Malgré la fin des modalités spécifiques pour la pandémie, certains sites non traditionnels ont continué à accueillir des patients. La facturation des services donne ainsi souvent lieu à des questions de la part des médecins. L’autre situation qui a suivi dans le sillon de la pandémie est le regroupement de patients ayant un autre niveau de soins (NSA) dans divers milieux. Savez-vous comment facturer les services offerts ?
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Les sites non traditionnels répondaient à un besoin durant la pandémie. Néanmoins, ce besoin semble persister, dans une moindre mesure, même avec l’atténuation de la pandémie. Alors, comment être rémunéré ?
Il existe plusieurs réponses, parce que les sites non traditionnels se trouvaient dans différents genres de milieux : hôtels, CHSLD, stationnements d’établissement. Lorsque ces milieux sont dans un établissement ayant déjà un permis (CHSLD, CH), l’unité en question a été intégrée dans ce permis. En CHSLD ou en milieu hospitalier, les modalités de facturation de ces milieux s’appliquent à l’ajout. Dans des hôtels ou autres milieux qui ne sont pas des installations comportant déjà un code, ces milieux se sont vu attribuer un permis de CLSC. Le code d’identification est par conséquent celui d’un CLSC, et les modalités de facturation sont celles qui s’appliquent aux services courants en CLSC selon le mode de l’acte.
C’est donc dire que dans les sites non traditionnels situés dans des hôtels, les médecins peuvent opter pour le tarif horaire ou l’acte avec la nomenclature de première ligne. Comme les médecins n’inscrivent pas cette clientèle à l’acte, les visites réclamées seront généralement des visites ponctuelles mineures ou complexes, et non des visites à domicile auprès d’un patient en perte importante d’autonomie.
Les patients qui ne reçoivent plus de soins actifs et qui attendent d’être orientés définitivement vers une autre ressource occupent généralement des lits de courte durée. Les pénuries de personnel ont conduit le ministère à inciter les établissements à regrouper cette clientèle et à la relocaliser ailleurs de manière à libérer des lits de courte durée. Les ratios employés/patient étant moins élevés pour la clientèle ayant un autre niveau de soins que pour celle recevant des soins de courte durée, cette manœuvre réduit les besoins en personnel pour cette clientèle et améliore les statistiques de séjour des hôpitaux. Mais comment facturer ?
D’abord, regardons ce qui s’applique lorsque ces patients occupent des lits de soins hospitaliers de courte durée. Certains médecins font l’analyse en fonction de ce que fait l’établissement. À partir du moment où le médecin déclare que le patient n’a plus besoin de soins actifs, les établissements facturent des frais d’hébergement au patient, comme ils le feraient en CHSLD. La nature des soins requis est ce qui gouverne le traitement dans ce cadre.
Pour la rémunération des médecins, il ne faut pas suivre ce raisonnement, car l’Entente ne gère pas ces situations de la même façon. Lorsqu’il est question de rémunération à l’acte, l’Entente repose sur le type de lit du patient. Que ce dernier nécessite des soins actifs ou non, l’occupation d’un lit de soins de courte durée donne lieu à la facturation selon les règles de l’hospitalisation de courte durée. À moins que le patient ne se trouve dans une unité particulière (UCDG, soins palliatifs, soins psychiatriques), les codes et tarifs seront ceux du niveau A de rémunération.
Mais le regroupement de patients ayant un autre niveau de soins ne se fait généralement pas dans des lits de soins de courte durée. Plus souvent, l’établissement relocalise ces patients en CHSLD, comme c’est souvent le cas des unités de transition et de réadaptation fonctionnelle. Si les patients sont admis en centre d’hébergement, les modalités de facturation sont alors celles du CHSLD : taux horaire, acte selon la nomenclature des CHSLD ou mode mixte en CHSLD.
Toutefois, bien qu’il s’agisse de patients qui ne peuvent pas retourner à domicile et qui auront besoin de soins de réadaptation ou qui devront être orientés définitivement vers un CHSLD, le ministère traite parfois ces « unités » comme des lieux d’hébergement temporaire ou des lits de « répit ». Les patients sont alors traités comme des patients « inscrits », statut qui est normalement attribué à quelques lits de répit pour des patients à domicile dont les aidants ont besoin d’un « congé » d’une à deux semaines.
