX » sur une ordonnance pour un patient couvert par le régime public dès qu’il a utilisé un code pour un même produit et un même patient par le passé.

NPS C (formulation unique)

Ce code trouve application lorsque seul le produit d’origine est commercialisé sous la forme prescrite (formulation à libération prolongée ou qui se dissout dans la bouche, par exemple). De plus, cette forme unique doit être nécessaire à l’atteinte des objectifs de traitement. Il ne s’agit pas d’un moyen pour permettre au patient d’obtenir le remboursement d’un produit dont les préparations génériques causent des problèmes de biodisponibilité ou d’efficacité.

Les assureurs privés et les codes de médicament d’exception et NPS

Les assureurs privés ne peuvent pas saisir des codes d’exception sur les ordonnances. Ils se servent d’un système canadien (même les assureurs québécois) qui ne prévoit pas de champ pour cette information. La RAMQ peut le faire, car elle a un système créé sur mesure pour répondre à ses besoins. De plus, les assureurs privés n’ont pas de levier juridique pour intervenir auprès des médecins qui ne respecteraient pas les indications de codification.

Pour ces raisons, les assureurs privés sont généralement plus accommodants sur les médicaments d’exception qui font l’objet d’une codification. Ils en remboursent d’emblée un grand nombre sans exiger de justification ou sans que le prescripteur n’ait à faire une demande d’autorisation de médicament d’exception. Lorsqu’ils exigent une telle demande, ce sera habituellement pour des médicaments qui font l’objet d’une exigence comparable de la RAMQ dans le régime public.

Vous aurez compris que, dans l’intérêt de vos patients, vous avez avantage à inscrire clairement dans votre dossier l’indication qui motive le recours à un code de médicament d’exception ou au code NPS d’exception. Une bonne documentation vous évitera des problèmes de même qu’aux médecins appelés à s’occuper de votre clientèle.

Espérons que ces informations vous permettent de mieux vous situer par rapport à l’utilisation des codes de médicament d’exception et d’éviter ainsi des surprises. À la prochaine ! //

Les assureurs privés ne peuvent pas saisir les codes d’exception inscrits sur les ordonnances et remboursent donc simplement plus de produits que la RAMQ.