On peut comprendre que les lits réguliers du CHSLD sont probablement occupés. Par conséquent, le regroupement des patients ayant besoin d’un autre niveau de soins se fera probablement dans une unité qui était fermée. Transformer des lits d’hébergement en lits réguliers aurait des conséquences budgétaires plus importantes et exigerait probablement plus de personnel. Néanmoins, la clientèle ressemble plus à celle des CHSLD qu’à celle des lits de répit. Ces patients nécessiteront des évaluations et la prescription de soins ou d’examens. Leur état n’est pas stable, ils n’apportent pas leurs propres médicaments et ont surtout besoin de l’aide ponctuelle de préposés. Mais c’est le choix qu’a fait le ministère.
Hormis un traitement particulier, les modalités de rémunération sont les mêmes qu’en CHSLD. Cependant, dans le cas de l’acte ou du mode mixte, les choix d’actes sont plus limités. Ces patients étant inscrits, c’est comme s’ils étaient vus en consultation externe d’un CHLSD. En effet, la visite de suivi exige un examen, et les échanges interpersonnels et avec la famille sont facturables, mais non les appels pour répondre à une demande téléphonique du personnel ni la visite de suivi courante. Si le médecin devait se déplacer d’urgence pour répondre au besoin d’un de ces patients, la prime pour déplacement d’urgence ne s’appliquerait pas, puisqu’elle est réservée aux patients en centre d’hébergement.
Malgré tout, certains milieux comptant des patients regroupés dans des lits de répit sont visés par des accords spécifiques permettant exceptionnellement de traiter ces patients comme des patients en centre d’hébergement (admis au centre plutôt qu’inscrits). L’ensemble des modalités à l’acte trouve alors application, notamment la visite de suivi courante (sans examen), la réponse téléphonique à des appels urgents du personnel, le supplément pour déplacement d’urgence et la rédaction du formulaire de niveau d’intervention médicale. Les médecins peuvent aussi choisir le mode du tarif horaire ou le mode mixte en CHSLD.
L’autre question qui survient lorsque le médecin est rémunéré à l’acte ou au mode mixte est de savoir s’il y a un maximum de visites par jour ou par semaine qu’un médecin peut réclamer pour le même patient.
Dans le cas des patients hospitalisés, cette question survient probablement du fait que la FMSQ a récemment modifié son entente pour limiter le nombre d’examens ou de visites payables par semaine à un médecin spécialiste pour ce genre de clientèle. Or, dans l’entente de la FMOQ, il n’existe pas de nombre maximal hebdomadaire de visites. C’était autrefois le cas des examens ordinaires après quinze jours d’hospitalisation, mais ce maximum a été aboli avant le passage à la nouvelle nomenclature. Il existe toutefois deux contraintes à la fréquence des visites qui peuvent être facturées : le fait que seuls les services médicalement requis sont assurés et les exigences de la visite de suivi.
Les services assurés sont ceux qui sont nécessaires sur le plan médical. Le simple fait qu’un examen soit exigé par un règlement de l’établissement n’en fait pas un service médicalement requis. Un patient qui ne reçoit plus de soins actifs n’a généralement pas besoin d’être vu tous les jours de la semaine. Même si le libellé ne prévoit pas de fréquence, seule d’une à quelques visites par semaine risquent d’être « requises » pour ce genre de clientèle et donc payables selon la situation du patient.
Le libellé de visite de suivi en soins de courte durée ne prévoit pas de fréquence maximale quotidienne ni hebdomadaire. Toutefois, si le médecin veut réclamer plus d’une visite par jour, un examen doit être rendu nécessaire par un changement à l’état du patient, ce qui devient une limite pour certaines clientèles. Cette limite s’ajoute à l’exigence d’être médicalement requis. Bref, le médecin devrait doser la fréquence de facturation de ces visites en fonction des besoins de chaque patient, ce qui signifie probablement qu’il ne pourra réclamer de visite quotidienne, à moins de situations particulières.
La même exigence que pour les patients hospitalisés s’applique en CHSLD. C’est une règle fondamentale de la Loi sur l’assurance maladie.
Le libellé pertinent ici est la visite de suivi exigeant un examen. Il prévoit que la visite peut être réclamée « lorsque l’examen clinique est rendu nécessaire par l’état du patient pour évaluer un nouveau problème médical, entreprendre un traitement, évaluer un traitement en cours ou suivre l’évolution d’une maladie ou d’une complication. »
Cette exigence s’applique autant à la première visite qu’à des visites subséquentes le même jour pour le même patient. Il pourra donc s’agir d’une limite autant hebdomadaire que quotidienne, selon l’état des patients.
Espérons que ces informations vous permettront de juger des modalités applicables lorsque vous êtes appelés à exercer en dehors de votre cadre habituel. D’ici le mois prochain, bonne facturation ! //